Rencontre avec Mme Anne Genetet, députée de la 11e circonscription des français de l’étranger

Anne Genetet est la députée de la 11e circonscription des Français établis hors de France (49 pays d'Asie, d'Océanie et d'Europe Orientale)
Mme Anne Genetet, députée de la 11e circonscription des Français établis hors de France

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Originaire de Paris et installée à Singapour depuis 2005, Anne Genetet est médecin de formation, auto-entrepreneure et blogueuse. Depuis le 19 juin 2017, elle est députée (LREM) de la onzième circonscription des Français établis hors de France. Le Club France Initiative qu’elle préside a vocation à éclairer les décideurs sur les voies et les moyens innovants de renforcer l’influence de la France en Europe et dans le monde, en mettant notamment la communauté des Français de l’étranger au cœur de la stratégie d’influence internationale du pays.

Nous avons eu la chance de pouvoir échanger avec elle sur son rôle de député, ses convictions et ses combats pour les français de l’étranger. Merci à Mme Genetet de nous avoir consacré ce temps et d’avoir répondu à nos questions.

Pourriez vous vous présenter en quelques mots ?

Française à l’étranger depuis 20 ans, installée à Singapour depuis 2005, je suis médecin de formation, consultante en gestion de crise sanitaire, auto-entrepreneuse et blogueuse, et depuis 2017 la députée de la 11e circonscription des Français établis hors de France, laquelle compte 49 pays d’Asie, d’Océanie et d’Europe orientale. Taïwan se trouve dans ma circonscription. Mon suppléant, Guillaume MALLET, est un ingénieur installé à Shanghai depuis 2007 où il est conseiller des Français de l’étranger et président du Conseil consulaire de la ville.

A l’Assemblée nationale, je suis désormais Secrétaire de la Commission de la défense nationale et des forces armées – après avoir été membre de la Commission des affaires étrangères sous la précédente législature – et Vice-présidente du groupe parlementaire Renaissance. Au titre des fonctions liées à mon mandat de députée, j’ai été élue pour présider la délégation française à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Enfin, je serai membre des groupes d’amitié de bon nombre des 49 pays de la circonscription dès qu’ils seront formés pour cette 16e législature.

Pourquoi avez-vous décidé de vous engager en politique ?

J’étais très investie dans la communauté française locale et j’ai toujours eu cette volonté d’aider et d’être là pour les autres.

J’avais en effet toujours fait de l’écoute et de l’entraide les fils conducteurs de ma vie professionnelle, tantôt dans le service public, tantôt dans l’entreprise, toujours dans des métiers liés à la santé : médecin dans un service de protection maternelle et infantile (PMI), médecin dans un centre de santé Croix-Rouge auprès de populations fragiles, journaliste médical, médecin en agence de communication santé puis médecin consultant en risques sanitaires dans un groupe international d’assistance. À Singapour, j’avais créé une activité de conseil pour former des travailleurs souvent précaires ainsi que leurs employeurs aux urgences pédiatriques courantes.

En juillet 2016, j’ai rejoint le mouvement d’Emmanuel MACRON car je me retrouvais dans sa démarche de renouvellement et de nécessaire oxygénation de notre démocratie représentative, avec de nouveaux messages, de nouveaux visages et de nouveaux usages. Enfin en vivant à l’étranger pendant de nombreuses années (j’ai également vécu aux Etats-Unis), je me sentais très concernée par la situation de la France dans 20 ou 30 ans car quand on vit en Asie, on ne peut qu’être impressionnée par le dynamisme et la rapidité à laquelle vont le développement et la modernité. Ceci dit, la France est une Nation multiséculaire et je suis convaincue que notre pays continuera à être un acteur majeur. Je voulais pouvoir apporter ma petite pierre à ce projet notamment en démontrant l’intérêt de nos communautés françaises partout dans le monde qui sont un atout indispensable dans la mondialisation.

Entretien du Président Richard Ferrand avec M. Nikol Pachinian, Premier ministre de la République d’Arménie. Mme Anne Genetet, Jean-Louis Bourlanges, Jacques Marilossian

Pourquoi avez-vous choisi de représenter des Français établis hors de France ?

