Rencontre avec Pierre-André Divisia, créateur du couteau BaouRouge

Pierre-André Divisia, entrepreneur à Taïwan, créateur du couteau BaouRouge et passionné d'innovation et de coutellerie.
En pleine nature - Copyright : BaouRouge

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Entrepreneur et passionné d’innovation, Pierre-André Divisia a connu plusieurs vies avant de se lancer dans la coutellerie. Arrivé à Taïwan en 1993 dans le cadre d’un échange universitaire, il y a posé ses valises pour de bon après une carrière internationale dans l’informatique, les télécommunications et les semi-conducteurs. Aujourd’hui, il est à l’origine de BaouRouge, un couteau révolutionnaire inspiré d’un modèle oublié. Dans cette interview, il nous raconte son parcours, son aventure entrepreneuriale et les défis de l’innovation.

Bonjour Pierre-André, merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Peux-tu te présenter pour nos lecteurs ? 

Je m’appelle Pierre-André Divisia, je suis entrepreneur, créateur du couteau BaouRouge et opérateur du site Internet du même nom. 

Pourquoi es-tu venu vivre à Taïwan ? 

Par hasard au début, par choix aujourd’hui. J’ai eu l’opportunité de découvrir Taïwan en 1993 dans le cadre d’un échange universitaire à l’International Trade Institute de Hsinchu. La ville n’était alors certes pas aussi accessible et développée qu’aujourd’hui et je mentirais en disant avoir été conquis par l’expérience. Par contre, j’ai fait sur place une rencontre qui changera tout puisque c’est là que j’ai connu celle qui deviendra mon épouse quelques années plus tard.

C’est grâce à elle que j’ai pu apprendre à mieux apprécier Taïwan lors de visites ultérieures, professionnelles et familiales. Ma carrière m’a ensuite amené d’Asie vers les Etats-Unis, l’Europe, puis l’Asie de nouveau, 10 ans entre Hong Kong, Tokyo, Pékin et Jakarta, et plus de 10 ans à Taipei depuis. Nous nous sommes donc installés à Taïwan suite à une mutation professionnelle, et par facilité autant que par goût, nous avons décidé de ne pas repartir lorsque ma mission s’est achevée. 

Tu as eu plusieurs vies avant de vendre des couteaux, peux-tu nous en parler ? 

J’ai commencé à travailler dans l’informatique en 1995. J’ai eu Internet en 15 kbps, suivi le boom de l’e-business et le bug de l’an 2000. Puis j’ai pivoté sur les télécommunications et les premiers applicatifs mobiles, WAP et i-Mode. J’ai eu des navigateurs mobiles sur EMP et Série 60 bien avant qu’Apple ne sorte le premier iPhone et ai été en général aux premières loges du développement de l’Internet mobile et des premiers applicatifs. J’ai ensuite travaillé dans le semiconducteur, au début de la 4G…

Et puis un jour, on m’a fait savoir que ma mission allait s’arrêter et qu’il allait de nouveau nous falloir considérer un autre horizon. C’est là que j’en ai eu assez. Je ne voyais plus mes enfants, j’étais fatigué. Je me suis mis en pause pendant presque un an. Comme il fallait bien faire quelque chose, je me suis motivé pour essayer de créer quelque chose pour moi, pour changer. Je n’étais pas maladroit de mes mains, j’étais sans doute un amateur mais avec une expérience réelle.

J’ai imaginé que je pourrais identifier, améliorer et proposer des produits utiles qui seraient intemporels, sans date de péremption, sans effet de mode. BaouRouge allait naître.

Comment en es-tu arrivé à vendre des couteaux avec guide ? 

Jeune couple, mes parents avaient acheté pour eux-même un couteau avec guide de coupe au bazar du Bon Marché à Paris, à la fin des années 60. Ce couteau, un Dux fabriqué en France, avait la particularité d’être associé à un solide guide de coupe en aluminium qui pouvait se régler en glissant sur des rails moulés sur le manche.

