La bataille de Changhsing (26 novembre 1895), plus connue à Taïwan sous le nom de bataille du village brûlé, fut la dernière bataille rangée de l’invasion japonaise de Taïwan. Elle a été menée par la milice Hakka et des civils armés contre l’armée impériale japonaise dans le village de Changhsing (長興村). La bataille doit son nom au fait que le village entier a été réduit en cendres par les Japonais lorsqu’ils ont tenté de le reprendre aux Formosans.
Contexte historique
Après la signature du traité de Shimonoseki et la création de la République de Formose, Chiu Feng-yang, un dirigeant Hakka de Pingtung, a appelé ses partisans à former les milices Liutui Hakka. Les milices étaient organisées en six unités, en fonction des villages où elles avaient été recrutées, d’où le nom de Liutui (mandarin : 六堆 ; litt. « six piles »). Les milices ont affronté les Japonais pour la première fois à Chiatung, où elles ont été vaincues en raison de leur manque d’entraînement et d’armement.
Lorsque les milices se regroupent plus au sud, la République de Formose s’est effondrée à la suite de la fuite du président Liu Yongfu vers la Chine continentale le 20 octobre 1895 et de la capitulation de Tainan devant les Japonais le 21 octobre. Ne voyant aucun espoir de rivaliser avec les Japonais dans un combat à découvert autour de Tainan, Chiu ordonne une retraite vers le village de Changhsing, à Pingtung, où il prévoit de faire une dernière résistance.
Les forces de Chiu luttent seules contre les Japonais. Les Hakkas des plaines du sud étaient depuis longtemps en conflit avec les Pepohoans (les aborigènes taïwanais qui possédaient à l’origine les terres sur lesquelles les immigrants chinois s’étaient installés).Et même s’ils se tenaient à l’écart de la lutte armée directe, ils favorisèrent activement les Japonais.
Déroulement de la bataille
Peu après leur arrivée, les milices fortifient le village et y amènent des provisions. Lorsque les Japonais arrivent, ils constatent qu’un mur de pierre et d’autres positions défensives ont été construites autour de Changhsing et que la quasi-totalité de la population du village est armée, pour la plupart avec des armes primitives (machettes, fourches…). Les Japonais tentent de prendre le village d’assaut, mais sont repoussés à plusieurs reprises par les Formosans.
À l’époque, les villages hakka de Taïwan étaient souvent dotés de fortifications élaborées, en partie à cause de la menace permanente de raids par des aborigènes chasseurs de têtes. Un village pouvait être entouré de fossés et d’une palissade en bois, voire d’un mur en bois avec des tours et des meurtrières, qu’il était difficile de prendre d’assaut sans artillerie.
Après des heures de combats acharnés sans grand résultat, le commandant japonais a recours à un bombardement massif pour incendier le village. Et il réussit à incendier complètement le village. Les défenses sont brisées et de violents combats au corps à corps s’ensuivent. À la fin, plus de la moitié des défenseurs, y compris leur chef, ont été tués ou mis hors d’état de nuire, et le village a été réduit en cendres par l’incendie.
Suites et conséquences de la bataille de Changhsing
La bataille a officiellement mis fin à toute résistance formelle à l’invasion japonaise, mais une insurrection sporadique s’est poursuivie pendant plusieurs années, qui n’a pris fin que lorsque le gouverneur général japonais a adopté une politique plus souple à l’égard de la population locale. D’autre part, par respect pour les défenseurs, le commandant japonais a personnellement rendu hommage aux morts formosans. En 1901, le gouverneur général Kodama Gentaro rendit également hommage à la maison de Chung-Yi, ou « Maison des justes et des loyaux » (mandarin : 忠義亭), et ordonna l’organisation d’une commémoration annuelle.
Plusieurs décennies après la bataille, Yu Youren, alors président du Yuan de Contrôle de la République de Chine, s’est rendu sur le site de la bataille et a écrit un poème faisant l’éloge de la résistance formosane :
Un monument a été inauguré en 1995 à la mémoire des Formosans tombés lors de cette bataille. Cette bataille a été décrite par James W. Davidson dans on livre The Island of Formosa, past and present.
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