L’IA au service de la santé mentale à Taïwan

Face à une demande croissante de soutien psychologique, Taïwan explore l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la santé mentale. Cette approche suscite à la fois espoirs et interrogations parmi les professionnels et les patients. Les chatbots thérapeutiques, déjà présents sur le marché, offrent une assistance immédiate, mais leur efficacité et leur éthique restent débattues.

Un recours croissant aux chatbots thérapeutiques

À Taïwan, l’utilisation de chatbots basés sur l’IA pour le soutien psychologique connaît une augmentation notable. Des applications telles que Wysa sont disponibles pour les utilisateurs taïwanais et offrent une assistance 24h/24 et 7j/7. Ces outils proposent des exercices de thérapie cognitivo-comportementale, des techniques de relaxation et des conseils personnalisés pour gérer le stress et l’anxiété.

Ainsi, un utilisateur confronté à une crise d’angoisse peut interagir avec le chatbot pour recevoir des exercices de respiration guidée, aidant ainsi à apaiser les symptômes immédiats. Cependant, ces chatbots ne remplacent pas les professionnels de la santé mentale, mais servent plutôt de complément ou de première ligne d’assistance pour ceux qui hésitent à consulter.

Des réponses rassurantes mais non thérapeutiques

L’un des risques majeurs liés à l’usage des IA génératives dans le champ de la santé mentale repose sur leur incapacité à proposer un véritable processus thérapeutique. Ces agents conversationnels comme ChatGPT ou Gemini (de Google), ne pensent pas et ne comprennent pas les nuances émotionnelles. Leur fonctionnement repose sur des probabilités : ils formulent des réponses jugées les plus cohérentes statistiquement selon les données disponibles. Ce mécanisme conduit l’IA à dire ce que l’utilisateur veut entendre, plutôt que ce qu’il devrait entendre pour progresser dans sa guérison. Dans une situation de détresse émotionnelle, cette tendance peut aggraver le mal-être, en renforçant des croyances erronées ou en évitant les remises en question nécessaires.

À Taïwan, plusieurs psychologues cliniciens alertent sur ce point : l’IA ne remplace ni l’empathie humaine, ni l’analyse clinique construite sur des années de formation. Elle ne détecte pas les signaux faibles d’une crise, comme les silences lourds ou les micro-expressions. Un rapport du Taiwan Association of Clinical Psychologists (台灣臨床心理師公會全國聯合會) publié en 2024, recommande d’encadrer strictement l’usage de ces outils, notamment pour les jeunes usagers, plus enclins à se confier aux machines qu’à consulter un professionnel. L’absence de transfert émotionnel, essentiel en psychanalyse ou en thérapie cognitive, rend ces « conversations » virtuelles souvent superficielles, et parfois même dangereuses lorsque les messages tournent en boucle sans contradiction bienveillante.

Intégration de l’IA dans les établissements médicaux taïwanais

Les institutions médicales taïwanaises intègrent également l’IA pour améliorer les soins en santé mentale. Par exemple, le China Medical University Hospital collabore avec Microsoft Azure pour développer des assistants médicaux virtuels. Ces outils assistent les médecins en fournissant des informations actualisées et en aidant au diagnostic.

Dans le domaine de la rééducation post-AVC, l’hôpital de l’université de médecine de Taipei utilise des robots intelligents pour accompagner les patients dans leurs exercices, et augmentent ainsi la précision et l’efficacité des séances de rééducation. Ces initiatives illustrent la volonté de Taïwan d’exploiter les avancées technologiques pour améliorer les soins de santé mentale.​

Défis éthiques et perspectives d’avenir

Malgré les avantages potentiels, l’adoption de l’IA dans la santé mentale soulève des questions éthiques et pratiques. Les professionnels s’inquiètent de la qualité des interactions offertes par les chatbots et de leur capacité à détecter des situations critiques, telles que les pensées suicidaires. De plus, la confidentialité des données et la dépendance aux technologies étrangères, notamment chinoises, sont des préoccupations majeures.

En janvier 2025, Taïwan a interdit aux agences gouvernementales d’utiliser les applications de la start-up chinoise DeepSeek, invoquant des risques pour la sécurité nationale de l’information. Pour l’avenir, il est essentiel que Taïwan développe ses propres solutions d’IA en santé mentale, en veillant à une régulation appropriée et à une formation adéquate des professionnels de santé pour intégrer ces outils de manière éthique et efficace.​

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