Ceci garantissait une coupe exacte à chaque tranche. Ma mère l’a manié avec enthousiasme et en avait d’ailleurs acheté plusieurs exemplaires afin d’en offrir. De fait, j’ai toujours vu cet outil utilisé à la maison, un modèle qui semblait inusable et que j’ai moi-même naturellement adopté.

A singapour – Copyright : BaouRouge

Seulement, après 50 ans de service, notre exemplaire commençait malgré tout à s’abîmer. La vis de serrage craquelée menaçait particulièrement de rompre. J’ai donc voulu racheter une version modernisée. C’est là que j’ai réalisé que l’offre du marché n’était pas bien large.

D’un côté, de pâles imitations inutilisables et inutiles avec un guide de coupe fait d’une feuille en inox flexible et d’une lame de dernière qualité, de l’autre, un Dux moderne à un coût qui me semblait prohibitif. J’ai acheté ce modèle malgré tout, bien entendu, mais j’ai été immédiatement déçu.

L’angle de la lame semblait avoir disparu, et le guide de coupe était passé de métal à plastique, forcément moins rigide que le métal d’origine. Pourquoi diable avoir abandonné un principe mécanique aussi excellent, et qui avait fait ses preuves ? Pourquoi le vendre aussi cher ? Et pourquoi… ne pas faire renaître mon vieux couteau et le rendre de nouveau accessible ? Oui, pourquoi pas !

Je sais que tu es un passionné (Je te connais !).. mais peux-tu nous parler, en quelques mots, de ton couteau ? 

Le brevet technique de mon couteau était tombé dans le domaine public depuis des décennies et dès lors, je pouvais tout à fait le reprendre à mon compte. J’ai immédiatement songé à un projet en financement participatif qui réunirait des amateurs éclairés avec qui échanger lors du processus de développement. Ils ont été plus d’une centaine à me soutenir.

Il m’a fallu d’abord trouver un atelier capable et créer les moules nécéssaires à partir d’une conception par ordinateur. Définir la nouvelle ergonomie, s’assurer de l’équilibre, trouver les bons matériaux, choisir un acier parmi la centaines d’alliages disponibles en coutellerie, tester, tester encore, penser l’emballage et les restrictions liées au transport, les mentions légales, surveiller l’assemblage, le contrôle qualité, obtenir les autorisations, aligner les tests de sécurité et de non-contamination type FDA pour les Etats-Unis…

C’est un projet qui s’est révélé beaucoup, beaucoup plus complexe qu’anticipé ! Au final, il aura fallu près de deux ans pour sortir la première version du couteau BaouRouge et l’enregistrer auprès de l’INPI en France. Nous en sommes à la troisième itération aujourd’hui parce que malgré l’attention portée, les premiers utilisateurs ont rapporté que l’on pouvait encore améliorer tel ou tel aspect.

C’est ainsi qu’une nouvelle vis à prise antidérapante a été développée, par exemple. C’est aussi par mes clients que j’ai appris que mon couteau était particulièrement adapté aux personnes souffrant de déficience visuelle.  

Quels sont ses avantages par rapport à d’autres couteaux ?

Un couteau n’est jamais que l’extension du bras qui le manipule, mais il y a certainement une plus grande facilité d’utilisation dans la prise en main, plus de sécurité dans les tâches répétitives et une garantie de régularité du résultat. Pour certains professionnels, l’exactitude de l’épaisseur des tranches n’est pas qu’un problème d’esthétique mais de gestion de coût, quand la table familiale voudra juste s’assurer d’une épaisseur régulière et ne pas faire de jaloux.

Le jambon cru s’apprécie en très fines tranches. Quel couteau prendre si l’on ne dispose pas d’une trancheuse circulaire? Il faut une lame qui ne déchiquette pas la chair et un guide rigide qui maintiendra bien la lame à l’épaisseur requise. Avoir un même outil pour découper un pain de mie tendre et délicat comme un saucisson dur et sec, une tomate ou un rôti, et aligner des tranches parfaites à coup sûr.

