Au nord de Taïwan, là où les côtes abruptes du district de Shimen affrontent les vagues de la mer de Chine Orientale, se cache une légende maritime. Celle du Santa Abrila Peza, un galion espagnol chargé de milliers de réaux, qui aurait sombré en 1636 au cours d’une tempête. Cette épave, toujours introuvable, contiendrait une fortune estimée à plusieurs millions d’euros actuels. Depuis des décennies, chercheurs, plongeurs et rêveurs sillonnent les côtes à la recherche de ce trésor englouti, à mi-chemin entre mythe et réalité. Et si tu décidais de reprendre cette quête ?
Un naufrage au sein d’une flotte espagnole
Le Santa Abrila Peza n’était pas un navire isolé. Selon les archives consultées à l’Université de Salamanque et les registres coloniaux des Philippines, il faisait partie d’une flotte de quatre galions espagnols qui avaient quitté Manille à la fin du mois d’août 1636, à destination de Macao et Ningbo. Leur mission : livrer de l’argent, du matériel religieux et des marchandises de luxe aux enclaves espagnoles et portugaises en Chine, tout en transportant à bord des missionnaires jésuites, des fonctionnaires coloniaux et des produits exotiques issus des Amériques.
Alors que la flotte longeait la côte nord de Formose (ancien nom de Taïwan), elle fut prise dans une violente tempête tropicale en approche depuis la mer de Chine orientale. Les navires tentaient de rester groupés, mais les vents déchaînés et les courants imprévisibles poussèrent le Santa Abrila Peza à l’écart. Le galion fut projeté contre les récifs de la baie de Laomei, près de Shimen, et se brisa en deux en moins d’une heure.
Les trois autres navires, bien que endommagés, réussirent à éviter la catastrophe en se déroutant vers Keelung. Ils signalèrent la perte du Santa Abrila Peza dans leurs journaux de bord, aujourd’hui conservés aux Archives coloniales des Philippines. Ce drame coûta la vie à une trentaine de marins, tandis que quelques survivants auraient été secourus par des pêcheurs autochtones taïwanais, selon les chroniques des Jésuites.
Un trésor inestimable au fond de l’océan
Le Santa Abrila Peza transportait une cargaison exceptionnelle. Les témoignages espagnols évoquent :
- Près de 50 coffres de réaux, frappés à Mexico et à Potosí,
- Des icônes religieuses ciselées en or et en argent, destinées aux missions chrétiennes de Chine,
- Des caisses de soieries, d’épices et de bois rares pour les marchés asiatiques,
- Des documents scellés incluant des traités diplomatiques, des cartes nautiques et des lettres de missionnaires.
Ce trésor n’était pas seulement monétaire. Il avait une valeur historique immense, témoin d’une époque où les puissances européennes tissaient des routes commerciales intercontinentales, et où Taïwan était une plaque tournante stratégique entre l’Amérique latine, l’Asie du Sud-Est et la Chine impériale.
Une quête acharnée et des découvertes partielles
Depuis le naufrage, les histoires se sont transmises de génération en génération parmi les habitants de Shimen. De nombreux objets ont été retrouvés de manière fortuite par des pêcheurs :
- Des réaux corrodés,
- Des fragments de céramique espagnole,
- Des croix chrétiennes en cuivre,
- Et même une coque de pistolet à mèche, typique des armes utilisées à bord à cette époque.
Mais la véritable percée scientifique survint dans les années 2000, lorsqu’une équipe de l’Université nationale océanique de Taïwan (國立臺灣海洋大學, National Taiwan Ocean University), dirigée par le professeur Bill Lee (李志彥), lança une série de recherches archéologiques sous-marines. À l’aide de radars à balayage latéral, de magnétomètres et de plongeurs spécialisés, l’équipe parvint à cartographier certaines anomalies sous-marines suspectes.
Le professeur Lee et son équipe remontèrent plusieurs objets intéressants, dont :
- Un morceau de mât en bois tropical,
- Une cloche de navire partiellement fondue,
- Des morceaux de faïence décorée,
- Et des pièces estampillées de la croix espagnole.
Malgré ces preuves tangibles, l’emplacement exact de l’épave reste inconnu. Les fonds marins de Shimen sont particulièrement traîtres, avec des couches de sable mouvant et des formations rocheuses complexes. Certains archéologues pensent que l’épave est aujourd’hui enfouie sous plusieurs mètres de sédiments, ou dispersée sur une large zone.
Un rêve toujours vivant
Aujourd’hui, l’histoire du Santa Abrila Peza continue de fasciner et de faire rêver les aventuriers en quête d’histoire à la Indiana Jones. Son trésor – estimé à plusieurs millions d’euros – n’est pas seulement une promesse de richesse, mais aussi un pont vers l’histoire coloniale oubliée de Taïwan. Cette époque méconnue, où Espagnols, Hollandais, Chinois et Japonais se disputaient l’île, a laissé peu de traces visibles. Le Santa Abrila Peza en serait un témoignage exceptionnel, une capsule temporelle intacte sous les vagues.
Certains passionnés organisent régulièrement des plongées exploratoires, armés de détecteurs de métaux et d’anciens journaux de bord. Des jeunes historiens et archéologues maritimes taïwanais souhaitent relancer une expédition scientifique pour cartographier les fonds de la zone présumée du naufrage.
📌 Ce qu’il faut retenir
🕰️ Date du naufrage : 1636, en pleine saison des typhons
⚓ Flotte d’origine : 4 navires espagnols partis de Manille, seuls 3 ont survécu à la tempête
📚 Recherches modernes : Menées par l’Université nationale océanique de Taïwan (國立臺灣海洋大學) sous la direction du Pr Bill Lee (李志彥)
💰 Valeur estimée du trésor : Plusieurs millions d’euros en argent, or, objets religieux et artefacts coloniaux
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