Depuis l’été 2023, Matthieu Branders dirige le Bureau belge de Taipei. Juriste de formation, fort de plusieurs affectations en Asie et au Moyen-Orient, il nous livre ici son regard sur son expérience à Taïwan. Il évoque la richesse des relations belgo-taïwanaises, la diversité des échanges culturels, universitaires et économiques, tout en soulignant les enjeux diplomatiques dans un contexte délicat. Au fil de l’entretien, se dessine le portrait d’un diplomate accessible, engagé et curieux.
Bonjour, et merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Pouvez-vous, vous présenter pour nos lecteurs ?
Je m’appelle Matthieu Branders et je suis à Taipei avec mon épouse et nos quatre enfants depuis l’été 2023, où je dirige la représentation belge.

Est-ce que Taipei est votre premier poste en Asie ?
Mes deux premières affectations étaient Singapour et Tokyo. J’avais travaillé aussi auparavant dans un cabinet d’avocats à Jakarta et étudié pendant un an le Mandarin à l’Université des Langues et de la Culture de Pékin. Cela dit, j’ai passé aussi quelques années comme consultant juridique aux Emirats Arabes Unis ainsi qu’en Arabie Saoudite et j’étais Consul général à Sao Paulo (Brésil) juste avant d’être envoyé à Taipei. Chacune des expériences dans la région a été passionnante et très enrichissante, et ça a forcément beaucoup facilité notre installation à Taïwan.
Quelles sont vos impressions, jusqu’à maintenant sur l’île ?
Nous étions venus ici en vacance depuis Tokyo en 2012, et c’était depuis “sur notre liste”. Je me souviens d’être tombé à l’époque sous le charme des temples baroques, d’ explosions de pétards dans les marchés de nuit ou encore des paysages incroyables à flanc de montagne le long de la côte Est. On a retrouvé cette culture populaire très riche et une superbe nature, en plus d’une infrastructure publique et d’un environnement de vie qui offrent une très grande liberté à nos enfants.
En quittant Sao Paulo, je craignais que l’expressivité brésilienne me manque mais j’ai pu rapidement apprécier que les rapports humains n’étaient pas moins chaleureux ici. C’est également très enrichissant et prenant d’un point de vue professionnel, où on aborde quotidiennement des questions politiques, économiques ou scientifiques qui sont au cœur des enjeux actuels.


Vous êtes l’actuel Directeur du Bureau Belge de Taipei, quel est le rôle de ce bureau ?
C’est une petite representation, d’à peine 10 personnes, avec un rôle très varié.
Il y a d’abord les services à la population belge et aux taiwanais qui veulent étudier ou travailler en Belgique. On remplit ensuite tout ce qu’on peut ramener à la promotion et à la défense de nos intérêts et de nos valeurs. Cela nous amène à agir dans les domaines les plus divers, de la culture à l’économie en passant par les droits de l’homme, mais toujours dans le respect de notre “politique d’une seule Chine” qui entraine l’absence de relations diplomatiques formelles. Le “rapportage” sur les évolutions à Taiwan et à travers le Détroit occupe bien sûr aussi une bonne partie de notre temps.

Comme la Belgique est un pays fédéral dont les différentes composantes peuvent exercer à l’étranger leurs compétences internes, le Bureau belge accueille aussi en son sein une équipe des agences commerciales de la région Flamande (FIT) et de la région Wallonne (AWEX). Elles travaillent de manière indépendante pour tout ce qui touche à la promotion des exportations et à l’attraction des investissements. Ce sont des domaines où les régions belges disposent de l’essentiel des compétences, mais avec une coordination étroite là où le Fédéral conserve des attributions ou peut apporter une plus-value.
L’équipe de l’AWEX prend aussi beaucoup d’initiatives pour soutenir l’action internationale de la Communauté française de Belgique (« Wallonie Bruxelles International » ou WBI) dans le domaine de l’éducation et de la culture, souvent en collaboration avec le niveau fédéral comme dans le cadre de la Francophonie dont l’un comme l’autre sont des membres. On essaie de créer ensemble des plus-values, comme lorsque nous avons demandé en fin d’année dernière à l’illustrateur belge Dimitri Piot, qui avait été invité avec le soutien de WBI, de dessiner notre carte de vœu pour l’année du serpent.
Et le vôtre au quotidien ?
J’ai un rôle de supervision et de coordination en interne, et de représentation en externe. Comme on est une petite équipe, je mets aussi la main à la pâte et je m’occupe d’un peu de tout ! Notre taille nous permet à la fois de ne pas être englué dans notre simple gestion au jour-le-jour sans non plus générer nos propres blocages administratifs. Cela permet de rester très souple et accessible.
Comme on est une petite équipe, je mets aussi la main à la pâte et je m’occupe d’un peu de tout !
Matthieu Branders

