« City of Sadness » : une fresque poignante et bouleversante sur l’histoire taïwanaise

Découvrez la critique d'Insidetaiwan.net du film "City of Sadness" : narration émouvante et esthétique envoûtante sur l'histoire taïwanaise.
City Of Sadness - Copyright : Image promotionnelle

Partager l'article

Réalisé par Hou Hsiao-hsien en 1989, « City of Sadness » (悲情城市) est un film taïwanais emblématique qui aborde un sujet sensible et longtemps tabou : l’incident du 28 février 1947 et la période de la Terreur blanche qui a suivi. À travers le prisme d’une famille locale, le film dépeint les bouleversements politiques et sociaux qui ont façonné l’histoire de Taïwan. Voici la critique d’Insidetaiwan.net sur ce film.

A City of Sadness (1989) Trailer

Une narration subtile et émouvante

La construction narrative

« City of Sadness » se distingue par sa narration subtile et émouvante, qui dépeint les événements tragiques de l’histoire taïwanaise sans jamais tomber dans le mélodrame. Le réalisateur Hou Hsiao-hsien utilise des techniques de mise en scène épurées et un montage elliptique pour raconter l’histoire de la famille Lin. Dont les membres tentent de vivre dans la tourmente de l’incident du 28 février et de la répression qui a suivi.

Le film se structure en plusieurs chapitres qui se déroulent sur une période de quatre ans, de 1945 à 1949. Cette construction permet de montrer l’évolution des personnages et des relations entre eux, ainsi que l’impact des événements historiques sur leurs vies. Le choix de se concentrer sur une famille ordinaire, plutôt que sur des figures politiques ou militaires, humanise le récit et permet au spectateur de s’identifier aux personnages.

Les personnages et leurs dilemmes

Les acteurs, notamment Tony Leung Chiu-wai et Jack Kao, offrent des performances poignantes et nuancées. Elles soulignent la complexité des émotions et des dilemmes auxquels se confrontent les personnages. Le film met en scène une galerie de personnages variés. Dont certains sont directement impliqués dans les événements politiques. Tandis que d’autres tentent simplement de survivre dans un contexte de violence et d’incertitude.

Le personnage principal, Wen-ching, interprété par Tony Leung, est un photographe sourd-muet qui observe les bouleversements qui secouent sa famille et son pays avec un mélange de compassion et d’impuissance. Son handicap est symbolique de la difficulté à communiquer. Et à exprimer la souffrance dans une société répressive, où l’on réduit les voix dissidentes au silence.

Le personnage de Hinoe, le frère aîné de Wen-ching, incarné par Jack Kao, est quant à lui un entrepreneur ambitieux qui se trouve confronté à des choix moraux difficiles pour protéger sa famille et ses intérêts. Son parcours illustre les compromis auxquels de nombreux Taïwanais doivent faire face. Pour survivre dans un contexte politique instable et oppressif.

Les thèmes abordés

« City of Sadness » aborde des thèmes universels tels que la famille, l’amour, la loyauté et la trahison, qui transcendent les frontières culturelles et historiques. Le film explore également des questions spécifiques à l’histoire taïwanaise, telles que l’identité, la mémoire collective et les conséquences du colonialisme et de la répression politique. En confrontant ces thèmes à travers les expériences intimes des personnages, le film réussit à établir un dialogue entre le personnel et le politique, le particulier et l’universel.

L’un des thèmes centraux du film est la quête d’identité des Taïwanais, tiraillés entre leur héritage culturel chinois et japonais et leurs aspirations à l’autodétermination. Le réalisateur aborde cette question à travers les relations entre les personnages et les choix qu’ils sont amenés à faire, offrant ainsi une réflexion nuancée sur la complexité de l’identité taïwanaise.

