Lien Heng, père de l’histoire nationale taïwanaise

Lien Heng a écrit la première Histoire générale de Taïwan, posant les bases d’une mémoire taïwanaise résistante.

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À une époque où Taïwan subissait une domination étrangère, Lien Heng (連橫) a affirmé par l’écrit une conscience historique proprement taïwanaise. Poète, journaliste, lexicographe et historien, il est l’auteur de la première Histoire générale de Taïwan (《臺灣通史》), rédigée entre 1908 et 1920. Son œuvre est un geste de résistance intellectuelle qui cherche à préserver la mémoire et la dignité d’un peuple colonisé.

Une jeunesse marquée par la perte et l’humiliation

Lien Heng naît en 1878 à Tainan dans une famille aisée, enrichie par la production de sucre. Il reçoit une éducation classique, mais son destin bascule en 1895 : à la suite du traité de Shimonoseki, Taïwan est cédée au Japon. Son père meurt peu après, exténué d’avoir soutenu financièrement les troupes anti-japonaises. La maison familiale est confisquée par les autorités coloniales, détruite pour construire un tribunal japonais. Ce traumatisme personnel devient un moteur pour son engagement futur.

Adolescent, il lit déjà les anciens ouvrages historiques comme le Taiwan Fu Zhi, et son père lui avait glissé cette phrase prophétique : « Tu es Taïwanais, tu ne peux pas ignorer l’histoire de Taïwan. » C’est cette phrase qui, selon ses propres mots, éveilla en lui une vocation d’historien.

Journaliste, poète et militant culturel

À l’âge de 21 ans, Lien devient rédacteur en chef de la section chinoise du Taipei Daily News. Il écrit aussi des poèmes patriotiques et rejoint plusieurs cercles littéraires comme le Li She (櫟社) et le Nan She (南社), qui rassemblent les intellectuels sinophones de l’époque. En parallèle, il publie des critiques sociales dans les journaux et commence à forger sa réputation de défenseur de la culture chinoise et taïwanaise face à l’assimilation japonaise.

Il milite aussi pour la reconnaissance de la langue taïwanaise, qu’il considère comme un héritage précieux. Dans plusieurs éditoriaux, il fustige les écoles qui interdisent aux enfants de parler taïwanais. Il commence à noter et classer les mots et expressions vernaculaires, dans un projet qui deviendra plus tard Le Dictionnaire de la langue taïwanaise (《臺灣語典》).

L’écriture de Taïwan Tongshi : une mission historique

En 1908, Lien Heng entame un projet immense : écrire une histoire générale de Taïwan sur le modèle du Shiji de Sima Qian. Il y consacre plus de dix ans. L’ouvrage, composé de 36 volumes (divisés en annales, monographies et biographies), retrace l’histoire de l’île de la dynastie Sui (605) à la cession de 1895. Il y intègre également des données géographiques, sociales, économiques, religieuses et littéraires.

Ce livre constitue le premier récit structuré et complet de l’histoire de Taïwan rédigé par un Taïwanais, avec une perspective résolument locale. C’est aussi un acte de résistance. Lien doit renommer un chapitre intitulé Chronique de l’indépendance en Chronique de la transition pour éviter la censure japonaise, mais glisse une note subtile : « ce titre a été changé par nécessité ».

La première édition paraît en 1920 à Taipei, financée par Lien lui-même. Le livre connaît un grand succès dans les milieux lettrés de Taïwan et en Chine, devenant une référence incontournable pour les générations suivantes.

Défendre la langue taïwanaise contre l’oubli

À partir de 1929, Lien Heng s’alarme du déclin rapide du taïwanais. L’administration coloniale favorise le japonais, les écoles punissent les enfants qui parlent leur langue maternelle, et les élites se tournent vers le mandarin ou le japonais pour réussir. Il décide alors de compiler un dictionnaire complet : 《臺灣語典》, qu’il termine en 1933.

Ce travail, qui contient plus de 1 100 mots et expressions, vise à démontrer que la langue taïwanaise a une histoire, une structure, une noblesse. Il affirme que certains mots proviennent du chinois ancien, voire des classiques comme le Zhouli ou le Chuci, et que leur usage à Taïwan est une forme de continuité culturelle.

Dans sa préface, il écrit :

« Je suis Taïwanais, je parle taïwanais, mais je ne sais pas l’écrire. J’en ai honte. Je veux corriger cela. »

Lien Heng

Controverse et exil à Shanghai

En 1931, Lien Heng publie un article intitulé L’opium est bénéfique, dans lequel il défend le système de concession légale de l’opium instauré par les Japonais. Il s’attire alors de vives critiques, est exclu de plusieurs cercles littéraires et rejeté par ses anciens soutiens. L’élite intellectuelle, déjà engagée dans la lutte pour les droits civiques, y voit une trahison.

Marginalisé, il quitte Taïwan en 1933 pour Shanghai, où il finit ses jours. Malgré la maladie, il continue à écrire et à échanger avec ses proches, notamment avec son fils unique, Lien Chen-tung, qu’il pousse à s’engager en politique dans la République de Chine. Dans une lettre poignante, il lui écrit :

« Le jour où Taïwan sera libérée viendra. Tu dois t’y préparer. »

Lien Heng

Un héritage littéraire et politique

Lien Heng meurt à Shanghai en 1936 d’un cancer du foie. Rapatrié à Taïwan et enterré à New Taipei, il laisse un riche héritage littéraire : des centaines de poèmes (réunis dans Le Recueil de la chambre Jianhua), des écrits politiques, et surtout, la conscience d’une identité historique taïwanaise. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des trois grands poètes de l’époque coloniale, avec Lin Chiou-shui et Huang Xiang-chiao.

Son fils deviendra ministre, et son petit-fils, Lien Chan, accèdera au poste de vice-président de la République de Chine. Leur ascension politique illustre la continuité d’un engagement intellectuel et national.

Informations à retenir

  • 📖 Ouvrage majeur : Histoire générale de Taïwan (1920), première synthèse historique locale.
  • 🗣 Langue défendue : le taïwanais, à travers un dictionnaire pionnier.
  • ✍️ Engagement culturel : contre l’assimilation et pour la mémoire collective.
  • 📍 Lieu de mémoire : statue et parc à son nom à Tainan ; tombe à New Taipei.


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À propos de l'auteur

  • Luc

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