Taïwan : un long combat vers la reconnaissance de son patrimoine auprès de l’UNESCO

Appréhendez le long combat de Taïwan pour inscrire ses sites remarquables au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Gorges de Taroko - Copyright : Insidetaiwan.net

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Dans le panorama international, Taïwan demeure une terre singulière, nourrie par une richesse culturelle, écologique et historique qui fait l’objet d’un indéniable sentiment de fierté parmi les habitants de l’île. Pour un observateur français, cette volonté de préservation et de rayonnement rappelle certaines dynamiques similaires à l’œuvre dans l’Hexagone, où le patrimoine est considéré comme une composante essentielle de l’identité nationale. Aujourd’hui, une impulsion significative anime les cercles culturels et politiques taïwanais : l’ambition d’inscrire ces pépites patrimoniales sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO. En dépit des défis de taille que représente cette entreprise, la campagne gagne progressivement en envergure, marquant une étape cruciale dans la reconnaissance internationale de ces richesses inestimables.

Si la démarche peut s’avérer ardue, c’est notamment en raison de la géopolitique complexe qui entoure Taïwan. Ainsi, l’inscription à l’UNESCO n’est pas simplement une validation culturelle, mais aussi un enjeu diplomatique. Dans ce contexte, il est fascinant de constater que la volonté d’accéder à cette reconnaissance mondiale ne faiblit pas, signe que la valeur de ces sites est considérée comme transcendantale, allant bien au-delà des simples frontières taïwanaises. A l’instar de la France, dont le classement de la gastronomie française au patrimoine immatériel de l’UNESCO a été vécu comme une consécration, mais aussi comme une responsabilité à transmettre ce savoir-faire au reste du monde.

Importance du patrimoine naturel et culturel de Taïwan

L’attrait et la popularité des sites touristiques de classe mondiale dépendent souvent du caractère unique d’un endroit particulier, comme les gorges de Taroko et Alishan à Taïwan, qui attirent tous deux des touristes locaux et étrangers. Peu de visiteurs de l’île repartiraient avec l’impression que Taïwan est une destination sans relief après avoir vu les panoramas spectaculaires des gorges ou voyagé sur l’un des trois plus grands chemins de fer de montagne du monde. Ces deux sites sont tellement uniques que des efforts sont déployés depuis près de 20 ans pour les ajouter à la liste des sites du patrimoine mondial établie par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Plus connue pour son miracle économique et sa démocratie naissante, Taïwan attire de plus en plus l’attention de la communauté internationale en explorant son héritage touristique et culturel.

Beinan Archaeological Site, Taitung. Taiwan | 卑南遺址

Le projet d’identification et de protection des sites du patrimoine mondial menacés par les guerres, les catastrophes naturelles, les changements environnementaux et le développement industriel remonte à 1972, lorsque la Conférence générale de l’UNESCO a adopté la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel. A ce jour Convention du patrimoine mondial a été ratifiée par 195 États et a conduit à l’inscription de près de 1200 sites.

Taïwan n’étant pas membre des Nations unies, il est peu probable que l’UNESCO inscrive prochainement des sites taïwanais sur sa liste. Cela n’a toutefois pas empêché le Conseil des affaires culturelles (CCA) de préparer les sites les plus remarquables de Taïwan en vue d’une éventuelle inscription sur la liste de l’organisation internationale. Les responsables du CCA, depuis plus de 20 ans s’efforce de se concentrer sur ce qu’ils peuvent faire. Et préfère se préparer à être inspecté à tout moment. Car pour eux les obstacles politiques échappent à leur contrôle.

Si au début des années 2000 Taïwan était perçu comme juste une réussite « économique », la récente pandémie a montré que l’île pouvait aider le monde en matière de santé. Et depuis deux ans son softpower inclut différents éléments. Le tourisme en est devenu un des pivots clés. Car entre ses magnifiques paysages, ses attractions culturelles uniques et historiques, l’île est dorénavant devenue une destination incontournable. En outre l’environnement politique est susceptible de changer et que, lorsque le moment sera venu, Taïwan pourra demander l’inscription de ses attractions dignes d’intérêt sur la liste du patrimoine mondial.

