Valentin Floquet : « Taïwan a toujours été un endroit que j’avais dans un coin de ma tête »

Rencontre avec Valentin Floquet, animateur de Graine de Business, sur RTI et connaisseur du monde économique et de la tech à Taïwan.
Valentin Floquet - Copyright : Valentin Floquet

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Aujourd’hui Insidetaiwan.net part à la rencontre de Valentin Floquet qui vit en Asie depuis quelques temps déjà et qui a posé ses valises à Taïwan. Après avoir vécu plusieurs vies et cumulé les expériences, le voilà animateur radio pour RTI et il nous parle de business, de tech et de plein d’autres sujets.

Bonjour Valentin, Merci de répondre à nos questions, peux-tu te présenter pour nos internautes ? 

Bonjour les lecteurs d’Inside Taïwan, je m’appelle Valentin Floquet et je travaille à plein temps dans le service francophone de Radio Taiwan International depuis juin 2019. J’anime notamment l’émission Graine de Business dédiée à l’entrepreneuriat à Taïwan et particulièrement le monde des startups.

Depuis combien de temps vis tu en Asie et quels sont les pays dans lesquels tu as séjourné ? 

Je vis en Asie depuis février 2009, je suis arrivé grâce à une bourse d’étude de six mois à l’université normale de Changsha, obtenue lors d’un concours télévisé de langue chinoise (Chinese Bridge ou Hanyuqiao) dans lequel j’ai remporté le prix de la meilleure performance sur scène.

J’ai ensuite essayé de directement trouver du travail. Je suis passé par des missions temporaires, notamment comme professeur de français à Changsha, mais aussi en tant que professeur particulier de français dans la ville de Chaozhou dans le comté de Pingtung. Quelques mois après, j’ai été recruté par une usine de sacs techniques dans la ville de Guangzhou dirigée par un Français en tant que coordinateur de production, j’y ai appris les bases du fonctionnement d’une usine et surtout comment analyser et étudier les processus de fabrication.

Ce travail d’analyse, m’a permis ensuite d’être embauché dans un bureau d’import export en 2011 à Hong Kong, également dirigé par deux Français. Le bureau recherchait à l’époque une personne capable de travailler en Chine et ayant une expérience dans la production. Pour faire court, car les expériences ont été nombreuses durant mes sept années dans cette société, j’ai eu plusieurs casquettes dans cette société allant d’inspecteur et auditeur d’usine, en passant par le contrôle des certifications et marquages et responsable sourcing pour les produits électroniques et en terminant par être directeur des supports de communication et d’un service de produits promotionnels. J’ai ensuite quitté l’entreprise pour déménager à Taipei.

Peux-tu nous dire rapidement quels sont les différences que tu as pu noter entre ces pays ? 

Il est difficile de répondre à cette question. Il faut dire que la situation géopolitique et sociale a beaucoup évolué dans la région ces dix derniers années. Cela a également influé ma relation et ma vision de chaque endroit. Comparer la Chine d’il y a dix ans avec le Taïwan d’aujourd’hui me semble compliqué. Pour moi la réponse à cette question est complexe car ce sont des cultures si similaires et différentes à la fois.

Si je devais juste choisir une grande différence entre la Chine, Hong Kong et Taïwan, je dirais que la Chine a les caractéristiques d’un grand pays, Hong Kong a celles d’un hub financier et Taïwan a tout d’un pays insulaire. Après comme je l’ai expliqué, cela demande de beaucoup détailler pour saisir les différences culturelles et sociales de chaque endroit. Rien qu’en Chine, les différences entre Changsha, Canton et Qingdao sont équivalentes culturellement à des différences entre des pays d’Europe de l’est et d’Europe de l’ouest.

Je dirais que la Chine a les caractéristiques d’un grand pays, Hong Kong a celles d’un hub financier et Taïwan a tout d’un pays insulaire

Valentin Floquet

Après, en tant qu’étranger, je dirais que les opportunités en Chine et à Hong Kong d’avoir des postes à responsabilité sont sans commune mesure avec Taïwan. Ces postes concernent surtout des domaines bien plus vastes qu’à Taïwan.

Tu vis à Taïwan qu’est-ce qui te plaît ici ? 

J’ai connu Taïwan très tôt, Kaohsiung a été ma première impression de l’Asie en 2005. J’étais alors étudiant en chinois à Paris 7 et était venu rejoindre ma compagne taïwanaise de l’époque pour les vacances d’été. La bienveillance des Taïwanais, le scooter, la vie pratique et bien sûr, le fait d’être en vacances m’ont fait tomber amoureux de l’endroit. Depuis, Taïwan a toujours été un endroit que j’avais dans un coin de ma tête, mais qui s’était un peu éloigné en raison du peu d’opportunités professionnelles qui se présentaient à moi ici.

La bienveillance des Taïwanais, le scooter, la vie pratique et bien sûr, le fait d’être en vacances m’ont fait tomber amoureux de l’endroit

Valentin Floquet

Tu travailles pour RTI… Peux-tu nous présenter le média ? 

