À Taïwan, la justice transitionnelle tente de se frayer un chemin dans les complexités de l’administration locale, mais le processus avance à un rythme décourageant. Les gouvernements locaux ont montré une certaine réticence à renoncer aux vestiges de l’ère autoritaire, particulièrement en ce qui concerne le changement des noms de rues et de lieux marqués par l’idéologie du Kuomintang. Cet article explore les efforts discrets mais significatifs de réforme, ainsi que les obstacles persistants qui entravent le progrès.
L’héritage tenace du Kuomintang
Dans de nombreuses villes taïwanaises, les noms des rues et des établissements portent encore les empreintes du Kuomintang. Des figures comme Chiang Kai-shek (蔣介石) et Sun Yat-sen (孫中山) dominent l’espace public avec des noms tels que Zhong Zheng (中正), adopté par Chiang pour renforcer son lien avec Sun.
Cette omniprésence s’étend également à des écoles et des bâtiments publics, où des noms comme Jie Shou (介壽), qui évoquent une longévité souhaitée à Chiang, sont courants. À Taipei, la rue Beiping East Road (北平東路), qui porte le vieux nom de Pékin, symbolise cette résistance au changement. Ce phénomène illustre combien l’ombre du passé autoritaire plane toujours sur Taïwan, malgré les efforts de dékuanmintangisation initiés par des administrations plus progressistes.
Efforts de renouvellement dans un contexte de controverse
Des efforts pour renommer ces espaces reflétant une idéologie dépassée existent, bien que sporadiques. À Taipei, la transformation de la rue Chiehshou (介壽街) en boulevard Ketagalan est un exemple de tentative de réappropriation identitaire. Cette rue, autrefois un hommage à Chiang, symbolise maintenant les peuples indigènes de Taïwan, marquant un pas vers la reconnaissance de leur importance historique et culturelle.
Cependant, de tels changements provoquent souvent des réactions mitigées, voire hostiles. La ville de Tainan a aussi pris des initiatives, comme le retrait des noms de Chiang dans les écoles, remplaçant par exemple l’école Zhongzheng (中正學校) par des noms plus neutres ou significatifs localement, mais ces actions restent exceptionnelles et soulignent la complexité de la modification du paysage urbain.
Une identité taïwanaise en évolution
Chaque changement de nom réussi est un pas vers une affirmation plus forte de l’identité taïwanaise, loin des chaînes du passé autoritaire. Cependant, le chemin vers une transformation complète est semé d’obstacles, notamment la résistance culturelle et politique. L’avenir de ces efforts repose sur une volonté collective de reconnaître et de célébrer la diversité et la démocratie propres à Taïwan moderne.
Par exemple, la proposition de renommer des lieux comme le parc commémoratif Chiang Kai-shek (蔣介石紀念公園) à Taipei en un nom qui reflète les valeurs contemporaines taïwanaises, bien que populaire parmi les jeunes générations, suscite encore un vif débat. Ce dialogue continu sur l’espace public et sa signification est crucial pour que Taïwan puisse réellement avancer vers une réconciliation avec son passé et forger une identité qui respecte toutes ses facettes historiques et culturelles.