Combien de Belges sont présents à Taïwan ?
La taille de la communauté est assez stable, il y a environ 600 belges qui sont enregistrés auprès du Bureau. La plus grande partie d’entre eux vivent dans la région de Taipei et sont installés de relativement longue date.
Comment se porte la coopération économique entre la Belgique et Taiwan ?
Du point de vue commercial, ni Taiwan pour la Belgique ni la Belgique pour Taiwan ne sont des marchés très importants du fait de leur taille respective et de leur éloignement. On se débrouille tout de même pas mal. La Belgique est le 5ème partenaire commercial de Taiwan parmi les pays de l’Union Européenne. Les exportations comme les importations ont pratiquement doublé au cours des 5 dernières années. La Belgique est aussi l’une des seules économies européennes à bénéficier d’un (très léger) excédent dans nos échanges. Les échanges de service sont également très dynamiques.

On travaille aussi beaucoup sur l’attraction des investissements taiwanais en Belgique, qui bénéficie de très nombreux atouts du fait notamment de sa localisation au centre de l’Europe, de son multilinguisme ou encore d’écosystèmes dynamiques dans des secteurs très variés.
Existe-il des secteurs clés particulièrement dynamiques ?
Oui, il y en a toute une série. On peut certainement mentionner l’éolien offshore, où nos entreprises ont eu un rôle de pionnier dans le développement des énergies renouvelables à Taiwan et continuent à être des acteurs clefs grâce à leur expertise. Il y a également beaucoup d’échanges dans le domaine des sciences de la vie, en particulier les produits pharmaceutiques, où la Belgique est dans le top européen. Le site de GSK juste en dehors de Bruxelles est par exemple le plus important site de production de vaccins au monde, et cela constitue une part importante de nos exportations vers Taiwan.
Existe-t-il des partenariats scientifiques ou technologiques notables entre universités ou entreprises belges et taïwanaises ?
Le pôle de partenariat le plus important est certainement celui qui gravite autour d’iMec. Basé à Leuven, c’est en quelque sorte le TSMC de la recherche dans le domaine des semiconducteurs. C’est le plus important au monde et sa présence en Belgique entraine énormément d’échanges aussi bien au niveau des entreprises que de la recherche. Il y a cependant beaucoup d’autres choses qui se passent, et à travers l’ensemble du pays, via notamment des accords-cadres comme celui entre le Conseil National pour la Science et la Technologie et ses homologues en Belgique dont on célèbre aujourd’hui le 40ème anniversaire.

Quelles sont les principales coopérations culturelles entre la Belgique et Taïwan ?
Il n’y a pas vraiment de coopération culturelle structurelle, mais il y a beaucoup de choses qui se passent. Mon collègue Philippe Tzou, qui dirige l’agence économique et commerciale wallonne (AWEX) à Taipei, est très impliqué aussi dans la promotion culturelle. Il s’assure notamment chaque année d’une importante participation d’auteurs et d’éditeurs au Salon International du Livre de Taipei et a réussi à monter un “coin belge” dans les bibliothèques de Taoyuan et de Taichung.

En dehors de cela, la qualité de notre production culturelle fait qu’il y a régulièrement des artistes belges qui se produisent à Taiwan. Il y a par exemple une très belle exposition en cours au musée Chimei à Tainan sur la peinture flamande. En Novembre, le lauréat du Concours Reine Elisabeth (de Belgique!) donnera un concert au National Concert Hall. Il y a avait un duo d’artistes belges sélectionné pour l’ouverture du nouveau musée d’art contemporain à Taoyuan et ce sera à nouveau le cas pour celui qui ouvrira ses portes à Taichung en fin d’année.

