Comprendre la carte aux neuf traits ou la carte « Langue de Bœuf »

Explorez l'histoire et les conséquences géopolitiques de la carte 'Langue de Bœuf' en mer de Chine méridionale
Carte de la Chine Ancienne - Copyright : Domaine Publique

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La carte « Langue de Bœuf, » ou « Nine-Dash Line, » est un sujet controversé qui a attiré l’attention des spécialistes en relations internationales, en droit maritime et en géopolitique. Ce tracé revendique la souveraineté de la Chine sur une grande portion de la mer de Chine méridionale, une zone riche en ressources naturelles et essentielle pour le commerce mondial. La carte n’est pas seulement un sujet de tension entre la Chine et ses voisins ; elle remet également en question les normes du droit international maritime et le respect des conventions internationales.

Origines de la carte

La carte « Langue de Bœuf » a été initialement publiée en 1947 par la République de Chine, à une époque où le monde était encore en train de se remettre des ravages de la Seconde Guerre mondiale. La Chine elle-même était plongée dans une guerre civile qui l’opposait au Parti communiste chinois. Ce tracé cartographique, initialement composé de onze traits, visait à revendiquer une vaste étendue de la mer de Chine méridionale. En 1953, deux des traits ont été retirés, réduisant le nombre à neuf et lui donnant le surnom de « Nine-Dash Line. »

L’intention principale derrière cette démarche était d’affirmer la souveraineté chinoise sur une zone maritime très convoitée. Cette région englobe des archipels comme les Spratleys et les Paracels, qui sont riches en ressources naturelles comme le pétrole et le gaz. Il faut aussi noter que la mer de Chine méridionale est une voie maritime stratégique par laquelle transite un volume considérable de commerce mondial. Par conséquent, le contrôle de cette zone est crucial pour toute nation cherchant à devenir une puissance mondiale.

L’époque où la carte a été créée coïncide également avec le début de la Guerre Froide. Les États-Unis et l’Union soviétique cherchaient à étendre leur influence dans le monde, et la Chine voulait émerger comme une puissance régionale autonome. Le choix de la République de Chine de publier cette carte à cette période précise était donc loin d’être fortuit. Il reflétait une volonté de se positionner sur l’échiquier géopolitique mondial en affirmant ses prétentions territoriales. En outre, il convient de mentionner que bien que la République populaire de Chine ait succédé à la République de Chine comme gouvernement de la Chine continentale en 1949, elle a néanmoins adopté cette carte et les revendications territoriales qui y sont associées. Cela a créé une continuité dans la politique étrangère chinoise, soulignant l’importance que la Chine accorde à ces revendications, même à l’époque moderne.

Carte Langue de Boeuf – Copyright : Belin

Evolution internationale de la carte

Durant plusieurs décennies après sa création en 1947, la carte « Langue de Bœuf » n’a pas été fortement contestée sur le plan international. Il est vrai que durant la Guerre Froide, bien que la Chine ait maintenu ses revendications territoriales sur une grande partie de la mer de Chine méridionale, elle ne possédait pas les capacités militaires pour les imposer efficacement. Cette situation a changé radicalement à la suite des réformes économiques initiées par Deng Xiaoping à la fin du XXe siècle. La Chine, bénéficiant d’une croissance économique rapide au cours des années 1990 et 2000, a acquis les moyens de mettre en œuvre une politique extérieure plus audacieuse.

L’année 2016 a marqué un tournant décisif dans l’histoire de cette carte et de ses implications géopolitiques. La Cour permanente d’arbitrage de La Haye a émis un jugement rejetant les revendications territoriales de la Chine sur cette zone maritime, stipulant que ces prétentions étaient en violation de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM). Cette décision a eu un impact significatif sur la dynamique régionale, mais la Chine a choisi de la réfuter. Arguant que la Cour n’avait pas la compétence pour trancher en cette matière, la Chine a maintenu sa présence militaire dans la région, exacerbant ainsi les tensions avec les pays voisins comme les Philippines et le Vietnam, qui avaient également des revendications territoriales dans la mer de Chine méridionale.

La réaction de la Chine post-2016 illustre sa volonté d’être une puissance souveraine non influencée par les institutions internationales. Le pays a même accéléré ses activités dans la région, notamment en construisant des infrastructures sur les îles contestées, malgré les objections internationales. Comme l’atteste la mise à jour de cette carte en 2023, la Chine se base toujours sur cette carte pour affirmer ces prétentions.

Enfin la nouveauté c’est que la Chine ne se contente plus de prétentions territoriales maritimes mais également à des prétentions territoriales sur les pays voisins comme l’Inde ou la Russie.

Conséquences de cette carte

Tout d’abord, la carte a sensiblement augmenté les tensions régionales, notamment avec des pays riverains comme les Philippines, le Vietnam et la Malaisie. L’exemple le plus marquant reste celui de 2014 lorsque la Chine a installé une plate-forme pétrolière dans une zone revendiquée par le Vietnam. Cet acte a entraîné de vives manifestations anti-chinoises à Hanoï et une escalade des tensions diplomatiques entre les deux pays. Ce fait illustre comment un simple acte unilatéral peut déstabiliser les relations interétatiques dans une région déjà sensible. Notons que depuis 2020, les conflits et les escarmouches s’intensifient comme avec l’Inde en 2020, avec les Philippines en 2022 et avec Taiwan depuis quelques années.

Ensuite, le défi à la juridiction et aux conclusions de la Cour permanente d’arbitrage par la Chine souligne les limites du droit international maritime. La Chine a, en effet, réfuté les conclusions de cette cour en 2016, ce qui pose des questions sur la capacité de la communauté internationale à imposer des règles à une puissance comme la Chine. Cette situation met en lumière l’inadéquation des mécanismes légaux internationaux actuels face à des acteurs qui choisissent de les ignorer.

Troisièmement, la militarisation accrue de la mer de Chine méridionale constitue un autre point critique. La construction par la Chine d’installations militaires sur des îles contestées a exacerbé les risques pour la liberté de navigation, une pierre angulaire du droit maritime international. Cela soulève le spectre d’une possible confrontation militaire, ce qui a des implications globales compte tenu de l’importance stratégique de la région.

Enfin, la carte a aussi mis en péril l’accès à des ressources naturelles très prisées, telles que le pétrole, le gaz et les ressources halieutiques. La Chine, en se basant sur cette carte, a exclu de fait les autres nations riveraines de l’exploitation de ces ressources, créant ainsi une compétition intense pour leur contrôle.

En somme, la carte « Langue de Bœuf » n’est pas un simple morceau de papier, mais une déclaration d’intentions géopolitiques aux répercussions profondes. Elle accentue les tensions régionales, met à l’épreuve le droit international, compromet la sécurité maritime et engendre une lutte pour des ressources naturelles essentielles.

Chine : la mer, la puissance et le (non) droit – Le Dessous des cartes | ARTE

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À propos de l'auteur

  • Luc

    Fondateur du webzine francophone Insidetaiwan.net Consultant en développement international 🚀des entreprises en Asie du Sud-Est #Taiwan #Tourisme #Société #Culture #Business #Histoire #Foodie

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