John Thomson : Sur les traces des plus vieilles photographies de Taïwan

Partez sur les traces des plus vieilles photographies de Taïwan avec John Thomson en plein coeur de la campagne Taïwanaise à Shanlin !
Une femme autochtone à Baksa, Taïwan, 1871 - Copyright : John Thomson

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En 1871, un explorateur et photographe écossais, John Thomson, partait en expédition avec le missionnaire James Laidlaw Maxwell. L’objectif était de photographier les tribus autochtones et de renseigner sur les nombreuses ressources que comptait Taïwan. De ce voyage de 16 jours résultèrent 53 photographies – un véritable trésor – qui sont pourtant restées totalement inconnues des Taïwanais jusqu’en 1995, lorsqu’une chercheuse taïwanaise découvrit fortuitement les précieuses photographies à la Bibliothèque Nationale de France (BNF).

Ces photographies sont uniques au monde : il existe très peu de clichés de Taïwan datant de la fin XIXème siècle. John Thomson serait probablement le pionnier parmi les quelques rares ethnologues, explorateurs et militaires qui ont photographié Formose à cette époque. Malgré plusieurs expositions en France et à Taïwan, son histoire reste relativement méconnue du grand public. Dans la région rurale de Kaohsiung, parcourue un siècle et demi plus tôt par l’explorateur écossais, les habitants d’un district peu connu de Taïwan – Shanlin (杉林) – luttent pour faire connaître son histoire.

Le dangereux périple de John Thomson dans les plaines du sud de Taïwan

Les premiers clichés de John Thomson à Taïwan ont été pris dans le port de Takou où il est amarré en 1871. Actuellement connue sous le nom de Kaohsiung, c’est un port industriel international d’où partent les gros porte-conteneurs Evagreen à destination du monde entier.

John Thomson ne s’est pas longtemps attardé à Takou et a rapidement gagné Taiwanfu, ancien nom de Tainan et capitale historique de Taïwan. Là il y a recruté plusieurs hommes pour porter le matériel photographique mais aussi des guides pour assurer le passage dans les territoires autochtones. Il faut s’imaginer qu’à cette époque, Taïwan est délimitée par une frontière intérieure appelée « fanjie » (番界) qui distingue d’une part, la côte Ouest, occupée par les Han – Chinois originaires des provinces du Guangdong et du Fujian – et d’autre part, les montagnes de la côte Est, territoires hostiles où sont refoulés les autochtones.

Une communauté Hakka – Copyright : John Thomson, 1871

C’est dans ce contexte géopolitique complexe aux allures de Far-West, que John Thomson s’aventure dans les plaines du sud, territoires de l’entre-deux, situés à la jonction entre les côtes peuplées par les Han et les montagnes, assignées aux autochtones. Là habitent les Pingpuzu (平埔族) – littéralement le « peuple des plaines » – des autochtones métissés, imprégnés des coutumes Han.

Chasseurs autochtones, Baksa – Copyright : John Thomson, 1871

Indices notables de la sinisation Pingpuzu, les chasseurs sur la photographie de droite ont une partie du crâne rasé, une spécificité capillaire imposée par le gouvernement mandchou sous la dynastie Qing en Chine.

Outre les peuples, John Thomson a aussi pris en photo la flore abondante et les paysages du sud de Taïwan.

Nem Kong-a-nah, Formosa – Copyright : John Thomson, 1871.

Réemprunter le chemin parcouru par John Thomson

Plus d’un siècle et demi plus tard, l’histoire de John Thomson fascine encore. Elle a réuni une bande de passionnés qui habitent dans la région sillonnée par l’explorateur écossais. You Yung-Fu (遊永福), un petit vendeur de stylos qui habite à Shanlin, a consacré 19 années de sa vie à retrouver chacun des lieux où ont été prises les photos, permettant de mettre en évidence de façon très précise la route empruntée par l’explorateur. En 2021, le chemin a été déblayé et rendu praticable pour la première fois.