Les initiatives du Conseil des Affaires Culturelles

Le conseil a commencé à promouvoir le concept de patrimoine mondial en 2001 avec le lancement des Journées du patrimoine mondial de Taïwan, une campagne internationale de sensibilisation du public qui a vu le jour en France en 1984. Ces journées ont pour but de faire découvrir des lieux habituellement inaccessibles aux habitants de l’île. Ces lieux sont inaccessibles pour différentes raisons, lieux privés, lieux de pouvoir, lieux en travaux… Des activités liées à cette campagne sont organisées à la mi-septembre dans des lieux remarquables de Taïwan comme la forteresse de Tamsui Huwei, située dans le nord de Taïwan et désignée comme site historique par le ministère de l’intérieur en 1985. Et que de nombreux Taïwanais découvrent lors de ces journées.

En outre, le CCA avait déclaré 2002 Année de l’environnement culturel, en mettant l’accent sur le patrimoine mondial. Onze sites ont été recommandés par un panel d’historiens, d’experts, de gouvernements locaux et de communautés comme candidats à l’UNESCO. Ces sites comprennent des attractions internationalement connues ainsi que d’autres qui reçoivent plus d’attention au niveau national, comme la ligne de chemin de fer de la vieille montagne de 23 kilomètres dans le centre de Taïwan. Construite en 1908, cette ligne de chemin de fer est remarquable pour sa construction à travers une topographie difficile. Bien que la ligne ait été fermée il y a quelques années, elle continue d’attirer les touristes et l’attention des médias au niveau national ; Et ces dernières années de nombreux touristes internationaux choisissent ce lieu pour des photos instagrammables !

[Taiwan Rediscovered] Scenic Ride on Old Mountain Line Rail Bike

Cette campagne avait abouti, en octobre 2002, à la venue de trois experts internationaux, invités à évaluer les 11 finalistes, dont Yukio Nishimura, vice-président, à l’époque du Conseil international des monuments et des sites, une organisation non gouvernementale qui offre une assistance au Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO. Suivant leurs conseils, le CCA a classé les sites en fonction de leur caractère unique et de leur degré de préparation à l’inspection de l’UNESCO. A cette époque, l’accent était mis sur quatre lieux symboliques : Les gorges de Taroko, Alishan, le site culturel de Peinan et la forêt de Chilan. Peinan abrite le plus grand site funéraire préhistorique de la ceinture du Pacifique, tandis que la forêt de Chilan est célèbre pour ses cyprès anciens.

Mais suite au rapport de ces experts, le CCA à ajouter le parc national de Yushan à la liste en raison de la richesse de sa biodiversité. Et depuis 20 ans ces 5 lieux font l’objet de toutes les attentions et du softpower culturel de Taïwan. Il est a noté que le CCA, invite régulièrement des experts pour avoir leur avis et permettre de préparer les meilleurs dossiers au mieux mais surtout pour bien optimiser le choix des « biens culturels » à mettre en avant. Même si le CCA souhaite toujours valoriser, prépare et accentue son lobbying autour des 5 premiers lieux choisis…

Il n’en demeure pas moins ouvert à d’autres suggestions et regarde également les différents emplacements dans le monde qui obtiennent le précieux sésame de la part de l’UNESCO. Des questions se posent sur des monuments comme la Tour 101, le temple de Longshan… et même sur la Cuisine aborigène taïwanaise ou la cuisine taïwanaise à l’instar de la cuisine française…

Se faire connaître du public local

Cependant Les campagnes visant à faire reconnaître ses attractions par l’UNESCO ont débuté quelques années plus tard et reste très récente. Taïwan a encore un long chemin à parcourir avant d’atteindre son objectif. Les responsables des différentes campagnes auprès de l’UNESCO, citent souvent des exemples comme La riviera de Nice qui n’a été inscrite au patrimoine qu’en 2021 après une campagne de plus de 30 ans et d’autres sites qui ne sont toujours pas inscrit alors qu’ils sont mondialement connus comme le Parc national Kruger en Afrique du Sud.

Taïwan se prépare donc à un long combat et doit aussi surmonter de nombreux défis internes. Absence de données relatives à la préservation de certains sites, absence d’indicateurs environnementaux et plus paradoxal, certains sites ne communiquent pas sur leur nombre de visiteurs. Par ailleurs, de nombreux autres sites, en particulier ceux des deuxième et troisième catégories, doivent faire l’objet d’une étude plus approfondie.

