Une histoire rapide de la bande dessinée taïwanaise

L'histoire de la bande dessinée taïwanaise, entre censure et renouveau, illustre la résilience culturelle et l'innovation artistique.

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L’histoire de la bande dessinée taïwanaise est marquée du sceau des défis et des contraintes, de ses débuts sous l’occupation japonaise à son renouveau contemporain. Malgré les défis, notamment la censure et la concurrence étrangère, Taïwan a su développer une culture de la bande dessinée qui lui est propre, soutenue par des initiatives gouvernementales et l’émergence de nouveaux talents.

Les débuts sous l’occupation japonaise

Le 1er janvier 1921, le Taiwan Daily News (台灣日日新報), sous la direction du bureau du gouverneur général de Taïwan, lance une rubrique intitulée « BD de Taiwan et du Japon » (台日漫畫), éditée par Kokushima Mizuma, qui devient également l’un des principaux auteurs. Ce fut l’une des premières plateformes à promouvoir les bandes dessinées à Taïwan, incluant des lianhuanhua (連環畫), une forme traditionnelle chinoise de BD. En parallèle, des publications comme le Taiwan Police Association Magazine (臺灣警察協會雜誌), lancé en 1917, ont joué un rôle crucial dans la formation des dessinateurs locaux durant la période de colonisation japonaise.

Parmi eux, Hsu Ping-tin (許丙丁), le seul Taïwanais à signer ses œuvres de son vrai nom, se démarque et devient une figure emblématique de la bande dessinée taïwanaise sous l’occupation japonaise. En 1938, le groupe Hsin Kao (新高), formé à Hsinchu, est considéré comme le plus ancien groupe de fans de BD connu à Taïwan. Ce groupe comprenait des figures telles que Wang Hua (王花), Hung Chao-ming (洪朝明), Yeh Hong-chia (葉宏甲) et Chen Chia-peng (陳家鵬). Yeh Hong-chia gagne en popularité dans les années 1950 avec sa série « JhugeShiro » (諸葛四郎), qui devient l’une des bandes dessinées les plus emblématiques de l’après-guerre, au point d’être mentionnée dans la chanson populaire « Enfance » (童年) de Sylvia Chang (張艾嘉).

L’essor des années 1960 et la censure

Dans les années 1960, la location de bandes dessinées devient une activité florissante à Taïwan, avec une forte demande pour les BD d’arts martiaux wuxia. Cette popularité conduit à l’émergence de plusieurs auteurs influents comme Yeh Hong-chia, Chen Haihong (陳海虹) et Lei Qiu (淚秋). Cependant, cette période d’expansion est brusquement interrompue en 1966 lorsque le gouvernement du Kuomintang introduit une politique stricte de censure, modifiant la « Politique d’édition et d’impression des bandes dessinées » (編印連環圖畫輔導辦法) initialement établie en 1948.

Les nouvelles règles imposent que toutes les bandes dessinées soient révisées et approuvées avant publication, avec des frais de censure exorbitants, quarante fois supérieurs au prix de vente des BD. Cette réglementation, justifiée par la volonté de « protéger la jeunesse », freine considérablement la production locale. Le nombre de livres soumis à la censure chute dramatiquement, passant de plus de 2 000 en 1967 à environ 400 en 1974. Face à ces restrictions, l’industrie locale des BD s’effondre, et le marché est progressivement envahi par des mangas japonais à bas prix, qui dominent complètement le paysage culturel taïwanais à partir de 1975.

Le renouveau des années 1980 et 1990

Malgré les défis des décennies précédentes, les années 1980 marquent un renouveau pour la bande dessinée taïwanaise, notamment grâce à des initiatives privées et à la créativité de nouveaux artistes. La librairie de location Xiao Mi Comics (小咪漫畫) devient un tremplin pour une nouvelle génération de dessinateurs comme Zhang Jingmei (張靜美) et Kao Yung (高永), spécialisés dans les mangas shōjo. En parallèle, le China Times (中國時報) organise des concours de bandes dessinées qui permettent à des talents comme Chen Uen (鄭問), Richard Metson (麥仁杰), et Zhu Deyong (朱德庸) de se faire connaître.

Ces artistes trouvent une plateforme dans le magazine Joy (歡樂), publié de 1985 à 1988, qui devient un foyer de créativité. Cependant, le succès de ces magazines est éphémère, avec une durée de vie allant de six mois à deux ans. Dans les années 1990, la location de mangas prend le dessus, portée par des séries populaires telles que Dragon Boy (龍少年) et Star Girls (星少女), publiées par Tong Li (東立). Ces succès commerciaux permettent à de nouveaux auteurs comme T.K (章世炘), BIGUN, Yeh Minghsuan (葉明軒), Chang Sheng (常勝), Huang Chiali (黃佳莉) et Nicky Lee (李崇萍) d’émerger et de contribuer à la scène BD taïwanaise.

L’impact d’Internet et le soutien gouvernemental

Les années 1990 voient également l’émergence d’Internet et des jeux vidéo, qui modifient profondément les habitudes de consommation des bandes dessinées à Taïwan. Face à cette nouvelle concurrence, le marché de la bande dessinée décline progressivement. Les éditeurs taïwanais, qui utilisaient les bénéfices générés par les mangas japonais pour soutenir la production locale, sont durement touchés. La diminution des revenus issus des mangas réduit leur capacité à investir dans la création taïwanaise, menant à une baisse de la production locale.

Cependant, au tournant des années 2000, l’État intervient pour soutenir cette industrie en difficulté. L’Academia Sinica lance en 2009 le projet CCC (Creative Comic Collection), qui marque un tournant en réintroduisant Taïwan sur la scène internationale de la bande dessinée. Ce projet, initialement conçu pour présenter des archives numériques sous forme de BD, évolue pour raconter l’histoire de la littérature taïwanaise à travers la bande dessinée. Cette initiative donne naissance à une nouvelle génération de dessinateurs, dont AKRU, Kiya (張季雅), Zuo Hsuan (左萱) et Li Lung-chieh (李隆杰), qui réaffirment la présence de Taïwan dans le monde de la BD.

La nouvelle génération et l’ouverture internationale

Aujourd’hui, Taïwan assiste à l’émergence d’une nouvelle génération de dessinateurs talentueux, soutenue activement par le gouvernement. Le ministère de la Culture, par le biais de la TAICCA (Agence des contenus créatifs de Taïwan), joue un rôle clé dans le développement de ces artistes, en leur offrant des subventions et des opportunités de se faire connaître à l’étranger. Chaque année, le ministère sélectionne et publie des présentations de livres taïwanais en anglais et en français visant à promouvoir la culture taïwanaise sur la scène internationale. Notamment dans des pays qui apprécient la bande dessinée et qui en ont une vraie culture.

De plus, une collaboration étroite avec le Japon a été établie pour permettre la publication de bandes dessinées taïwanaises en série dans les magazines japonais, élargissant ainsi leur portée. Ce soutien a également encouragé les auteurs et autrices taïwanais à explorer de nouveaux marchés et à développer leur activité à l’étranger, consolidant la position de Taïwan comme un acteur important dans l’industrie mondiale de la bande dessinée.

Informations à retenir :

  • 📅 Début en 1921 avec la rubrique « BD de Taiwan et du Japon ».
  • 🛑 Censure en 1966, freinant le développement de la BD.
  • 🌟 Renouveau dans les années 1980 avec de nouveaux talents.
  • 💻 Impact d’Internet dans les années 1990, déclin de l’industrie.
  • 🌍 Soutien gouvernemental à partir de 2000, avec une ouverture internationale.


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À propos de l'auteur

  • Luc

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