Pierre Séry, fondateur des éditions Asian District, partage son parcours et son engagement pour la bande dessinée taïwanaise. Après une carrière dans la recherche et l’innovation, il se consacre à l’édition pour faire découvrir des talents asiatiques au public francophone. Son objectif : offrir des œuvres authentiques, visuellement marquantes et accessibles. Il nous raconte l’évolution du marché du manhua taïwanais, les défis de l’adaptation et les perspectives d’avenir de la BD taïwanaise en France.
Bonjour, pouvez-vous vous présenter et nous dire quelques mots sur votre parcours ?
Je suis Pierre Séry, dirigeant des éditions Asian District. J’ai un parcours professionnel assez riche qui est un peu le reflet de ma personnalité un peu touche à tout.
Après un DESS en droit des nouvelles technologies obtenu en 2004, je travaille depuis plus de 20 ans dans le milieu de la recherche et de l’innovation ayant travaillé dans un certain nombre de structures publiques du milieu. J’ai tout quitté en 2023 pour me consacrer pleinement à mes activités entrepreneuriales puisque j’ai créé une startup dans le secteur du numérique, en parallèle de ma maison d’édition qui elle, existe depuis 2010.
J’ai aussi une activité d’enseignement à l’université et je cumule pas mal aussi d’autres casquettes notamment dans le milieu associatif du côté de chez moi, près de Nancy, dans le Nord Est de la France.

Vous êtes le fondateur d’Asian District Editions, pouvez vous nous présenter cette nouvelle maison d’éditions ?
L’aventure a commencé en décembre 2010 sous un autre nom puisque la maison d’édition s’est créée sous le nom « Kotoji Editions ». A l’époque, j’avais créé un fanzine de dessinateurs fans de BD et de manga. Quand les gars avec qui je faisais ça m’ont demandé ce qu’il faudrait faire pour publier leurs propres titres, j’avais simplement répondu « créer une boîte ». C’est ce que j’ai fait cela va bientôt faire 15 ans que cela dure !

En 2014, j’avais créé le label « Asian District » pour la publication de licences asiatiques, nous avions commencé par des titres en provenance de Chine continentale puis nous sommes ouverts à des titres de Taïwan et Hong Kong. Petit à petit, notre activité s’est exclusivement orientée vers nos publications de ce label, si bien que depuis l’année dernière le label est devenu le nom de la maison d’édition car ça n’avait aucun sens d’avoir une maison d’édition avec un nom japonais qui publiait exclusivement des titres tirés de la langue chinoise.
En matière de BD taïwanaise, nous avions commencé en 2016 avec la publication des séries Oldman (de Chang Sheng) et Alice in Mechaland (de Hambuck), et nous sommes depuis l’année dernière les heureux éditeurs du travail de Ruan Guang min en France.
Quelles sont les valeurs et la ligne éditoriale de votre maison d’édition ?
L’idée derrière notre maison d’édition, c’est de montrer qu’il y a des gens issus d’autres territoires dans le monde qui ont chacun des histoires intéressantes à raconter.
On essaie de trouver le juste équilibre entre ce que l’on considère comme étant des œuvres de qualité, qui ont leur identité propre et une originalité certaine, mais qui ont aussi le potentiel commercial suffisant pour plaire au public français.

A titre personnel, j’attache une grande importance à la qualité graphique et à ce que l’on trouve des histoires qui puissent toucher le lectorat français.
Pourquoi avoir choisi de vous spécialiser dans les œuvres asiatiques, et plus particulièrement taïwanaises ?
A la base, je suis un lecteur très ouvert sur les différents types de bandes dessinées, et en particulier du manga japonais.
Lorsque je me suis lancé, je me suis demandé quelle pourrait être ma plus-value dans ce secteur où les acteurs historiques sont nombreux et ont tous fait un travail de grande qualité pour faire découvrir des titres au public français.

En 2006, j’avais découvert la BD chinoise grâce à un éditeur qui n’existe plus aujourd’hui, les éditions Xiao Pan. C’est là que je m’étais rendu compte du potentiel qu’il pouvait exister en Asie en dehors du Japon.
C’est grâce à la forte présence de délégations taïwanaises au festival d’Angoulême depuis 2012 que je me suis intéressé à la BD de Formose, y découvrant des talents incroyables pour lesquels les éditeurs français ne s’étaient pas vraiment penchés auparavant.
Après le succès du manga japonais et du manhwa coréen, assiste-t-on à l’essor du manhua taïwanais sur le marché francophone ?
Lorsque l’on regarde ce qu’il se passe depuis quelques années, le manhua taïwanais connait un essor incroyable et une très forte accélération sur le marché français. Cela reste encore un marché de petite niche, mais c’est un mouvement qui commence à durer, notamment avec l’apparition de certains succès en librairie qui on l’espère sont amenés à se développer.