Nos compatriotes établis à l’étranger participent tous les jours concrètement, sur le terrain, au rayonnement de la France dans le monde. J’ai voulu m’engager au service de ces Français parmi lesquels je vivais depuis deux décennies, à l’endroit où j’habitais et que je connaissais donc le mieux, en l’occurrence Singapour.

Mon engagement repose aussi sur un constat et une conviction. Le constat, c’est que l’influence et la réputation de la France dans le monde sont en jeu, non pas aujourd’hui mais pour l’avenir. Comment sera perçue la France dans 30 ans ? Quelle sera notre force de conviction ? Notre rôle dans le monde ? Ma conviction, c’est que l’influence repose sur notre capacité à nous appuyer sur les sociétés civiles. Les Français à l’étranger, par leurs connaissances des populations locales, des langues, par leurs capacités à prendre des risques, doivent être mobilisés pour maintenir la France au premier rang de la compétition mondiale. Nous avons énormément de talents à l’étranger, des expériences riches et variées, c’est pourquoi y compris lors du retour en France, ces parcours doivent être davantage valorisés.

J’ai ainsi voulu que tout soit mis en œuvre pour favoriser la mobilité internationale. J’ai donc remis en 2018 au Premier ministre Edouard PHILIPPE un Rapport sur la mobilité internationale des Français* dans lequel j’avais formulé 215 propositions, préalablement largement concertées, pour améliorer la vie quotidienne et la mobilité internationale de nos compatriotes à l’étranger – fiscalité, protection sociale, simplification administrative, retour en France…

Aux prises avec la transformation des rapports de force internationaux et l’émergence d’enjeux transversaux structurants, j’ai aussi toujours plaidé, dans mes interventions à l’Assemblée nationale et ailleurs, pour que notre diplomatie se tourne davantage vers l’Asie, où se trouvent les moteurs de la croissance mondiale présente et à venir – la Chine, l’Asie du Sud-Est et l’Inde.

*Le Rapport sur la mobilité internationale des Français est à télécharger dans son intégralité en suivant ce lien

Vous êtes la députée de la 11e circonscription des Français de l’étranger. Quel est le rôle d’un député chargé de représenter les Français établis hors de France ?

S’il me fallait répondre en une seule phrase, c’est convaincre les pouvoirs publics et les entreprises que le meilleur atout de la France dans la mondialisation, ce sont nos communautés françaises à l’étranger !

Concrètement, et pour faire le lien avec votre précédente question, nombreuses sont par exemple les décisions qui ont été prises ces dernières années à la suite de mon Rapport sur la mobilité internationale des Français. Il y avait tant à faire pour faciliter, corriger, améliorer la vie de nos compatriotes à l’étranger : protection sociale, relations avec l’administration… rien n’a été laissé au hasard ! Il s’agissait d’une part de corriger ce qui n’allait pas, ou qui avait été délaissé par les majorités précédentes, et d’autre part faire de nouvelles propositions. Pour faciliter la mobilité internationale, il faut en effet faciliter toutes les étapes d’une expérience à l’étranger, du départ au retour, en incluant notamment la protection sociale et le maintien d’un lien fort et actif avec la France.

Il reste encore du travail, et celui qui me paraît le plus important, comme je l’indiquais, c’est le travail de conviction que nos communautés doivent être au cœur des stratégies d’influence de la France dans les années à venir qu’il s’agisse de l’exportation, de la culture, de la gastronomie, du sport ou de la recherche, pour ne citer que quelques domaines prioritaires.

Anne Genetet au consulat général de France à Hong-Kong en 2019

Votre circonscription comprend 49 pays et elle s’étend de l’Europe orientale jusqu’à l’Océanie en passant par l’Asie. Quelles sont les challenges d’une circonscription aussi grande ?

Quoique je me sois toujours efforcée de veiller à l’équilibre entre la représentation de la Nation et le lien avec les Français établis dans la 11e circonscription, y compris en organisant de très nombreuses permanences virtuelles et de multiples échanges en visioconférence, par courriel via une lettre d’information périodique et sur les réseaux sociaux, la crise sanitaire m’a fait toucher du doigt les distances géographiques et nos différences politiques avec certains pays de la circonscription. La crise sanitaire a été très difficile pour beaucoup des Français établis en Asie, en Océanie et en Europe orientale. Beaucoup ont été immobilisés et privés de revoir leurs familles et leurs proches pendant de longs mois. Encore aujourd’hui, c’est toujours très délicat dans un pays comme la Chine.

