Les Conseillers du Commerce Extérieur de la France à Taïwan : un pont entre le monde économique français et les réalités taïwanaises

Rencontre avec Cédric Jaeg, nouveau président du comité des Conseillers du Commerce Extérieur de la France à Taïwan

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Cédric Jaeg, entrepreneur installé à Taïwan depuis près de vingt ans et spécialisé dans le photovoltaïque tout en ayant exploré divers secteurs (textile, vanille, handicap), est le nouveau président du comité taïwanais des Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CCE).

À la tête d’une équipe de 18 conseillers bénévoles sur l’île, il orchestre ce réseau mondial dédié au rayonnement économique français en accompagnant les entreprises, formant les jeunes talents et promouvant l’attractivité de la France.

Dans cette interview, il dévoile les coulisses de cette mission, les enjeux stratégiques de la coopération franco-taïwanaise et sa vision de l’évolution des partenariats bilatéraux dans un contexte géoéconomique en mutation, incarnant ainsi un homme de réseaux au service de la France à Taïwan.

Bonjour Cédric, pouvez-vous vous présenter en quelques mots pour nos lecteurs

Bonjour, je m’appelle Cédric Jaeg. Je suis entrepreneur basé à Taiwan, spécialisé dans le développement et la construction de projets photovoltaïques. Après une première expérience à Taïwan entre 1997 et 1999, je me suis installé à Tainan en 2005.

Mon parcours, à la fois atypique et multidisciplinaire, m’a conduit à travailler dans des domaines aussi divers que le handicap, les énergies renouvelables, l’industrie textile, ou plus récemment la production de vanille, entre Taïwan, l’Indonésie et les Philippines.

Depuis 2020, j’ai le plaisir de faire partie du réseau des Conseillers du Commerce Extérieur de la France, et j’ai l’honneur de présider le comité Taïwan depuis avril dernier.

Vous êtes le nouveau président du comité des Conseillers du Commerce Extérieur de la France à Taïwan. Avant toutes choses, qu’est-ce qu’un Conseiller du Commerce Extérieur ? et quel est son rôle ?

Un Conseiller du Commerce Extérieur (CCE) est un professionnel de terrain – dirigeant, entrepreneur ou expert – qui met bénévolement son expertise internationale au service du rayonnement économique de la France. En devenant CCE, on adhère à l’association du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF), association loi 1901 reconnue d’utilité publique qui rassemble l’ensemble des Conseillers du commerce extérieur.

Nous sommes aujourd’hui 4 900 CCE en France et dans le monde, nommés par décret du Premier ministre, nous avons quatre grandes missions :

  • conseiller les pouvoirs publics,
  • accompagner les entreprises françaises dans leur développement à l’international,
  • former les jeunes à l’ouverture internationale,
  • et contribuer à la promotion de l’attractivité de la France.

Nous sommes en quelque sorte un pont entre le monde économique, les institutions françaises et les réalités locales des pays dans lesquels nous sommes implantés.

À Taïwan, notre comité se compose de 18 Conseillers du Commerce Extérieur. Il réunit à la fois des dirigeants de groupes français et des entrepreneurs établis de longue date sur le territoire. La gouvernance du comité est assurée par un Bureau exécutif, constitué de 7 membres élus par l’ensemble des conseillers.

Et vous en tant que Président quel est votre rôle au quotidien ? Ainsi que celui du comité ?

Avec l’appui des membres du Bureau, mon rôle est de coordonner les actions du comité, de fédérer nos membres autour de projets concrets et de maintenir un dialogue étroit avec nos partenaires, aussi bien publics que privés. J’agis un peu comme un chef d’orchestre, en veillant à ce que nos initiatives soient cohérentes, efficaces et alignées avec les enjeux de terrain. Je suis également sollicité pour participer à des évènements organisés par les autorités, les associations professionnelles ou nos partenaires locaux.