Il est tout aussi important de faire connaître ces sites au public. Il est essentiel d’encourager les gens à s’identifier aux sites, sinon il est inutile de prendre des mesures réglementaires pour les protéger selon Wang Shin, professeur au département de géographie de l’université nationale de Taïwan. Les sites moins connus nécessiteront davantage de publicité, comme Chinkuashih, une ancienne ville minière du nord de Taïwan, unique en raison de sa géographie et de son histoire coloniale. En effet l’intérêt envers les sites historiques et l’histoire de Taïwan est un phénomène récent pour la plupart des taïwanais. Nombreux sont ceux qui ne savent pas grand-chose des histoires qui se cachent derrière ces lieux. Et pour beaucoup ils découvrent avec stupéfaction qu’ils véhiculent des messages qui méritent l’attention du monde entier. Car ils enrichissent le roman national et l’identité taïwanaise.

A magical holiday‧ Kinmen _P1-2 Battlefield Culture- Subterranean Kinmen

Le soutien des habitants vivant à proximité ou sur des sites potentiels du classement est un autre facteur crucial dans la tentative du CCA de promouvoir les sites de Taïwan. Par exemple, l’échec de la création d’un parc national sur l’île des Orchidées en raison de l’opposition des habitants de l’île a freiné les efforts visant à préserver l’île, avec sa culture aborigène unique. Il en va de même pour la forêt de Chilan, où les populations autochtones s’opposent à la création d’un parc national sur leur territoire traditionnel.

Les parcs nationaux sont protégés par une réglementation stricte. Kinmen, Yangminshan, les gorges de Taroko et Yushan sont tous des parcs nationaux et des candidats au patrimoine mondial. Kinmen, un groupe d’îles situé au large de la côte sud-est de la Chine et un important avant-poste militaire, est unique en son genre car il a servi de tremplin à la migration des Chinois Han du continent vers Taïwan. Le parc national de Yangminshan est un site volcanique abritant des geysers et des sources chaudes, unique pour ses activités géothermiques.

Défis et perspectives

S’il reste beaucoup à faire pour empêcher la détérioration des sites, il est également nécessaire de préserver et de restaurer ces destinations. Sur l’île des Orchidées, par exemple, des logements modernes ont poussé comme des champignons ces dernières années, se mêlant aux maisons traditionnelles qui constituaient autrefois la caractéristique unique de l’île. Le phénomène n’est pas rare à Taïwan, où il existe peu de projets de construction intégrés. Cependant le gouvernement taïwanais ne souhaite pas prendre exemple sur la Chine qui est déterminée à démolir les bâtiments incompatibles avec leur environnement pour que certaines zones soient classées au patrimoine mondial de l’humanité.

En effet, en tant que pays démocratique, Taïwan aurait certainement du mal à à procéder ainsi. Et même exproprier unilatéralement les propriétaires n’est pas compatible avec la démocratie. Les institutions culturelles taïwanaises, préfèrent regarder du côté de la France et ses nombreuses solutions pour préserver son patrimoine (Fondation privée, Loto du Patrimoine, Loi sur l’exception culturelle française, le corps des architectes des Bâtiments de France…). En outre la France fait partie du top 5 des pays ayant le plus de sites inscrits au patrimoine mondiale de l’UNESCO. Il est donc certain qu’il y a un vrai savoir faire dans la demande et le dépôt des dossiers. Nombreux sont donc les responsables culturels taïwanais à souhaiter un rapprochement et de plus importantes collaborations avec l’hexagone sur ces sujets patrimoniaux et culturels. L’Italie, L’Espagne sont aussi des pays vers lesquels regardent Taïwan.

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Bien qu’il y ait peu de chances que ses attractions soient reconnues comme sites du patrimoine mondial dans un avenir proche, Taïwan devrait néanmoins continuer à promouvoir le concept. Les efforts déployés pour répondre aux critères reconnus par la communauté internationale amélioreront les normes utilisées pour évaluer les efforts de protection des biens en général, localement.