Une esthétique soignée et envoûtante

La photographie

Le film est également remarquable pour son esthétique soignée et envoûtante. La photographie de Chen Hwai-en capture avec brio l’atmosphère mélancolique et nostalgique de l’époque, alternant entre des images sombres et contrastées, évoquant la noirceur des événements, et des scènes baignées de lumière naturelle, qui soulignent la beauté et la fragilité de la vie quotidienne. Les paysages urbains et ruraux de Taïwan sont également mis en valeur, offrant un cadre visuellement riche et évocateur pour le récit.

Le son et la musique

La musique de Kuo Chih-yuan souligne subtilement l’émotion sous-jacente, sans jamais envahir l’espace sonore du film. Les mélodies délicates et mélancoliques du piano et des cordes se mêlent aux bruits ambiants et aux dialogues en mandarin, taïwanais et japonais, créant une bande-son immersive et polyphonique qui reflète la diversité culturelle de l’île.

Les techniques de mise en scène

Les plans longs et les séquences en temps réel confèrent une dimension contemplative au film, qui invite le spectateur à s’immerger dans les expériences des personnages et à réfléchir aux thèmes abordés. Hou Hsiao-hsien privilégie une mise en scène minimaliste et naturelle, évitant les effets spectaculaires et les mouvements de caméra ostentatoires. Cette approche épurée et dépouillée permet au spectateur de se concentrer sur l’essence même du récit et de ressentir pleinement l’impact émotionnel des événements.

Un regard courageux sur l’histoire taïwanaise

La représentation de l’incident du 28 février et de la Terreur blanche

En abordant frontalement l’incident du 28 février et la Terreur blanche, « City of Sadness » constitue un regard courageux et nécessaire sur une période sombre de l’histoire taïwanaise. Le film ne cherche pas à minimiser ou à occulter les violences et les injustices qui ont marqué cette époque, mais il les présente de manière subtile et suggestive, laissant au spectateur la liberté d’interpréter et de ressentir les événements à sa manière.

L’impact du film sur la société taïwanaise

« City of Sadness » a joué un rôle crucial dans la reconnaissance et la discussion de l’incident du 28 février et de la Terreur blanche, contribuant ainsi à la réconciliation nationale et à la construction d’une identité taïwanaise distincte. En brisant le silence qui entourait ces événements, le film a permis d’ouvrir un débat public sur les responsabilités et les mémoires collectives, et de favoriser la prise de conscience de la nécessité de préserver la mémoire historique pour les générations futures.

La place du film dans le cinéma taïwanais et mondial

« City of Sadness » est considéré comme un jalon du cinéma taïwanais, et il a contribué à faire connaître l’œuvre de Hou Hsiao-hsien et d’autres réalisateurs de la « Nouvelle Vague taïwanaise » à l’échelle internationale. Le film a remporté le Lion d’or à la Mostra de Venise en 1989, une première pour un film taïwanais, et il est souvent cité parmi les meilleurs films asiatiques de tous les temps. Sa réputation et son influence dépassent largement les frontières de Taïwan, et il est devenu une référence incontournable pour les cinéphiles et les étudiants en cinéma du monde entier.

《悲情城市》A City of Sadness (1989) Theme OST

« City of Sadness » est un film bouleversant et poignant qui mérite amplement sa place parmi les chefs-d’œuvre du cinéma taïwanais et mondiaux. En abordant avec justesse et sensibilité des événements tragiques et longtemps tabous, le réalisateur Hou Hsiao-hsien offre une œuvre à la fois artistiquement exigeante et politiquement engagée. Un film à découvrir ou redécouvrir, pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire et à la culture taïwanaises.

Partager l'article

À propos de l'auteur

  • Luc

    Fondateur du webzine francophone Insidetaiwan.net Consultant en développement international 🚀des entreprises en Asie du Sud-Est #Taiwan #Tourisme #Société #Culture #Business #Histoire #Foodie

Vous aimez Inside Taïwan ?
Devenez acteur de ce projet

Laisser un commentaire

Abonnez-vous à nos newsletters pour une exploration approfondie de Taiwan

Contenus sponsorisés