L’enfant de la Vierge ?

Island Folklore explore l'union fascinante entre les contes allemands et le folklore Formosan Puyuma à Taïwan.
L'enfant de la Bonne Vierge - Copyright : Childstory

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Devinez : s’agit-il d’un conte de fées allemand ou d’un conte populaire taïwanais ?

La jeune fille muette

Il était une fois une belle fille née dans une famille désespérément pauvre. La famille n’ayant pas les moyens de garder l’enfant, elle fut contrainte de la faire adopter. Dans son nouveau foyer, la mère adoptive de l’enfant était gentille. Elle était bien nourrie, au chaud et aimée. Cette enfant bénie était heureuse et tout allait bien.

Il y avait cependant une règle absolue à laquelle l’enfant devait obéir : Au centre de sa nouvelle maison, il y avait une pièce mystérieuse, que la fillette devait promettre de ne jamais regarder à l’intérieur. Un jour, la mère adoptive de la petite fille est sortie faire une course. Alors que la fillette se promenait dans la maison, elle remarqua la chambre interdite et devint curieuse.

Alors qu’elle s’approchait de la porte et la poussait, la lourde porte produisit un grincement sourd. Cela effraya beaucoup la jeune fille et elle força immédiatement la porte à se refermer. Mais c’est précisément à ce moment-là que sa mère adoptive est revenue. Celle-ci interrogea et réprimanda l’enfant, mais la fillette refusa d’admettre sa faute. Furieuse, la mère adoptive a mis la fillette à la porte. La pauvre enfant fut bannie et se retrouva seule dans la nature. Paralysée par la peur, la fillette perdit l’usage de la parole et devint muette.

Un jour, un chef qui passait par là fut frappé par la beauté de la jeune fille. Il la demanda en mariage et elle accepta. Ensemble, ils se rendirent au village du chef, où la jeune fille s’installa dans sa nouvelle maison. Un an plus tard, un petit garçon est né. Peu après la naissance de son fils, sa mère adoptive se présenta devant elle. On demanda à nouveau à la jeune fille si elle avait menti et rompu sa promesse. Une fois de plus, elle le nia. En guise de punition, la mère adoptive lui enleva le nouveau-né.

La même chose se produisit au cours des trois années suivantes. Chaque fois qu’un nouvel enfant naissait, la mère adoptive de la jeune fille apparaissait mystérieusement pour l’interroger. À chaque fois, elle nia sa transgression et se voit privée de son nouveau-né. Finalement, ne supportant plus les disparitions répétées d’enfants, les villageois l’accusèrent d’être une sorcière maléfique qui les dévorait.

Enfin, la cinquième année, lorsque la mère adoptive réapparu, la jeune fille reconnu enfin ses torts. Et c’est ainsi qu’elle fut pardonnée et que ses chers enfants lui furent rendus.

L’enfant de la Vierge

Cette histoire, par des moyens plutôt bizarres, enseigne la valeur de la vérité et promeut un message de pardon et de rédemption – une fois que l’offenseur se repent. Un lecteur familier des œuvres de Jacob et Wilhelm Grimm (les frères Grimm) reconnaîtrait sans aucun doute qu’il s’agit d’une variante du conte de fées allemand connu sous le nom de « L’enfant de la Vierge ». Pourtant, cette histoire s’appelle en fait « La jeune fille muette » et se trouve dans le folklore du peuple autochtone Formosan Puyuma, dans le sud de Taïwan.

Les parallèles sont frappants. L’intrigue et le message des histoires sont pratiquement identiques. Dans l’histoire allemande, la mère adoptive est la Vierge Marie et sa maison est au paradis. Dans l’histoire de Puyuma, le chef de tribu qui a demandé l’héroïne en mariage remplace un prince allemand de passage. Les deux contes sont indubitablement liés.

Comment cela est-il possible ? Comment un conte de fées européen traditionnel peut-il avoir un équivalent presque parfait dans les montagnes reculées du sud de Taïwan, à l’autre bout du monde ? L’histoire ci-dessus révèle deux aspects fascinants de l’histoire autochtone taïwanaise et de la nature du folklore en général.

Échange culturel : Le passé européen de Taïwan

Le christianisme est arrivé à Taïwan dès les années 1500 et constitue la plus ancienne religion organisée de Taïwan. Les commerçants, les colons et les missionnaires européens ont été parmi les premiers étrangers à entrer en contact avec les anciennes communautés austronésiennes de Taïwan. Aujourd’hui, les diocèses catholiques et l’Église presbytérienne de Taïwan sont les deux communautés chrétiennes les plus influentes de l’île.

Les Occidentaux chrétiens ont été les premiers à écrire, en utilisant l’alphabet latin, la langue taïwanaise (connue sous le nom d’écriture Pe̍h-ōe-jī) et de nombreuses langues formosanes indigènes (telles que les langues atayaliques). Ces systèmes d’écriture efficaces et uniques sont encore utilisés aujourd’hui à Taïwan.

Les Européens ont également fait du prosélytisme parmi les populations indigènes, convertissant un grand nombre d’entre eux au christianisme. Outre les croyances et rituels chamaniques traditionnels, de nombreux indigènes taïwanais pratiquent encore aujourd’hui des formes de christianisme qui intègrent certains éléments de leurs anciennes traditions. Il est probable qu’au cours de ces interactions interculturelles, les contes de fées européens se soient transformés en contes populaires formosans.

Les histoires allemandes telles que l’Enfant de la Vierge ont probablement trouvé un public parmi les indigènes Puyuma de Taïwan et sont ensuite entrées dans le folklore traditionnel des Puyuma. Ceci nous éclaire sur la nature intrigante du folklore en général.

Le folklore est constitué de contes et de traditions populaires, transmis de génération en génération, essentiellement par le bouche à oreille. La transmission de ces histoires traverse facilement les frontières linguistiques, ethniques, culturelles et politiques.

Les histoires considérées comme propres à une communauté ou à une culture ont souvent des équivalents proches dans des cultures totalement différentes. Les contes de fées populaires tels que Cendrillon, par exemple, se retrouvent non seulement dans le folklore allemand, mais aussi dans ceux de la France, de l’Italie et même du Népal et de la Chine. Les douze princesses dansantes figurent dans des anthologies anglaises et allemandes, mais des histoires étonnamment similaires ont également été découvertes dans le folklore indien.

Les contes traditionnels s’adaptent facilement aux cultures des nouveaux peuples qu’ils rencontrent. Ils deviennent rapidement un élément essentiel de leur foyer d’adoption. Ce qui est en Allemagne un conte de fées appelé L’enfant de la Vierge est à Taïwan La jeune fille muette. L’origine européenne du conte est indéniable, mais sa place essentielle dans le folklore traditionnel du peuple taïwanais Puyuma ne l’est pas moins.

*Ce texte est traduit de l’anglais avec l’aimable autorisation du site Islandfolklore.com.
Retrouvez l’article original en cliquant sur le lien suivant.


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À propos de l'auteur

  • Island Folklore est un répertoire en ligne des contes populaires, de l'histoire, des légendes, des mythes et des traditions de Taïwan : Des contes autochtones austronésiens aux récits des colons sinisés, des coutumes importées par les colons japonais aux croyances introduites par les missionnaires indo-européens.

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