Quant au comité, il fonctionne comme une plateforme de collaboration : nous facilitons les échanges entre les entreprises françaises présentes ou souhaitant s’implanter à Taïwan, les autorités locales, et les acteurs institutionnels français comme Business France ou la Chambre de commerce. Nous partageons nos expertises, participons à la réflexion stratégique avec les autorités françaises, et mettons en œuvre des actions concrètes dans les domaines de la formation, de l’attractivité et du soutien à l’internationalisation. Notre force réside dans la diversité et l’engagement de nos membres.

Notre force réside dans la diversité et l’engagement de nos membres.

Cédric Jaeg

Réunion de la Team France à Taipei – Copyright : Comité CCE Taiwan

Comment devient-on CCE ? Quelles sont les conditions de nomination, la durée du mandat, et le profil type s’il existe ?

Il n’y a pas vraiment de profil type. Au sein de notre comité, on trouve des dirigeants de filiales de groupes français du CAC40, des avocats d’affaires, des entrepreneurs et patrons d’E.F.E (Entreprises de Français à l’Etranger). Nous recherchons avant tout des personnes engagées, compétentes et prêtes à donner de leur temps au service de l’intérêt collectif.

Il est bien entendu indispensable de disposer d’une expérience significative à l’international, acquise sur plusieurs années. Nous privilégions des profils opérationnels, directement impliqués sur le terrain et être actif dans le développement économique ou commercial de la France à l’étranger.

La nomination se fait sur dossier, les candidats sont proposés par les présidents des comités et nos ambassades, puis validés par la commission nationale, et enfin nommés par décret du Premier ministre. Le mandat dure trois ans, renouvelable.

Comment les missions des conseillers s’articulent-elles avec les autres acteurs économiques français sur place, comme la Team France Export ?

Les missions des Conseillers du Commerce Extérieur s’inscrivent en complémentarité avec celles des autres acteurs économiques français présents sur le territoire, notamment la Team France, qui regroupe Business France, la Chambre de commerce, les services de l’État et d’autres partenaires comme la French Tech ou les établissements scolaires français.

Nous travaillons main dans la main, en partageant nos expertises : les CCE apportent une vision de terrain, issue de leur expérience d’entrepreneurs ou de cadres en entreprise, ainsi qu’un réseau local souvent précieux pour les entreprises françaises en développement.

Concrètement, cette collaboration se traduit par un soutien mutuel à des événements, comme le Grand Prix VIE durant lequel les CCE sont membres du jury, ou des journées de mentorat organisées à l’école française de Taipei, ou encore des actions conjointes pour accompagner les entreprises françaises dans leur implantation ou leur développement à Taïwan.

Quels sont les secteurs clés à Taïwan sur lesquels les CCE concentrent aujourd’hui leurs efforts : semi-conducteurs, tech, santé, énergies renouvelables ?

Taïwan est effectivement une place stratégique dans des secteurs de pointe comme les semi-conducteurs, la tech, la cybersécurité, la santé, et les énergies renouvelables. Nous sommes également très actifs sur le transport et la décarbonation. Nous avons des membres spécialisés dans chacun de ces domaines, ce qui nous permet d’avoir une vision fine des opportunités, mais aussi des risques.

Comment hiérarchisez-vous les priorités ?

Nous alignons notre action sur les grandes priorités bilatérales et les dynamiques de transformation à l’échelle mondiale, qu’il s’agisse de la transition énergétique, de la digitalisation ou de la réindustrialisation. Nos axes d’intervention sont déterminés à la fois par les besoins concrets observés sur le terrain et par les orientations stratégiques définies par l’État français.

Ainsi, dans un contexte de vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement, notamment dans le secteur des semi-conducteurs, nous renforçons notre mobilisation sur cette filière jugée critique. Nous avons d’ailleurs sur ce sujet des défis géoéconomiques une grande réunion de travail avec nos collègues CCE de la région le 13 juin à Taipei.

