Au XVIe siècle, alors que l’Europe s’ouvre aux routes maritimes vers l’Orient, le navigateur portugais Fernão Mendes Pinto s’impose comme l’une des figures les plus audacieuses de son époque. Aventurier, soldat, missionnaire, écrivain et diplomate, il parcourt l’Asie pendant plus de vingt ans et consigne ses périples dans son ouvrage Peregrinação, un témoignage unique sur les sociétés asiatiques du XVIe siècle. Parmi ses multiples voyages, une escale au Japon en 1542 le mène aux portes d’une île alors inconnue des européens, qui deviendra plus tard Taïwan.
Attention
Il est important de noter que les chercheurs et historiens à l’heure actuelle n’ont aucune certitude des premiers explorateurs portuguais qui ont découverts Taïwan pour la première fois et lui aient donné son nom de Formosa. Par recoupement ils l’attribuent à Fernão Mendes Pinto car il est l’explorateur portuguais le plus probable à se trouver dans cette région du monde à ce moment.
Naissance et départ pour l’océan Indien
Né en 1511 à Montemor-o-Velho, dans la province de Beira Litoral, Fernão Mendes Pinto grandit dans une famille modeste avec plusieurs frères et sœurs. En 1521, son oncle l’emmène à Lisbonne, où il entre au service de George de Lancastre, fils illégitime du roi Jean II du Portugal. Pendant cinq ans, il occupe divers postes, devenant notamment garçon de chambre à Setúbal. Mais des tensions dans son service le poussent à fuir, et en mars 1537, il embarque pour l’Orient, espérant retrouver des proches. Son frère Álvaro est attesté à Malacca en 1551, et un autre membre de sa famille aurait été martyrisé dans cette même ville. Un cousin fortuné, Francisco García de Vargas, réside à Cochin en 1557.
L’exil vers l’océan Indien est alors fréquent parmi ceux cherchant fortune ou évitant la justice. Mendes Pinto, quant à lui, connaîtra un destin hors du commun. Ses périples seront immortalisés dans son célèbre récit de voyage, la Peregrinação, une source historique précieuse sur l’Asie du XVIe siècle.
L’épopée en Orient
De 1537 à 1558, Fernão Mendes Pinto traverse l’Asie, changeant sans cesse de rôle : trafiquant, naufragé, pirate, mercenaire, esclave, ambassadeur et commerçant. Il explore l’Éthiopie, l’Arabie, l’Inde, Malacca, Java, la Birmanie, le Siam, la Chine et le Japon, et se vante d’avoir été treize fois captif et dix-sept fois vendu. En 1538, réquisitionné par la Couronne portugaise, il combat les Ottomans en mer Rouge, est fait prisonnier et vendu à plusieurs reprises avant d’être libéré à Ormuz. Il accompagne ensuite le capitaine Pedro de Faria à Malacca, puis sillonne les côtes de l’Asie du Sud-Est et de la Chine. Il s’essaie à la piraterie aux côtés du flibustier Antonio de Faria et fréquente les mercenaires portugais installés en Birmanie et en Thaïlande.
En 1543, il affirme avoir pris part à l’introduction des armes à feu au Japon, mais les archives suggèrent qu’il n’y est arrivé qu’en 1544. Il revient à Goa en 1545 avec Anjirō, un Japonais exilé, et rencontre François Xavier, missionnaire jésuite, qui l’influence à rejoindre l’ordre. Il lègue ses richesses à la Compagnie de Jésus et devient ambassadeur du Vice-Roi D. Afonso de Noronha auprès du daimyo de Bungo. Toutefois, il est rapidement déçu par l’organisation des jésuites et abandonne son noviciat. Après vingt-et-un ans d’errance, il regagne Lisbonne en 1558, la veille de ses cinquante ans, portant avec lui l’un des plus extraordinaires témoignages de l’expansion portugaise en Orient.
La découverte de Taïwan
En route vers le Japon avec une expédition portugaise, Fernão Mendes Pinto et ses compagnons aperçoivent une terre luxuriante émergeant de l’océan. Fascinés par ses montagnes escarpées, sa végétation abondante et sa beauté sauvage, ils s’exclament : « Ilha Formosa ! », qui signifie « La belle île ! » en portugais. Ce nom restera dans l’histoire comme la première appellation officielle de Taïwan, bien avant que l’île ne prenne son nom actuel.
Si certains historiens attribuent la première mention de Taïwan à d’autres explorateurs, Mendes Pinto est sans doute celui qui a marqué la postérité en popularisant le terme Formose, qui sera utilisé par les Européens pendant plusieurs siècles.
Bien que Fernão Mendes Pinto soit souvent réputé pour ses récits exagérés, son rôle dans la diffusion des connaissances sur l’Asie et la cartographie des routes maritimes reste inestimable. Son livre Peregrinação, publié en 1614 après sa mort, est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands récits de voyage du XVIe siècle.
Peregrinação : un récit exagéré qui reste une source historique
« Maintenant je vais vous raconter brièvement ce que nous avons traversé, n’en écrivant cependant pas le centième, parce que pour tout écrire, il faudrait que la mer fût de l’encre, et le ciel du papier. »
Fernão Mendes Pinto
La Peregrinação, rédigée entre 1569 et 1578, témoigne de l’apogée des explorations maritimes portugaises tout en révélant la décadence progressive du pays. Alors que Mendes Pinto voyage à travers l’Asie, le Portugal tombe sous la domination de Philippe I de Habsbourg après la défaite d’Alcácer Quibir. L’Inquisition, renforcée en 1547, impose un climat de censure qui freine la publication du livre. Le manuscrit, d’abord conservé à la Casa Pia dos Penitentes, n’est publié qu’en 1614, plus de trente ans après la mort de l’auteur. Certains passages critiques sont expurgés, notamment les références à la Compagnie de Jésus, dont Mendes Pinto fut un temps membre.
En 1603, alors que les tensions entre Portugal et Espagne réaniment l’identité portugaise, l’Inquisition valide enfin la publication du livre. Organisé par le moine Belchior Faria et publié par Pedro Craesbeeck, le récit relate des aventures extraordinaires à travers l’Asie. Avec plus de 700 pages, il décrit une époque de commerce, de guerre, de foi et d’aventure. Son style vivant, entre récit de voyage, épopée et roman picaresque, en fait une œuvre majeure. La Peregrinação demeure aujourd’hui un témoignage essentiel sur l’expansion portugaise et la mentalité des navigateurs du XVIe siècle. De nos jours de nombreux chercheurs critiquent cette oeuvre en reprochant le caractère exagéré voire affabulateur de son auteur et de certaines des expériences qu’ils auraient véçu. En outre des preuves historiques prouvent qu’il se trompe dans les dates et dans certains faits… mais l’oeuvre reste incontournable et est symbolique de son époque.
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