Comment les œuvres taïwanaises se distinguent-elles des autres productions asiatiques en matière de narration et de style graphique ?
Je ne voudrais pas faire de généralité car la BD taïwanaise est très diverse. Selon moi, la grande majorité de la production taïwanaise est très fortement influencée par le manga japonais. Toutefois, on voit aussi un mouvement autour du roman graphique qui se développe, notamment avec le travail d’éditeurs comme Slowork publishing ou Dala, qui font un excellent travail.
On me demande souvent d’expliquer ce qu’est la BD taïwanaise, quelles sont ses spécificités. Je dirais que dans l’absolu, il n’y a rien de neuf techniquement, cela reste de la bande-dessinée. Par contre, ce qui est intéressant c’est de comprendre d’où viennent les auteurs. Les auteurs sont inspirés par ce qui les entoure et c’est à mon sens ce qui fait l’identité des histoires qui sont racontées, d’une certaine manière, on parle surtout de ce que l’on connait. Taïwan, c’est un territoire particulier par son histoire, sa géographie, les langues qui y sont pratiquées… C’est ça qui à mon sens fait l’identité de cette BD.
Les auteurs sont inspirés par ce qui les entoure et c’est à mon sens ce qui fait l’identité des histoires qui sont racontées
Pierre Séry
Quel regard portez-vous sur la place des auteurs taïwanais dans l’édition francophone ?
Comme je l’ai dit précédemment, il s’agit selon moi d’un véritable mouvement qui est tout sauf un one shot et qui a vocation à perdurer. Certains titres taiwanais se vendent aussi bien voire parfois mieux que de nombreux titres japonais ou français. Si l’on prend l’exemple de YAN sorti chez Glénat, l’un des plus gros éditeurs de BD en France et en Europe, c’est un véritable succès de vente en librairie.

Ce qui est intéressant c’est de voir comme les lecteurs ne font aujourd’hui plus la distinction sur les origines des titres. De nombreux éditeurs publiant des titres taïwanais les présentent comme des mangas au même titre que leurs séries japonaises.
Pour que le mouvement dure toutefois, je pense qu’il faut l’émergence d’un véritable blockbuster qui se vendra à des centaines de milliers d’exemplaires pour ancrer définitivement la BD taïwanaise dans l’esprit des lecteurs français. Il faudrait un « One Piece » ou un « Mortelle Adèle » taïwanais !!!
Comment sélectionnez-vous les auteurs et les œuvres que vous publiez chez Asian District ?
Lorsque je sélectionne un titre, j’ai 4 grands critères :
- Le titre doit avoir une identité graphique reconnaissable et qui se distingue
- Ce ne doit pas être une série trop longue (3 à 5 volumes maximum)
- Il faut que le titre puisse être vendu dans le rayon manga par son format ou son design graphique, afin qu’il ne soit pas perdu dans un rayon obscur chez les libraires
- Enfin arrive le critère subjectif : il faut que le titre me plaise tout simplement !

Quels sont les principaux défis que vous rencontrez lorsqu’il s’agit d’introduire ces œuvres auprès du public francophone ?
Le défi est souvent sur la prise de risque que l’on va avoir à proposer des titres qui ont des références très taïwanaises. Taïwan est un territoire peu connu pour les français, il faut donc réussir à trouver des histoires qui soient compréhensibles par notre lectorat.
Comment se déroule le travail de traduction et d’adaptation pour conserver l’essence des œuvres tout en les rendant accessibles au lectorat francophone ?
C’est un travail que je fais systématiquement avec mes traducteurs. La simple traduction est une chose mais l’adaptation est un travail essentiel où on reprend l’œuvre au global pour trouver le juste équilibre entre le respect de l’œuvre originale, la bonne compréhension du lectorat francophone mais aussi les contraintes techniques (par exemple adapter un texte en français horizontal sur une base de texte en chinois traditionnel vertical). Mais nous ne faisons rien de très original, c’est ce que font tous les éditeurs de publications étrangères.