Concrètement, comment les CCE accompagnent-ils une PME française qui souhaite s’implanter ou développer un projet à Taïwan ? 

Nous proposons un accompagnement concret et opérationnel : échanges individualisés, mise en relation avec des acteurs locaux, conseils sur la stratégie d’implantation et décryptage du cadre réglementaire. Nous animons également des sessions de mentorat et participons activement à des événements de networking et à des salons professionnels. Et tout cela dans une logique bénévole et bienveillante.

Présentation de Taiwan 2050 – Copyright : Comité CCE Taiwan

Pouvez-vous nous donner des exemples ?

Bien sûr. Récemment, nous avons accompagné une PME spécialisée dans des solutions photovoltaïques à identifier un partenaire local pour produire leur solution pour le marché asiatique, et à trouver une domiciliation pour leur filiale locale. Un autre exemple : une startup française dans le secteur des drones a pu bénéficier de notre réseau pour accéder à des partenaires institutionnels taïwanais.

Il est important de rappeler que notre engagement s’inscrit dans une démarche entièrement bénévole, animée par la volonté de servir l’intérêt collectif. En aucun cas, notre action ne vise à se substituer ni à entrer en concurrence avec des structures telles que Business France ou la Chambre de commerce. Nous nous positionnons dans une logique de complémentarité et de coopération.

Dans quelle mesure les informations collectées sur le terrain à Taïwan influencent-elles les décisions des pouvoirs publics français ? Avez-vous des retours directs de leur part ?

Oui, nous recevons des retours réguliers. Une réunion mensuelle rassemble nos partenaires de la Team France, notamment le chef du service économique du BFT, le directeur de Business France et celui de la Chambre de commerce. Ces rencontres sont l’occasion de partager nos analyses macroéconomiques, les tendances sectorielles à travers des échanges approfondis et des notes que nous transmettons au service économique.

L’information circule dans les deux sens, puisque ces partenaires nous font également part de leurs observations et de leurs priorités.

Le comité des CCE à Taïwan joue aussi un rôle dans la promotion de l’attractivité de la France. Quelles actions concrètes avez-vous menées récemment en ce sens ?

Très concrètement, vendredi 23 mai, nous avons accompagné à Kaohsiung une délégation d’entreprises françaises menée par la Chambre de commerce et d’industrie pour rencontrer le maire Chen Chi-Mai et son équipe. Cette réunion de travail a permis de mettre en lumière les sociétés déjà implantées localement et de renforcer les partenariats entre la ville de Kaohsiung et les entreprises françaises dans des secteurs clés tels que la décarbonation, la logistique, les transports maritimes, l’ingénierie ferroviaire, les semi-conducteurs ou encore la biotechnologie.

Nous avons aussi participé le mois dernier à un forum d’investissement et mis en avant des success stories d’entreprises taïwanaises implantées en France. Nous travaillons avec La French Tech Taiwan, des universités et des incubateurs pour faire connaître les atouts de l’écosystème français. Un évènement La French Tech s’est d’ailleurs également tenu à Kaohsiung ce vendredi 23 mai.

Former les jeunes talents est aussi l’une des missions fortes des CCE. Quels types de dispositifs mettez-vous en place pour aider les jeunes à se projeter à l’international à travers Taïwan ?

Nous intervenons dans des écoles et universités, et nous soutenons activement le programme VIE (Volontariat International en Entreprise). Nous préparons également le lancement d’un nouveau format de mentorat destiné aux jeunes Français souhaitant s’installer et travailler à Taïwan.

Dernièrement, un jeune étudiant a bénéficié de l’expertise de deux CCE dans le cadre de son mémoire sur les politiques d’attractivité de Taïwan, c’est une manière concrète pour nous de contribuer à l’orientation des futures générations, en partageant notre expérience et en éveillant peut-être des vocations.