A chacun son utilisation, mais les commentaires d’utilisateurs sont clairement positifs quant à sa qualité et sa versatilité, à une fraction du coût de tout équivalent de qualité.

A qui est-il destiné ? 

A tous. Professionnels comme amateurs. Des restaurants m’en ont acheté plusieurs pour leur service, des comptoirs délis ou sandwicheries, des boulangeries… mais il demeure que ce sont d’abord les amateurs, cuisiniers familiaux désireux d’un outil facile et sûr qui recommandent ce couteau.

Par ailleurs, il s’est aussi révélé particulièrement adapté pour les personnes aveugles et malvoyantes. Le guide de métal protégeant une bonne partie de la lame crantée, cela permet une manipulation plus sécurisée au moment d’identifier le tranchant sans autres repères visuels. Le guide en métal leur assure également une épaisseur de coupe régulière et maîtrisée, stabilisant la lame ce qui réduit les risques d’accidents. De fait, c’est un outil accessible et sécurisant, indispensable dans toutes les cuisines.

Quels ont été les challenges que tu as dû relever pour créer ton couteau ?

Franchement, le plus dur a été de trouver le bon partenaire. Un petit atelier a préparé la première version, mais c’est une usine d’une toute autre ampleur qui a réalisé les modèles suivants. Un tel professionnel ne prioritise pas forcément les petites productions, est moins à l’écoute, moins flexible.

Chaque moule est un investissement conséquent car unique à ce couteau, avec un moule pour les lames, pour le guide, pour la poignée, la vis. Il faut arrêter des choix en cherchant chaque fois la meilleure option, sans garantie aucune de ne pas se tromper et l’erreur coûte. Ensuite, il faut établir une crédibilité quand on est une marque inconnue. Il faut se démarquer sans un gros catalogue de références.

Petit à petit, BaouRouge commence à se faire un nom et les gens savent qu’un couteau BaouRouge n’est pas un produit générique acheté à un quelconque fabricant sur lequel on aurait apposé un nom à la va-vite, mais un outil abouti, précis et de qualité.  

Quelles sont les évolutions possibles pour ton couteau ?  

Il me manque d’abord une version pour gaucher. Ils représentent 10% des utilisateurs potentiels et méritent un outil adapté. Seulement, si je dois faire un modèle pour gaucher, ce sera fait correctement, avec une lame inversée, où le relief dentelé des demi-lunes sera du bon côté, incliné à l’opposé. D’aucuns voudraient juste me faire proposer un guide de coupe amovible inversé sur le modèle actuel mais je m’y refuse.

Malheureusement, l’investissement requis dans le développement de nouveaux moules m’est pour l’heure trop élevé. Au-delà, une version plus courte et une autre plus grande pourraient avoir leur place. La lame actuelle fait 21 cm, une taille standard de nos jours. L’original en avait une de 18 cm et d’autres versions plus courtes ont été proposées pour certains usages spécifiques. Un professionnel m’a un jour posé la question alors qu’il devait trancher un jambon particulièrement large, mais cela reste de l’ordre de l’exception…

D’un point de vue purement esthétique, j’imagine aussi une version intégralement métallique, où l’on pourrait ajouter des poignée plus nobles selon ses goûts, avec une version de base en ABS, et des options en bois ou en os par exemple. On peut rêver.

Est-il difficile d’être entrepreneur à Taïwan ? 

Je ne vois pas de barrière plus insurmontable ici qu’ailleurs mais je n’ai pas non plus grande expérience hors Taiwan. En outre, je bénéficie d’une situation avantageuse et je serais donc mal placé pour véritablement conseiller quiconque. Par exemple, je n’ai pas de souci de résidence puisque marié localement, je bénéficie d’emblée d’un visa permanent (APRC).