Quelle est votre vision du marché de l’édition de bande dessinée taïwanaise en France dans les années à venir ?
Pour moi, c’est un secteur qui a vocation à perdurer, tout simplement parce que le lectorat est prêt et que les ventes sont encore bonnes. Les éditeurs français peuvent être ravis car ils gagnent de l’argent grâce à la BD taïwanaise. C’est un mouvement qui s’arrêtera lorsque les gens commenceront à en perdre, mais c’est loin d’être le cas aujourd’hui !!
A l’heure à laquelle tout le monde parle du numérique, de la fin du livre et de la baisse de l’intérêt de la lecture que faîtes vous pour capter votre public ?
Nous avons la chance en France d’avoir un secteur du livre papier très encadré et protégé par un écosystème extrêmement favorable. Mais je suis aussi pro-numérique et je pense que l’on a un bon équilibre qui se dessine entre l’exploitation de titres en papier et en numérique.

De notre côté, on essaie de travailler l’objet en tant que tel et de lui donner une véritable valeur. Par exemple, nous avons sorti le titre « Restaurant Paradis » de Ruan Guang min dans une édition spéciale tirée à seulement 200 exemplaires à l’occasion de la venue de l’auteur au dernier festival d’Angoulême. C’est une opération en tant que telle strictement à perte pour nous mais nous travaillons sur la durée et créons ainsi un rapport particulier avec l’objet papier pour nos lecteurs.
Quels sont les projets à venir pour Asian District ?
Nous comptons publier encore de nombreux de titres de Ruan Guang min dont je suis un énorme fan et qui est un auteur extrêmement prolifique, même s’il ne fait pas grand doute que d’autres éditeurs français avec bien plus de moyens se manifesteront très prochainement.
Nous sommes par ailleurs en train de négocier deux autres séries pour un public plus adolescent qu’on espère pouvoir bientôt annoncer.
Voyez-vous une opportunité pour Asian District d’étendre son influence en Asie, en collaborant directement avec les créateurs sur place ?
C’est une question que je me pose souvent mais cela demande un investissement en temps et en argent qui est tout autre. Je dirais, « chaque chose en son temps », mais je ne cache pas que développer ce genre de projet serait particulièrement excitant.
Quels sont les 3 auteurs de BD taïwanaise que vous rêveriez éditer ?
Il y a des auteurs que j’aimerais beaucoup éditer mais pour lesquels le risque est assez élevé notamment parce que les titres sont peu vendeurs pour le grand public mais j’adorerais publier des titres de Chen Uen ou de Zuo Hsuan par exemple. J’ai aussi rencontré de supers artistes comme Jason Chien, Parrot ou encore Shin Yan.
J’aime aussi beaucoup le travail d’auteurs comme Peter Mann ou encore Mickeyman.
Bref, au final, je ne saurais me limiter à seulement 3 noms !!! Toutes mes excuses !!!

Pourriez vous dire quelques mots à nos lecteurs pour les encourager à se lancer dans la Bande Dessinée Taïwanaise ?
Chers lecteurs, je vous encourage à être des gens curieux ! La BD taiwanaise a plein de belles histoires à raconter !!!
Informations pratiques :
- 💻 Site Internet des Editions Asian District
- 📱 Réseaux sociaux : Compte Instagram et Profil Facebook
- 📹 Chaîne Youtube des éditions
📢 Offre exclusive pour les lecteurs d’Inside Taiwan ! 🎁
Envie de découvrir la BD taïwanaise ? 📚 Profitez d’un livre offert pour toute commande sur le site des Editions Asian District !
🛒 Comment en bénéficier ?
1️⃣ Passez commande sur le site d’Asian District
2️⃣ Indiquez « Inside Taiwan » en commentaire
3️⃣ Recevez un livre de votre choix parmi notre catalogue (dans la limite des stocks disponibles) 🎉
Ne manquez pas cette occasion d’explorer les talents de la BD taïwanaise ! 🚀✨
👉 Commandez dès maintenant !
📰 En savoir ➕ 📰
Pour #approfondir et #compléter votre lecture, nous vous recommandons de découvrir les articles suivants :
- ⏯ La littérature belge à Taoyuan Lire l’article en cliquant sur le lien suivant.
- ⏯ Livres conseillés par Book of Taïwan Lire l’article en cliquant sur le lien suivant.
- ⏯ 10 auteurs de romans taïwanais à découvrir Lire l’article en cliquant sur le lien suivant.
💞 Soutenez-nous 💞
- ⏯ Nous soutenir #financièrement
- ⏯ S’inscrire à nos #Newsletters
- ⏯ Nous suivre sur nos #réseaux sociaux
- ⏯ Devenir #partenaire
- ⏯ Proposer des #articles et du #contenu
- ⏯ Découvrir nos offres #professionnelles (Publicités, Conseils…)
Pour découvrir nos offres rendez-vous sur la page dédiée (Nous soutenir) ou contactez-nous pour collaborer avec nous.
