Il y a des expressions toutes faites qui, à force d’être répétées, finissent par ne plus rien vouloir dire. “Recette asiatique” en fait partie. On la retrouve partout : sur les réseaux sociaux, dans des émissions culinaires, dans des magazines de grande consommation, sur des blogs “lifestyle” et même sur les sites de cuisine les plus réputés. Dès qu’un plat contient un filet de sauce soja, une cuillère d’huile de sésame ou trois grains de riz, on le colle illico dans la catégorie “asiatique”, comme si l’Asie était une entité culinaire homogène. Cette appellation est non seulement paresseuse, mais elle est aussi réductrice, condescendante, et parfois même involontairement raciste.
Une généralisation paresseuse et aveugle
L’Asie, ce n’est pas un pays. C’est un continent immense, le plus vaste et le plus peuplé au monde, composé de 47 pays reconnus et de centaines de groupes ethniques et de cultures locales, avec des langues, des religions, des histoires et, bien entendu, des gastronomies aussi diverses que raffinées.
Assimiler toute cette richesse à un seul mot, “asiatique”, c’est faire preuve d’une inculture ou d’une indifférence assumée. C’est comme parler d’un “pain européen” pour désigner indistinctement une baguette française, une ciabatta italienne, un pain noir allemand ou une fougasse provençale. Tu vois le non-sens ?
Une simplification lourde de préjugés
Cette généralisation n’est pas neutre. Elle alimente les stéréotypes occidentaux sur une Asie fantasmée, éternellement liée à une idée d’exotisme brumeux, d’ingrédients mystérieux et de saveurs “étranges”. On continue ainsi à enfermer des cultures entières dans des clichés : “le riz, le soja, le gingembre, voilà la base de toute cuisine asiatique”. Vraiment ? Et la cuisine indienne alors, où sont le soja et les fleurs de lotus un curry du Punjab ? Où est le gingembre dans une soupe de miso japonaise ? Où est l’huile de sésame dans les plats traditionnels des tribus Bunun ou Amis de Taïwan ?
Cette vision homogénéisée efface les identités culturelles, au profit d’un marketing de pacotille. Parce que les cuisines indiennes, chinoises, vietnamiennes, mongoles, japonaises, coréennes et toutes les autres sont toutes différentes tant par leur technique, leur ingrédients, leurs épices et leurs héritages !
Une invitation au respect et à la précision
Ce que l’on attend des amoureux de la cuisine, c’est du respect, de la curiosité et de la précision. Tu veux cuisiner un plat inspiré de la street-food thaïlandaise ? Dis-le. Tu proposes une version simplifiée d’un ramen japonais ? Assume-le. Tu rends hommage à un plat familial appris avec une grand-mère taïwanaise ? Raconte cette histoire. Mais, par pitié, cesse de dire “recette asiatique”, comme si cela suffisait à donner une caution d’authenticité à un plat bricolé avec une cuillère de nuoc-mâm et un paquet de vermicelles.
La cuisine est un pont entre les cultures. Elle mérite mieux que des raccourcis douteux ou des étiquettes fourre-tout. Elle mérite qu’on la nomme avec justesse, qu’on la raconte avec soin, qu’on la transmette avec passion. Alors, la prochaine fois que tu entends ou lis “recette asiatique”, pose la question : “Asiatique, d’où exactement ? De quelle région, de quelle culture, de quelle histoire ?”
Parce que les mots ont un sens, surtout quand ils parlent d’un héritage aussi riche que celui des cuisines d’Asie.
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