Pourtant, il me semble que les obligations légales pour s’établir restent plus accessibles et d’un coût très raisonnable. Un comptable agréé vous aidera à remplir vos obligations facilement. Pour autant, mon domaine ne requiert pas non plus de présence véritablement locale.

Couper une tomate facilement – Copyright : BaouRouge

Sans être un nomade de l’industrie digitale – et Taïwan les courtise activement avec une procédure de visa simplifiée, je n’ai pas besoin de structure dédiée, puisque je n’ai ni entrepôt ni boutique en local, vendant principalement aux Etats-Unis, en Europe et au Japon depuis la France où se trouve mon partenaire logistique !

A Taïwan et en Chine, la culture culinaire et l’usage traditionnel du couteau diffère, d’un geste plus vertical, plus haché, avec couteau principalement rectangulaire quand d’autres pays préfèrent un mouvement de tiré-poussé horizontal avec une lame à pointe. Je vends à Taïwan mais ce n’est probablement pas là où je vais le plus développer mon activité.

Quels sont tes projets d’entrepreneurs ? 

Je continue mes recherches de partenaires. Pour m’aider à la distribution, pour le présenter au public, communiquer puisqu’il reste encore largement méconnu. Faire des photos et des vidéos de qualité pour un meilleur marketing… il reste beaucoup à faire !

Comme tout outil un peu différent, il y a un tour de main, même s’il est tout simple et de bon sens une fois que l’on sait comment s’y prendre : faire une entame près du manche, non à partir de la pointe, finir sa tranche en un mouvement d’angle afin de ne pas être gêné par le guide, etc.

Si l’on se saisit de ce couteau sur un étal mais que l’on n’a pas pris la peine d’en apprendre plus sur la bonne façon de l’utiliser, il est probable que l’on n’en tire pas le meilleur et c’est alors dommage. BaouRouge a d’excellentes recommandations, mais cela reste du bouche à oreilles et son potentiel est loin d’être réalisé.

Les distributeurs, eux, sont souvent moins intéressés par la performance utile que par l’aspect purement financier du produit et recherchent souvent des fournisseurs bien établis, mieux achalandés ou avec lesquels ils pourront surtout faire une bonne marge… Je veux garder ce couteau accessible. 

Peux-tu nous partager 3 lieux que tu aimerais nous faire découvrir à Taïwan ? 

Taïwan est une île véritablement magnifique et pour qui aime la nature et le plein air, il y a de quoi faire sans avoir besoin d’aller loin ! Je n’ai pas de voiture, par exemple, mais en une heure de bus ou de train depuis Taipei, ou en scooter si je suis seul, il y a déjà largement de quoi me satisfaire !

J’aime beaucoup la côte Est, entre Yehliu et Jinshan, par exemple, Du promontoire, le rocher des candélabres, la plage en contrebas demande d’apporter masque et un tuba !

Les maisons-soucoupes et Futuro de Wanli, abandonnées depuis tant d’années. Les montagnes derrière Jiufen et Shifen, Pingxi et ses plantations. suivre le chemin des chutes d’eau de Sandiaoling, le village des chats de Houtong…

Depuis la gare de Ruifang, il suffit de prendre un vélo en libre service pour s’y rendre… à moins que l’on préfère un train qui n’est pas forcément plus rapide. Le parc national de Yangminshan est à quelques minutes de chez moi…

Pierre-André avec son couteau – Copyright : BaouRouge

Si l’on veut aller plus loin, ou plus haut, surtout en été, les montagnes de Taipingshan vous feront oublier les grosses chaleurs de l’été. Lalashan à la limite de Hsinchu, moins couru qu’Alishan…

Malheureusement la perle de l’Ouest, le parc de Taroko ne peut plus se visiter, dangereusement abîmé par le tremblement de terre d’Avril dernier. Qu’à cela ne tienne, il y a de nombreux autres trésors et même après toutes ces années, il me reste beaucoup d’endroits à découvrir ! 

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À propos de l'auteur

  • Luc

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