5 poèmes d’amour taïwanais pour déclarer sa flamme

Cinq poèmes taïwanais pour déclarer sa flamme autrement, avec des mots sensibles, intimes et profondément poétiques.

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La poésie taïwanaise moderne est une voix multiple : celle d’une île, d’une histoire complexe, d’une langue vivante. Elle emprunte aux traditions classiques chinoises, mais aussi aux modernismes occidentaux, pour dire les sentiments humains avec finesse. Parmi les thèmes les plus universels, l’amour traverse les vers avec des formes changeantes : rêve inatteignable, silence partagé, souvenir brûlant ou mystère du quotidien. À travers cinq poètes représentatifs, cet article présente cinq poèmes d’amour taïwanais, traduits et commentés, pour faire découvrir au lecteur francophone la sensibilité singulière d’une littérature souvent méconnue.

Tu es la rive que je ne peux atteindre de Zheng Chouyu

Zheng Chouyu (鄭愁予), né en 1933 dans le Shandong et exilé à Taïwan après la guerre civile, est l’un des poètes modernistes les plus influents de l’île. Membre du « mouvement moderniste » dans les années 1950, il a façonné une poésie fluide, mélancolique, marquée par l’exil, la séparation, le désir impossible. Sa langue poétique mêle les rythmes du symbolisme occidental et les subtilités du vers classique chinois, dans un registre souvent intime.

Dans « Tu es la rive que je ne peux atteindre », l’amour prend la forme d’un rivage inaccessible. Le poème évoque une traversée brisée par le temps, une quête condamnée à l’éloignement. Seuls les rêves permettent une rencontre, aussitôt effacée au réveil. Le poème illustre l’élégance d’une douleur retenue, la solitude dans l’amour. La voix de Zheng Chouyu devient celle de tous ceux qui aiment à distance, dans l’inachèvement, la patience et l’abandon.

你是我無法抵達的岸Tu es la rive que je ne peux atteindre
你是我無法抵達的岸,
我的航程總被時光沖散,
只能在夢裡靠近你,
醒來後又遠去千里。
Tu es la rive que je ne peux atteindre,
mon voyage est dispersé par le temps,
je ne peux t’approcher qu’en rêve,
puis m’éloigne au réveil de mille lieues.

Nuit calme de Xiang Yang

Xiang Yang (向陽), né en 1955 à Tainan, est un poète enraciné dans le vécu quotidien. Figure de la littérature locale taïwanaise, il a toujours défendu une poésie proche des gens, des gestes simples et du paysage. Ses vers se déploient avec une retenue émotive, donnant une grande place au silence, à l’espace, au non-dit.

Dans « Nuit calme », l’amour s’incarne dans une scène minimaliste : une main tenue, un souffle partagé dans l’obscurité. Pas de déclaration flamboyante, mais une communion silencieuse, à peine suggérée. Ce poème court révèle l’approche de Xiang Yang : dire le maximum avec le minimum. Loin des grands récits, il privilégie l’instant suspendu, où l’amour est moins dit que vécu. La beauté réside ici dans l’absence de mot : l’amour se respire, se retient, se comprend sans bruit. Ce texte nous rappelle que l’amour se loge souvent dans les gestes discrets, et que la poésie taïwanaise excelle dans l’art de les saisir.

靜夜Nuit calme
靜夜裡你的呼吸,
如風掠過燭火,
我不說愛,
只緊握你的手。
Dans la nuit calme ton souffle est comme le vent,
Qui effleure la flamme de la bougie,
je ne dis pas que je t’aime,
je tiens simplement ta main.

Le baiser en mémoire de Luo Qing

Luo Qing (羅青), né en 1944, est un poète, essayiste et artiste plasticien dont l’œuvre explore les liens entre mémoire, sensation et expression artistique. Représentant d’une génération post-guerre qui cherche à affirmer une identité taïwanaise distincte, Luo Qing utilise souvent des images très visuelles, voire tactiles, pour rendre l’émotion palpable.

« Le baiser en mémoire » est un exemple parfait de son art poétique. Le poème évoque un baiser conservé dans la mémoire comme un parfum ancien enfermé dans une enveloppe. L’image du souvenir est double : olfactive (le parfum), temporelle (le passé réouvert) et charnelle (la brûlure sur les lèvres). Ce poème déploie une atmosphère de douce obsession, où le souvenir devient vivant, actif, brûlant. Luo Qing nous montre ici que l’amour, même terminé, continue à se déposer sur le corps, et que la mémoire n’est pas un espace figé mais un feu discret, qui revient nous visiter sans prévenir.

記憶中的吻Le baiser en mémoire
記憶中的那一吻,
藏在舊信封裡的香氣,
偶爾打開,
整個午後都在唇邊燃燒。
Ce baiser de mémoire,
parfumé comme une vieille enveloppe,
parfois rouvert,
brûle tout l’après-midi sur mes lèvres.

À toi qui es loin de Yu Guangzhong

Yu Guangzhong (余光中), né en 1928 et mort en 2017, est un des géants de la poésie chinoise moderne. Son œuvre, très influente à Taïwan, mêle références classiques et sensibilité contemporaine. Exilé de Chine continentale, il incarne aussi la figure du poète nostalgique, en quête d’un lieu, d’un temps ou d’un être perdu.

Dans « À toi qui es loin », Yu s’adresse à un amour absent. Chaque mot est un souffle envoyé à distance, sous la lumière de la lune, transformée en messagère. C’est une élégie douce et fidèle, où la langue devient le dernier lien avec l’aimé·e. Loin de céder à la douleur, le poème cultive une tendresse constante. C’est aussi une réflexion sur le rôle de la poésie comme médium de l’absence. La parole poétique se fait lien, fil ténu mais tenace entre deux êtres séparés. Le texte est court, mais chargé de distance, de lumière, et d’appel discret.

給遠方的你À toi qui es loin
我寫信給遠方的你,
讓月光替我寄送思念,
每個字都是夜裡的呼喚。
J’écris à toi qui es loin,
la lune livre mes pensées,
chaque mot est un appel dans la nuit.

Toi dans la lumière du matin de Hsia Yu

Hsia Yu (夏宇), née en 1956, est une poétesse avant-gardiste, connue pour ses expérimentations formelles et son approche postmoderne de la langue. Elle brise les cadres traditionnels de la poésie chinoise en y injectant fragmentation, jeux de typographie, et ironie. Sa poésie est toujours surprenante, libre et visuelle.

Dans « Toi dans la lumière du matin », l’être aimé devient un poème à déchiffrer. L’image est simple : un sourire au réveil, une lumière douce, et une lecture qui échappe. Mais derrière cette simplicité, le texte interroge : peut-on vraiment saisir l’autre ? Peut-on lire l’amour sans en perdre une ligne ? Le poème joue avec le motif du poème inachevé, miroir de l’amour toujours incomplet. Hsia Yu propose ici une poésie de l’éphémère, de l’instant suspendu. Ce texte évoque le trouble léger, presque joyeux, de l’incertitude amoureuse, et de la lecture elle-même.

晨光中的你Toi dans la lumière du matin
你在晨光裡微笑,
如一首未完的詩,
我試圖讀你,
卻總漏掉最後一行。
Tu souris dans la lumière du matin,
tel un poème inachevé,
je tente de te lire,
mais perds toujours la dernière ligne.


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À propos de l'auteur

  • Luc

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