Début août 2025, une descente de police dans une boîte de nuit de Tainan a conduit à l’arrestation de 107 travailleurs migrants, pour la plupart originaires du Vietnam. Parmi eux, 11 avaient quitté illégalement leur emploi déclaré, un statut qui expose les migrants à une expulsion immédiate. Les participants à cette fête étaient majoritairement de jeunes adultes dans la vingtaine et la trentaine.
Mais ce qui a surtout marqué les esprits, ce sont les saisies effectuées par la police : près de 900 grammes de kétamine répartis dans plus de 300 sachets, ainsi qu’une somme en liquide de 380 000 NT$. Le lieu était dirigé par un certain M. Huang, accusé d’organiser des soirées clandestines où circulaient drogues et alcool, à destination des communautés migrantes vietnamiennes.
Un phénomène récurrent de surveillance policière
Cette affaire n’est pas isolée. Quelques jours auparavant, la police avait interpellé une travailleuse migrante vietnamienne de 31 ans directement sur le campus de l’Université nationale de Taïwan (NTU). L’opération avait choqué par sa visibilité et soulevé des interrogations sur le ciblage accru des migrants.
Les descentes dans des soirées communautaires ne sont pas nouvelles. En 2021, en pleine pandémie de COVID-19, les autorités avaient fait irruption dans une fête réunissant 102 travailleurs migrants dans un restaurant vietnamien de Taoyuan. Les participants avaient alors été sanctionnés pour non-respect des restrictions sanitaires (rassemblements limités à 80 personnes en intérieur), avec des amendes allant de 60 000 à 300 000 NT$. Des montants colossaux, difficilement supportables pour des migrants qui perçoivent en moyenne 20 000 NT$ par mois.
Entre marginalisation sociale et stigmatisation raciale
Ces arrestations révèlent une réalité plus large : les travailleurs migrants, employés dans des secteurs considérés comme « 3D » (dirty, dangerous, demeaning – sales, dangereux, dégradants), subissent une double peine. À leurs conditions de travail éprouvantes s’ajoute une surveillance policière renforcée, particulièrement marquée depuis la pandémie.
En 2021, le gouvernement du comté de Miaoli avait déjà instauré des restrictions de circulation visant uniquement les travailleurs migrants, considérés à tort comme des vecteurs privilégiés de contamination. Cette mesure avait été dénoncée comme discriminatoire et révélatrice de préjugés profondément ancrés.
Drogues et travailleurs migrants : une lecture biaisée
Plutôt que de réfléchir aux causes structurelles qui poussent certains travailleurs migrants vers la consommation de stupéfiants – fatigue extrême, isolement social, salaires bas – le discours dominant reste centré sur la répression et la stigmatisation. Dans l’opinion publique taïwanaise, l’usage de drogues est rarement perçu sous l’angle de la réinsertion ou de l’aide médicale, mais bien comme un motif de condamnation sociale.
Ce croisement entre racisme et préjugés antidrogue aggrave la vulnérabilité des migrants. L’affaire rappelle d’ailleurs la tragédie de Nguyen Quoc Phi, un travailleur vietnamien tué par la police en 2017 après avoir été soupçonné de consommation de drogues. Touché par neuf balles et laissé sans secours, son décès avait été justifié par certains comme une « conséquence logique » de son comportement, preuve d’une perception profondément biaisée.
À retenir 🚨
- 👮 107 travailleurs migrants vietnamiens arrêtés à Tainan, dont 11 en situation irrégulière.
- 💊 900 g de kétamine et 380 000 NT$ saisis, organisateur identifié comme M. Huang.
- 🦠 Des précédents existent : descentes pendant la pandémie et restrictions discriminatoires à Miaoli.
- ⚖️ Les migrants subissent une double stigmatisation : travailleurs « 3D » et usagers potentiels de drogues.
- 🔫 L’affaire rappelle la mort de Nguyen Quoc Phi en 2017, symbole des tensions entre police et migrants.
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