En explorant ses sites potentiels, le public prend conscience des caractéristiques de l’île, y compris celles qui ne figurent pas sur la liste du CCA. Ces caractéristiques contribuent à distinguer Taïwan sur la scène internationale et incitent les habitants à s’identifier à leur patrie. L’accent mis sur la préservation aide également la société à valoriser les rituels culturels et les traditions orales, tels que le pèlerinage de la divinité populaire Matsu, qui a lieu au cours du troisième mois lunaire. Le débat sur la protection des trésors culturels immatériels a commencé dès 1972, mais le premier cas n’a été annoncé qu’en 2001, lorsque l’UNESCO a officiellement reconnu 19 chefs-d’œuvre dans cette catégorie, dont l’opéra Kun de Chine.

Selon le CCA, les gouvernements locaux sont de plus en plus réceptifs aux préoccupations concernant les sites potentiels. Nombre d’entre eux ont publié des informations sur les sites placés sous leur contrôle administratif et ont rempli des formulaires détaillant leurs mérites et les points de vigilance et/ou d’amélioration. Le CCA est donc optimiste. En effet son projet quinquennal, lancé il y a une 20aine d’année, et qui cette année commence un nouveau cycle, prévoit la poursuite des efforts effectués ses dernières années, définir les contraintes financières, choisir les lieux à rénover en priorité, former des groupes d’experts pour aider les autorités locales à protéger les sites susceptibles d’être classés.

Parallèlement, le secteur privé commence à reconnaître la valeur de la création de sites de Taïwan. Le projet World Monuments Watch du World Monuments Fund, basé à New York et financé par la Fondation American Express, en est un bon exemple. Deux sites historiques, un village à Wangan, Penghu, et un ensemble de maisons privées à Anping, Tainan, ont été proposés pour figurer dans un livre documentant 100 sites culturels dans le monde, dont la publication avant les années 2010, a permis à de nombreux étrangers de découvrir de nouvelles destinations touristiques à Taïwan.

Depuis 1996, le World Monuments Watch répertorie tous les deux ans 100 des sites historiques les plus précieux mais aussi les plus menacés du monde, ce qui en fait un projet très prestigieux. Contrairement à l’UNESCO, les juges du projet ne sont pas influencés par des considérations politiques lorsqu’ils effectuent leur sélection. Ainsi les deux sites taïwanais étaient toujours présents dans la liste de 2022, lors du dernier rapport. De nombreux responsables politiques taïwanais pensent que des projets privés similaires doivent aider Taïwan à protéger son héritage, car le public est de plus en plus conscient de l’urgence de protéger le patrimoine local.

Fish Weir Cultural Landscape, Jibei Island, Penghu, Taiwan

Au-delà de ses atouts économiques, Taïwan mise sur sa beauté culturelle et naturelle pour attirer l’attention du monde entier. Bien que l’essor du tourisme puisse en résulter, l’objectif du CCA ne se limite pas à cela. En effet, le tourisme ne peut être une industrie durable que si les gens peuvent utiliser judicieusement les atouts culturels et naturels, alors que le tourisme basé sur l’exploitation des ressources finira par éclater comme une bulle, a l’instar des différentes bulles boursières ou immobilières.

En outre le tourisme de masse est de plus en vue comme une contrainte (environnementale, sociale, sociétale, humaine…) et non plus comme seulement un apport économique qui permet de booster le PIB. Heureusement, Taiwan devient progressivement moins myope face à la question du développement du tourisme, comme en témoignent les efforts du gouvernement pour inclure les trésors locaux dans la liste des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO. Après tout, ces sites n’appartiennent pas qu’aux Taïwanais, ils doivent être partagés avec les gens du monde entier.

Les campagnes en cours pour inscrire les trésors de Taïwan au patrimoine mondial de l’UNESCO mérite toute notre attention, tant elle reflète une volonté manifeste de partager avec le monde entier un héritage culturel, écologique et historique aussi précieux qu’unique. De là, une question se pose : serons-nous, à l’échelle globale, à la hauteur de cette offre généreuse d’échange et de connaissance ? La réponse à cette question déterminera non seulement le futur patrimonial de Taïwan, mais aussi la manière dont nous, en tant que communauté internationale, valorisons et préservons la richesse culturelle globale.

Découvrez les sites potentiels pour une future inscription au patrimoine mondial :


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À propos de l'auteur

  • Luc

    Fondateur du webzine francophone Insidetaiwan.net Consultant en développement international 🚀des entreprises en Asie du Sud-Est #Taiwan #Tourisme #Société #Culture #Business #Histoire #Foodie

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