Personnellement, les contraintes de quarantaine et de fermeture de frontières m’ont empêchée de revenir dans la circonscription pendant de longs mois. J’ai exercé mon mandat parlementaire à 100% depuis l’Assemblée nationale, à Paris. Et nous avons traversé un « tunnel » de 20 mois de communication quasi-exclusivement dématérialisée !

Cette présence parisienne « subie » m’a toutefois permis de défendre, en commission et en séance publique, les intérêts des Français à l’étranger. J’ai ainsi pu veiller à distance à la bonne conduite des campagnes de vaccination à l’étranger. Inlassablement, j’ai porté leurs voix, j’ai défendu leurs besoins, j’ai relayé leurs attentes. A l’Assemblée nationale mais aussi auprès du Gouvernement et à l’Assemblée des Français de l’étranger. Sans oublier, bien sûr, le vote du budget, l’élaboration de la loi et le contrôle de l’action du Gouvernement.

Quelles sont les thématiques ou problématiques qui vous tiennent à cœur ?

Comme Secrétaire de la Commission de la défense nationale et des forces armées depuis le début de la 16e législature, je suis particulièrement sensible aux enjeux de défense, plus que jamais au premier plan des priorités de la France avec le tragique retour de la guerre en Europe.

Ces sujets intéressent bien sûr aussi nos compatriotes de la 11e circonscription des Français établis hors de France puisque l’Asie, l’Océanie et l’Europe orientale comprennent la plupart des points (potentiellement) chauds du monde : Ukraine, Russie, Iran, Afghanistan, Haut-Karabagh, Taïwan… Mais aussi des partenaires, comme le Japon et l’Australie. Ainsi que des pays qui présentent des opportunités stratégiques pour la France, comme l’Inde ou l’Indonésie. J’avais déjà pu largement aborder les problématiques militaires et les enjeux relatifs à notre sécurité nationale dans le cadre de mon travail parlementaire, y compris au plus près du terrain.

Le conflit ukrainien à nos portes engendre de nombreuses questions qui inquiètent nos compatriotes. Sommes-nous prêts pour un conflit à haute intensité et à faire face à de nouvelles menaces (spatial, cyber, informationnelle) ? Nos alliances sont-elles encore fiables ? Quid de la défense européenne ? Notre industrie est-elle toujours aussi innovante et compétitive ? Comment construire la défense française et européenne de demain dans un tel contexte ?

Anne Genetet

Ces questionnements sont au cœur des travaux de notre Commission. Ils sont aussi au cœur de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) auprès de laquelle j’ai l’honneur d’avoir été élue pour présider la délégation française. L’AP-OTAN est l’organisation interparlementaire qui assure le lien entre l’OTAN et les parlements des 30 pays membres et des 14 pays associés de l’Alliance atlantique. Les délégations de parlementaires se réunissent lors de deux sessions au printemps et à l’automne pour examiner en commission, discuter en séance plénière, puis éventuellement adopter des résolutions qui posent un diagnostic précis sur les principaux enjeux de la sécurité transatlantique et formulent des recommandations pour relever les défis prioritaires, à commencer par le lien transatlantique, la défense européenne, la sécurité nucléaire ou encore la cyberdéfense. Les résolutions adoptées sont transmises au Conseil de l’Atlantique Nord.

Il y a quelques jours, mi-novembre, je me suis d’ailleurs rendue à la session de l’AP-OTAN organisée à Madrid. Celle-ci s’est bien sûr déroulée à l’ombre de la guerre en Ukraine. Dans ce contexte stratégique et sécuritaire inédit, notre délégation a porté la voix d’une France déterminée à favoriser l’émergence d’une Europe de la défense, partenaire de l’OTAN, plus forte et opérationnelle, de sorte de mieux remplir nos obligations de sécurité et de défense collectives. L’enjeu politico-militaire est prégnant depuis le 24 février dernier et l’invasion russe : nous devons être davantage acteurs de défense pour ne pas subir et mieux contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Rencontre avec M. Zelenski, président de l’Ukraine

Un des sujets que vous semblez considérer comme important est la transition écologique, comment allez-vous agir sur ce sujet ?