Taïwan est un partenaire stratégique dans les grandes transitions industrielles et technologiques. Quels sont, selon vous, les enjeux prioritaires pour renforcer encore davantage la coopération bilatérale ?

Un des grands enjeux, c’est de renforcer les partenariats dans les technologies clés, tout en construisant des chaînes de valeur solides et durables. Mais ça ne suffit pas : la formation, la recherche et les échanges entre universités jouent aussi un rôle essentiel pour créer une coopération qui s’inscrit dans le temps.

Et puis, il est tout aussi important de mieux tirer parti de la complémentarité entre nos écosystèmes : chaque région, chaque secteur a ses propres atouts, que ce soit en compétences, en savoir-faire ou en technologies. L’idée, c’est de mieux les connecter, de ne pas avancer chacun dans son coin. En travaillant ensemble, on peut aller plus vite, être plus innovants, et construire des alliances solides, qui ont du sens.

Choose France – Copyright : Comité CCE Taiwan

Je prends un exemple concret que je connais bien : dans le domaine du photovoltaïque, certaines entreprises taïwanaises sont à la pointe sur les composants et la fabrication, tandis que la France a des expertises reconnues en ingénierie système ou en agrivoltaïsme. Ou encore, la semaine dernière, un parlementaire français de passage à Taiwan disait qu’il n’y aura pas d‘IA sans puces, qu’il est nécessaire de renforcer nos partenariats technologiques dans le hardware pour être leader dans l’IA !

Il a tout à fait raison, et c’est précisément l’enjeu du partenariat annoncé il y a quelques jours, lors de l’événement Choose France, entre le groupe taïwanais Foxconn et les entreprises françaises Thales et Radiall, visant à développer en France un projet industriel dédié à la production de semi-conducteurs. En mettant en commun ces forces, on peut créer des projets plus performants, adaptés aux enjeux locaux, et compétitifs à l’échelle internationale.

En travaillant ensemble, on peut aller plus vite, être plus innovants, et construire des alliances solides, qui ont du sens.

Cédric Jaeg

Enfin, comment voyez-vous l’évolution du rôle des CCE à Taïwan dans les prochaines années ? Souhaitez-vous renforcer certains axes d’action ou créer de nouveaux leviers ?

Je vois un rôle encore plus structuré et structurant, jouer un rôle dans la coordination, l’organisation ou l’élaboration de stratégies et d’actions communes en collaboration étroite avec la Team France à Taiwan. Nous allons également renforcer notre appui aux Entreprises de Français à l’Étranger (EFE), un sujet qui me tient particulièrement à cœur, car j’en suis moi-même un exemple concret, dans le sillage du nouveau label lancé en avril dernier par Laurent Saint-Martin, notre Ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger.

Et pour finir si vous aviez 3 lieux à nous faire découvrir à Taïwan ce serait lesquels ? 

Il est vraiment difficile de faire un choix tant Taïwan, avec sa richesse et sa diversité, regorge de trésors à découvrir.

Mais s’il faut commencer quelque part, je citerais Tainan, ma ville d’adoption. J’ai un attachement tout particulier au vieux quartier, entre le marché aux tissus Tua Tshai Tshi et Shennong Street. J’aime m’y promener, m’arrêter dans de petits bouis-bouis, et profiter de l’atmosphère unique des marchés traditionnels et des vieux temples.

Vient ensuite la région de Kenting, que je visite très régulièrement : la plage de Xiaowan est parfaite pour se baigner ou se détendre au soleil, tandis que les environs de Jialeshuei offrent de superbes conditions pour le canoë et le bodyboard.

Enfin, je ne peux pas ne pas mentionner Guanziling, célèbre pour ses sources chaudes. J’y vais souvent, le temps d’un week-end ou même juste pour une après-midi. Les bains de boue y sont incroyablement relaxants, et j’en ressors toujours rechargé, à la fois apaisé et revigoré.

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À propos de l'auteur

  • Luc

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