You Yung-Fu compare une photographie avec l’emplacement original, à Shanlin, Kaohsiung le 13 juillet 2023 – Copyright : Guo Jian-de

Aujourd’hui, c’est Guo Jian-de (郭建德), à la tête d’une association à Shanlin, qui prend la relève. Originaire de Taipei, il s’est installé en 2010 dans la région pour venir en aide aux victimes du typhon Morakot qui avait dévasté le sud de Taïwan en août 2009. Depuis, il n’a plus jamais quitté Shanlin. Avec son association, il œuvre pour développer le tourisme dans la région, notamment à travers des visites guidées du chemin parcouru par John Thomson, dont il connaît l’histoire à la lettre. Il a déjà commencé plusieurs sessions de visites guidées, dans lesquelles il raconte l’histoire du lieu, les coutumes des habitants et l’évolution de la flore au cours du siècle dernier. Pour lui, ces photographies apportent des indices majeurs sur la biodiversité de Taïwan :

« Nous n’avions pas pensé que nous pouvions comprendre la flore locale présente il y’a 150 ans grâce à ces photographies (…) S’il n’y avait pas eu ces photos, nous n’aurions pas pu nous rendre compte des particularités et de l’importance de ce chemin »

Guo Jian-de
Visite de Guo Jian-de sur le chemin de John Thomson à Shanlin, Kaohsiung le 14 octobre 2024. – Copyright : Guo Jian-de

La randonnée est aussi l’occasion de contempler la beauté des montagnes dont les sommets arrondis auraient valu au district, le nom de Liugui (六龜) – les six tortues en chinois. L’excursion s’achève par la visite du village éponyme, qui fut par le passé un point de commerce prospère entre les Han et les autochtones. La vieille gare routière au style japonais, rappelle quant à elle, le passé colonial de Taïwan, sous domination de l’empire nippon de 1895 à 1945.

Lever le voile sur la situation difficile des campagnes taïwanaises

A travers ce projet touristique, Guo jian-de compte mettre en avant l’histoire et la culture de cette région méconnue, riche vivier culturel des Hakkas (Han du sud de la Chine) et de nombreuses tribus aborigènes. La subsistance de ce patrimoine est cependant mise à rude épreuve : les villages de la région rurale de Kaohsiung sont en effet confrontés au départ massif des jeunes qui leur préfèrent la ville. Selon Guo Jian-de, le nombre d’enfants a chuté de 30% ces dix dernières années dans le village de Shanlin. L’une des écoles primaires du village ne compte plus qu’un seul élève en CP. 

Le dépeuplement des campagnes taïwanaises est un sujet dont on entend peu parler, cependant c’est un véritable enjeu économique et social pour le développement du pays. Pour pallier cette tendance, la commission ministérielle du développement national a proposé une aide de 300 000 dollars taïwanais (soit 8 900 euros) aux jeunes qui souhaiteraient créer une entreprise – comme Guo Jian-de qui en a bénéficié cette année.

La quête du chemin de John Thomson rappelle ainsi l’importance de préserver et valoriser ces régions rurales. Elles sont une composante majeure de l’histoire et de l’identité taïwanaise, qui méritent notre attention.

Pour aller plus loin

Une interview du sinologue René Viénet (qui a également contribué à la valorisation des photos de John Thomson) sur Asialyst.

A la recherche de John Thomson de You Yung-Fu 游永福. 尋找湯姆生: 1871 臺灣文化遺產大發現. 讀書共和國╱ 遠足文化, 2019.

【2023湯姆生古道「尋找湯姆生,1871臺灣文化遺產大發現」宣傳影片】

Site de l’association de Guo Jian-de


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À propos de l'auteur

  • Suzanne Duroy

    Je suis diplômée de chinois à l'Inalco et en géographie à La Sorbonne. Établie désormais à Taïwan comme journaliste free-lance, j'aime illustrer mes propres reportages. En parallèle, je travaille pour une association située à Shanlin (杉林) aux abords de Kaohsiung qui promeut la culture et le développement de la région.

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