A l’occasion de la récente 27e COP à Charm El Cheikh (Égypte), le Chef de l’État a appelé au respect international des engagements de l’Accord de Paris et du Pacte de Glasgow. Notre conviction, c’est que la crise énergétique est aussi une opportunité à saisir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, avec l’objectif de faire de la France une « Nation verte ». Dans son discours, le Président de la République a porté l’idée d’une solidarité internationale entre pays du Nord et pays du Sud face aux dérèglements climatiques. Là comme ailleurs, la confiance Nord-Sud sera décisive. C’est tout l’enjeu de la diplomatie climatique !

Emmanuel MACRON a rappelé que la France était pleinement engagée dans une approche solidaire de la transition climatique. En mobilisant 6 milliards d’€ par an, dont 2 milliards pour l’adaptation, elle contribue à l’investissement collectif de 100 milliards de dollars annuels. En parallèle, afin de mettre en œuvre la planification écologique pour l’industrie et d’aboutir à des réductions d’émissions conformes à nos engagements climatiques, le Président de la République a réuni début novembre les dirigeants des 50 sites industriels en France les plus émetteurs de gaz à effet de serre, ainsi que des porteurs de solutions décarbonées, afin de les convaincre d’investir massivement pour verdir leurs installations. Le Chef de l’État a détaillé une stratégie nationale pour accélérer dans la transition énergétique. Une aide de 5 milliards d’euros va être débloquée pour financer des projets de décarbonation. Ayons à l’esprit la très féroce concurrence internationale entre les pays pour attirer et retenir les investissements verts…

Pour répondre plus directement à votre question, je soutiens les initiatives prises par le Président et par le Gouvernement déjà par mes votes dans ce sens à l’Assemblée nationale. Ensuite, j’essaie de convaincre qu’à l’heure où nous nous interrogeons sur notre diplomatie avec les Etats Généraux de la Diplomatie, si la France veut incarner une diplomatie positive, elle pourrait se positionner comme « puissance verte » en étant elle-même exemplaire et en proposant des solutions par la coopération entre Etats ou par ses entreprises.

Pouvez-vous parler d’actions spécifiques (dans que vous avez portées avec succès ?

A ce stade du démarrage de mon 2e mandat, j’évoquerais à nouveau mon rapport sur la mobilité internationale des Français remis au Premier ministre en septembre 2018… même si la mise en œuvre de certaines des 215 propositions formulées dans mon rapport mérite d’être accélérée ! Il y a donc tout le suivi de ces mesures à faire. Des améliorations sont à venir dans le domaine de la dématérialisation.

Je me bats aussi pour les budgets. A ce propos, les moyens du Ministère des Affaires étrangères vont être renforcés notamment pour les affaires consulaires et dans la région indopacifique.

J’ai aussi fait voter une résolution à l’unanimité pour condamner le coup d’Etat en Birmanie. J’ai déposé 2 lois dans le précédent mandat dont une concernant les entrepreneurs français à l’étranger et je compte bien les faire voter. Je porte d’autres actions actuellement et la défense des intérêts français partout dans le monde me tient particulièrement à cœur.

En pleine réunion avec M, Zelenski

Il s’agit de votre second mandat de député, est-ce qu’il y a des sujets que vous n’avez pas pu défendre lors de votre premier mandat et que vous souhaitez réessayer ?

Oui. Si beaucoup a été fait et initié, beaucoup reste à faire et à finaliser pour les Français établis hors de France. Notamment pour les protéger, pour simplifier leur vie, pour accompagner les entrepreneurs français à l’étranger, ou encore pour développer la stratégie de l’axe indopacifique au travers de nouvelles coopérations environnementales, économiques, maritimes, etc.