Radio Taiwan International est une radio publique qui diffuse des contenus en langues étrangères depuis très longtemps. Pour la langue française, le début des diffusions régulières remonte au premier décembre 1951. Au niveau fonctionnement, la Radio est une fondation financée par le ministère taïwanais de la Culture.

La particularité du média est d’être le plus prolifique sur Taïwan en langue française. Nous combinons sept articles d’actualité du lundi au vendredi, un sujet d’actualité ou culturel à la loupe à travers notre rubrique « décryptage » et deux émissions thématiques. Cela représente quotidiennement 45 minutes en moyenne de contenu qui parle de Taïwan, de sa culture, de son économie, de sa société et d’encore bien d’autres domaines.

En plus de cela, nous faisons également des contenus vidéos principalement partagés sur notre compte YouTube, à raison de quatre vidéos d’actualité par semaine. Nous faisons également des formats vidéos plus travaillés avec environ quatre à cinq reportages par an. Ces reportages portent principalement sur différent artisanats, personnellement par exemple, j’ai présenté la fabrication d’un tambour traditionnel et comment se déroule une consultation en médecine chinoise.

Taichung vit au rythme de la Classique mondiale de baseball 2023 – RTI Français

Tu parles de Tech et de Business pour RTI, quelle est ton approche de ces domaines ? 

Pour être honnête, j’étais plus orienté économie et finance à la base pour avoir évolué dans ces mondes avant. La tech s’est un peu imposée à moi car elle occupe 70 à 80 % des sujets d’économie et de finance. Après, à RTI nous devons être polyvalents et je fais aussi des sujets culturels ou politiques.

Ensuite, même dans la tech, il y a des domaines que je privilégie et que je comprends mieux. Et mes choix se font en fonction de mes propres affinités, si dois limiter en trois domaines, je dirais que ce dont je préfère parler est les véhicules électriques, les semi-conducteurs et les réseaux sociaux. Dans mon émission, les domaines sont beaucoup plus larges car cela dépendra de l’entrepreneur que je rencontre.

Valentin Floquet – Copyright : Valentin Floquet

D’ailleurs, sur cette émission, j’ai choisit l’entrepreneuriat à Taïwan car j’étais moi-même entrepreneur quand je suis arrivé en 2018. J’avais une société de consultant pour la fabrication d’équipements pour les parcs à trampolines et plus largement salles de Parkour et d’acrobatie. Avec le Covid je n’ai pas pu maintenir cette activité.

L’Asie est le royaume de la Tech comment sélectionnes tu les sujets dont tu parles ? 

Je vais d’abord choisir des sujets en langue chinoise, souvent moins accessibles à nos auditeurs ou aux personnes qui s’intéressent à la technologie. Je dois préciser que je n’ai pas de formation spécifique en technologie, donc j’essaie d’abord de trouver des articles qui ont un lien économique. J’aime aussi parler de la partie humaine, de l’histoire qui se cache derrière l’aventure entrepreneuriale, plutôt que de vraiment me concentrer sur les aspects techniques.

Une des raisons est qu’il existe une émission déjà très intéressante sur l’innovation qui s’appelle Taïwan en ébul’action et qui traite beaucoup de l’aspect scientifique. Donc, pour offrir un contenu aussi varié que possible à nos auditeurs, j’ai voulu utiliser un angle plus orienté sur la personne et les mécanismes de création de société derrière l’invention que l’invention en elle-même.

François-Xavier Boulay – Taiwan en ébul’action

Peux-tu nous faire un rapide état des lieux de la Tech à Taïwan ? 

C’est encore une fois difficile de répondre, personnellement je sépare grossièrement la Tech en deux catégories principales : les gros groupes industriels technologiques tels que Hon Hai, TSMC, Asustek ou encore HTC, pour ne parler que des plus connus, et les startups florissantes. Autant pour ces gros groupes industriels, qui correspondent très bien à l’entrepreneuriat des années 70-80, la portée internationale s’est notamment faite à travers l’installation de sites de production, autant pour les startups elles ont du mal à avoir une portée internationale de manière aussi globale que leurs ainées. Certaines entreprises de services y parviennent mais elles restent rares.

Donc il est vrai que Taïwan est face à un problème de manque de diversité dans son innovation et que la plupart des problèmes traités à travers les startups que j’observe, restent souvent des problèmes qui sont spécifiques à Taïwan ou, pour certaines startups, aux problèmes rencontrés régionalement. Et ce problème ne me semble pas trop poussé à être comblé par le gouvernement.

Quels sont les domaines dans lesquels le gouvernement taïwanais investi ?

C’est mon opinion personnelle, mais je trouve que le gouvernement taïwanais investit trop dans ses valeurs sûres : les semi-conducteurs, les machines outils, la biotech, la martech ou encore les lasers de haute précision. Ces domaines ont tous en commun d’avoir déjà des entreprises qui ont fait leur preuve dans leur domaine. Plus récemment, en raison d’un besoin personnel, Taïwan investit beaucoup dans l’aéronautique, l’aérospatial et la cybersécurité.