Au cours de cette législature, je serai tout particulièrement mobilisée sur le renforcement de notre résilience face aux crises avec le renforcement de la formation des personnels et des concitoyens, l’accès simplifié aux services publics avec la création de « France Services Français de l’Etranger* » et le développement de l’enseignement en français avec l’extension du réseau d’enseignement en français et la création du Pass Éducation en langue française pour les enfants scolarisés dans des écoles locales. Je souhaite aussi que nous puissions trouver de nouveaux moyens de diminuer la pression fiscale pour tous, y compris les contribuables non-résidents. Enfin, il reste le cas de la Caisse des Français de l’étranger qu’il faut à la fois pérenniser et dont il est absolument indispensable d’améliorer le fonctionnement pour les adhérents.

*Pour en savoir plus sur France Services Français de l’Etranger rendez-vous sur ce lien.

Notre webzine se veut un webzine adressé au monde francophone, quelle est l’image de la France à l’étranger ?

Grâce – notamment – aux 3 millions de Français de nos communautés à travers le monde, qui sont le fer de lance d’une France qui réussit dans la mondialisation, et souvent les meilleurs de nos ambassadeurs informels, grâce aussi à son rang de 7e économie mondiale, grâce enfin au système de valeurs dont elle est longue date porteuse, je crois que l’image de la France à l’étranger est bonne. Mais je constate aussi que cette image est souvent celle d’une puissance qui serait devenue simplement « moyenne ». Je ne m’y résous pas !

Dans le nouvel ordre mondial caractérisé par le basculement de l’économie mondiale vers l’Asie, la montée en puissance de la Chine, l’ascension de l’Inde, l’unilatéralisme des Etats-Unis, la division de l’Europe et le retour belliciste de la Russie, sans oublier les enjeux énergétiques, climatiques, numériques, spatiaux, démographiques et migratoires, la France doit plus que jamais démontrer qu’elle sait passer du discours à l’action au bénéfice de tous.

C’est d’ailleurs parce que je veux une France audacieuse, plus forte en Europe et dans le monde, que j’ai créé le Club France Initiative*. Ce Club vise à mettre la communauté des Français de l’étranger au cœur de l’élaboration et de la mise en œuvre de la stratégie d’influence internationale de la France. A cette fin, il mobilise notamment les expatriés pour être force de réflexions et de propositions auprès des décideurs publics et privés. Il organise notamment des débats avec des experts et des praticiens sur l’influence thématique et / ou géographique de la France, et sur la place des Français de l’étranger dans la stratégie d’influence de la France.

*Retrouvez le Club France Initiative en suivant ce lien

Au Lycée Français International de Dehli

Quels atouts, selon vous, les entrepreneurs français expatriés, peuvent ils mettre en avant pour gagner des parts de marché ? 

Les entrepreneurs français à l’étranger sont d’abord et avant tout des pionniers du rayonnement international de notre pays. Ils forcent souvent l’admiration par leur courage et leurs qualités personnelles. Ils ont pris des risques, y compris en faisant le choix de renoncer aux filets de sécurité qui profitent à nos concitoyens vivant en France.

Avec d’autres, je m’étais mobilisée à leurs côtés dès le printemps 2020 – alors qu’ils vivaient des situations économiques et humaines particulièrement difficiles du fait des conséquences économiques de la crise sanitaire sur leur activité – pour interpeller, sensibiliser et convaincre le Gouvernement de l’intérêt économique, culturel mais aussi budgétaire, d’aider les entrepreneurs français à l’étranger. Après l’effondrement de leur trésorerie, beaucoup avaient dû se résoudre à licencier et à vendre des biens personnels pour sauver leur entreprise. Ce fut tout particulièrement le cas dans les secteurs du tourisme, de la logistique et de l’export. J’ai toujours plaidé qu’aider le « dernier maillon » d’une chaîne de valeur qui commence en France, ce n’est pas aider une économie étrangère mais c’est, au contraire, aider un acteur monté en première ligne sur le front d’une France plus forte et plus souveraine à l’international.

Au-delà de leurs qualités individuelles, les entrepreneurs français à l’étranger sont aussi collectivement des représentants de la « marque France », un signe distinctif dont les attributs, les valeurs et le positionnement sont des atouts pour gagner des parts de marché.