Si vous vous penchez sur les partenariats internationaux, les discours des membres du gouvernement et les contrats signés, restent également dans les mêmes domaines. Et donc pour moi, cela montre un certain manque de prise de risque de la part du gouvernement. Mais c’est un ressenti à partir de ma lecture et de mon niveau de connaissance du milieu de l’investissement pour les sociétés à Taïwan.

Existe il, à ta connaissance des Programmes accessibles aux entreprises étrangères ?

Cela dépend ce qu’on appelle programmes, par exemple si on parle des accélérateurs, la plupart d’entre eux sont ouverts aux entreprises étrangères à Taïwan. De plus, ces dernières années plusieurs gros accélérateurs internationaux se sont implantés sur l’île, que ce soit startup 500, Sparklabs, MOX ou encore Appworks pour ne citer que les plus gros.

Il y a ensuite aussi beaucoup de compétitions de startups à Taïwan avec beaucoup de domaines différents, je pense notamment à cette compétition destinée uniquement aux entrepreneurs étrangers à Taïwan qui s’appelle la Dragon’s Chamber et qui accueille autant les entrepreneurs étrangers dans la tech que ceux dans des domaines plus précis. Dans l’idée, il y a aussi le Hype GVA organisé par l’IAPS, et qui est une compétition destinée aux innovations dans le sport ou encore la compétition organisée par Foodland ventures concernant des projets à l’innovation dans l’agriculture et l’alimentaire.

Il y a un grand nombre d’accélérateurs, et si vous cherchez un endroit structuré pour implanté votre premier bureau en Asie en tant que startup, Taïwan peut vraiment être une solution, surtout si vous savez bien vous entourer et créer votre réseau avec les institutions taïwanaises vous aurez également accès à de très bons réseaux au Japon et en Asie du Sud-est.

J’en profite pour rappeler que le centre d’innovation et d’incubation de la Taiwan National Normal University organise actuellement une foire à l’emploi pour les jeunes diplômés jusqu’à fin avril.

Est-ce que la Tech à Taïwan est structurée comme peut l’être la french tech en France ? 

Je n’ai jamais vraiment fait la comparaison. La French Tech reste quelque chose de très particulier. C’est le label d’une association d’entrepreneurs français, un réseau qui a pour mission notamment de faire rayonner la tech française à l’étranger et de permettre aux entrepreneurs français de se retrouver sous une étiquette. Taïwan n’a rien d’équivalent.

Selon toi quelles sont les opportunités d’investissements dans la Tech à Taïwan ?

Je conseillerais plutôt de se rapprocher de société de business angels locales ou spécialisées dans l’investissement en capital risque si vous voulez investir sur le marché taïwanais de l’entrepreneuriat. Je m’intéresse à ce domaine que depuis peu pour être honnête.

Peux-tu nous citer 3 start’up qui ont retenu ton attention ?

Je vais être un peu chauvin, mais Unabiz reste une société au parcours incroyable. Cette société singapourienne et taïwanaise à la fois, est devenue incontournable dans le paysage des startups à Taïwan avec son service de développement d’objets connectés en masse. Depuis elle a même racheté Sigfox qui était une startup française spécialisée dans les réseaux 0G.

UnaConnect, the Tech-Agnostic Middleware Data Management Platform – UnaBiz IoT

Ensuite, en société purement taïwanaise, je ne peux pas ignorer Gogoro, même si la société n’est déjà plus au rang de startup mais de licorne. Gogoro est cette société qui a créé tout un système à Taïwan pour le développement du scooter électrique. Que ce soit au niveau technique ou des infrastructures, la société force le respect.

Gogoro Delight|由她用心設計|Gogoro Taiwan

Pour terminer, je vais parler d’une startup un peu plus niche puisqu’il s’agit de Thundercore. Si vous vivez dans le monde de la crypto vous avez peut-être déjà entendu parlé de Thundercore puisque c’est une société qui a inventé un système de transfert de crypto ultrarapide qui est un service qui pourrait contribuer à la démocratisation des cryptomonnaies.

ThunderGene – The most efficient way to enter Web3 – Thundercore

Et enfin peux-tu nous citer 3 lieux à Taïwan où nous avons des chances de te croiser ? 

Je vis à Luzhou donc ce sera là où vous me verrez le plus. Cependant, j’ai commencé à faire du streaming IRL sur Twitch depuis janvier, et comme je stream en soirée quatre fois par semaine, il est très probable de me voir me ballader avec mon téléphone dans les marchés de nuit de Taipei et des alentours.

En dernier, ce sera la salle de tricks, j’y suis normalement tous les vendredis. C’est une salle unique à Taipei, où on peut pratiquer les acrobaties et la danse urbaine qui s’appelle Flying Space.

Retrouvez et suivez Valentin sur son compte Twitter.

Si vous souhaitez découvrir d’autres interviews d’expatriés n’hésitez pas à consulter notre article sur Julien, expatrié à Taïwan depuis 9 ans.

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À propos de l'auteur

  • Luc

    Fondateur du webzine francophone Insidetaiwan.net Consultant en développement international 🚀des entreprises en Asie du Sud-Est #Taiwan #Tourisme #Société #Culture #Business #Histoire #Foodie

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