J’ai déposé à l’Assemblée une proposition de loi* qui crée un label sur le modèle des entreprises du patrimoine vivant, label qui sert à identifier nos entreprises françaises à l’étranger de droit local, celles qui ne sont pas les filiales d’entreprises françaises. Je poursuivrai ce travail. Dans la continuité de cette réflexion, je porte une vision originale de notre commerce extérieur qui doit être un fer de lance de nos savoir-faire Français et doit absolument prendre appui sur les talents, les compétences, les idées pour mieux accompagner nos entreprises exportatrices.

*Retrouvez la proposition de loi nº 3671 en faveur des entreprises de droit local rattachées à la France « France Impact » en suivant ce lien.  

Rencontre avec la communauté économique de Bangkok en 2019

Quels sont, selon vous, les défis qui attendent les Français de Taïwan ?

Les 2 190 Français de l’archipel inscrits auprès de nos services consulaires souhaitent pouvoir continuer de bénéficier des atouts du « miracle taïwanais » : un niveau de vie élevé grâce à une exceptionnelle ascension économique, sous-tendue par un excellent niveau d’instruction et de qualification professionnelle et l’essor des industries des technologies de l’information et des communications (en particulier celle des semi-conducteurs), dans une démocratie libérale où la situation des droits de l’homme est positive.

Nul ne peut toutefois ignorer que le risque d’un conflit avec la Chine est de plus en plus prégnant chez les Taïwanais, notamment la jeune génération. C’est pourquoi je crois que la France et l’Europe ont un rôle à jouer dans l’espace indopacifique et la zone du détroit de Taïwan en particulier.

Ils existent de nombreuses collaborations entre la France et Taïwan. Sur quels aspects peut-on encore renforcer cette collaboration ?

Les relations entre la France et Taïwan sont effectivement déjà denses, notamment sur le plan culturel et économique. Dans le respect de la « politique d’une seule Chine », qui prévaut en France (depuis 1964) et chez la plupart des Etats membres de l’ONU, Paris intensifie depuis plusieurs années, quantitativement et qualitativement, ses propos sur Taipei et la coopération France-Taïwan. La France a ouvert en 2020 un nouveau « bureau de représentation ».

J’ai la conviction que la diplomatie parlementaire peut utilement servir de point d’appui pour approfondir et élargir cette coopération. Des résolutions parlementaires ont d’ailleurs exprimé un avis favorable à une participation accrue de Taïwan dans les organisations internationales, y compris l’Union européenne et le G7.

Je suis absolument favorable à la participation de Taiwan aux instances internationales multilatérales. Si je prends pour exemple l’Organisation Mondiale de la Santé, le médecin que je suis, sait parfaitement que la santé publique requiert une vision géographique complète. Aucune maladie ne saurait épargner Taiwan, et le covid vient de le démontrer. Exclure Taiwan c’est donc prendre le risque de passer à côté des données de surveillance et de suivi qui sont pourtant indispensables à toute coordination mondiale, c’est-à-dire à la protection de la planète. En outre, Taiwan a démontré un savoir faire pour lutter contre la pandémie et en rejoignant les instances internationales multilatérales, Taiwan pourrait mieux partager son expertise. Et la France doit encourager cette participation.

Anne Genetet
Anne Genetet avec la délégation de Taïwan en Juillet 2022

Et pour finir, qu’aimez vous à Taïwan ?

Taiwan est fondamentalement moderne et tourné vers le progrès. J’aime tout particulièrement le dialogue libre et profond qui y est noué entre la modernité et la tradition d’une part, entre les cultures – aborigène, confucianiste, han, japonaise, américaine et européenne – d’autre part.

Ces dialogues de l’histoire et des cultures sont féconds, tant la société taïwanaise réussit à y puiser les ressources pour forger sa propre identité collective et « culture multiculturelle ».

Pour en savoir plus sur Anne GENETET

Et si vous souhaitez en savoir plus sur les collaborations culturelles entre la France et Taïwan, retrouvez notre interview de Laurent Vergain, directeur de l’Alliance Française à Taïwan.

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À propos de l'auteur

  • Luc

    Fondateur du webzine francophone Insidetaiwan.net Consultant en développement international 🚀des entreprises en Asie du Sud-Est #Taiwan #Tourisme #Société #Culture #Business #Histoire #Foodie

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