Comment évolue la mobilité étudiante entre la Belgique et Taïwan ?
Environ 300 étudiants taiwanais se rendent chaque année en Belgique, dont une bonne partie dans le domaine de l’ingénierie électrique et des semiconducteurs. Le nombre dans l’autre sens est assez similaire. Beaucoup viennent pour la langue, mais j’ai rencontré récemment par hasard un jeune belge qui venait travailler sur sa thèse en physique théorique… Il y a aujourd’hui plus d’une centaine d’accords d’échanges d’étudiants entre les universités belges et les universités taiwanaises, certains plus actifs que d’autres mais cela entraîne une grande diversité d’échanges.
Notez vous une différence notable entre la représentation wallonne et flamande à Taïwan ?
Et celle Bruxelloise ou Germanophone alors ? 🙂 C’est assez difficile à jauger parce que ce n’est pas un élément que nous recensons lors de l’enregistrement. Je n’y fais en fait personnellement pas vraiment attention. Ma mère est originaire de la région flamande, mon père de la région wallonne et nous habitons à Bruxelles quand nous sommes en Belgique. Dans le travail, on est censé s’adresser dans la langue du choix de nos interlocuteurs et donc on alterne tout au long de la journée de manière assez naturelle.
Ma mère est originaire de la région flamande, mon père de la région wallonne et nous habitons à Bruxelles quand nous sommes en Belgique.
Matthieu Branders


Quelle est la place de la francophonie dans les échanges culturels et universitaires belges à Taïwan ?
Il est assez limité. En dehors des échanges proprement linguistiques, au niveau des étudiants ou des assistants de langue, ce n’est pas vraiment un axe structurant des échanges. On essaie cependant, en collaboration avec les différentes représentations de pays francophones à Taipei, de toucher de nouveaux publics et de sensibiliser davantage sur les particularités et les richesses de la Francophonie.
Le français est-il perçu comme un atout par les Taïwanais intéressés par la Belgique ?
Le multilinguisme est certainement un des attraits de la Belgique. Au-delà de la langue, c’est aussi un lieu de rencontre des cultures latines et germaniques qui lui donne une richesse incroyable.
Selon vous, quelles sont les similitudes culturelles ou sociétales entre Taïwan et la Belgique ?
Je ne pense pas qu’il y en ai beaucoup, mais ça n’empêche pas qu’on se comprenne et qu’on s’apprécie. Les deux sont des économies très ouvertes et dépendantes au commerce international – située au centre de l’Europe pour la Belgique ou le long d’une des plus importantes artères de navigation commerciale au monde pour Taiwan. Quand les Hollandais et les Espagnols sont arrivés à Taiwan il y a 400 ans, la Belgique actuelle faisait partie des « Pays-bas Espagnols » – dont Bruxelles était la capitale – donc on a aussi en fait une longue histoire d’échanges.

Comment les Belges perçoivent-ils Taïwan aujourd’hui, en dehors des relations économiques ?
La plupart en connaissent malheureusement surtout ce qu’ils en entendent dans la presse, dans le cadre des tensions entre les deux rives du Détroit, ainsi que pour son rôle crucial dans l’industrie des semiconducteurs.
Existe-il une méconnaissance à combler de part et d’autre ?
Rien qui me semble existentiel. Je pense qu’on a des sociétés très ouvertes de part et d’autre, curieuse de découvrir et de s’enrichir mutuellement.

Que souhaiteriez ou pourriez vous faire faire pour renforcer les liens entre Taïwan et la Belgique ?
Ce serait fantastique s’il pouvait à nouveau y avoir une liaison aérienne directe. Et une nouvelle édition de TomorrowLand, qui a fait un event à Kaoshiung il y a quelques années.
Quels sont les grands projets ou priorités du Bureau belge de Taipei pour les années à venir ?
On travaille sur plein de dossiers techniques différents. En dehors de cela, je serai assez content si je pouvais contribuer à créer plus de synergies avec la communauté belge à Taiwan, de la mettre davantage à profit de l’image de la Belgique sur l’île. On a lancé par exemple l’année dernière la première édition du « Belgium-Taiwan Business Award », qui participe de cette idée en plus de faire mieux connaitre la Belgique comme pays d’innovation.

Enfin avez vous 3 lieux à nous recommander à Taïwan ?
Alishan ou Lalashan, où on peut faire de magnifiques balades au milieu des cyprès géants qu’on ne retrouve qu’à Taiwan, aux Etats-Unis et au Japon ; Une soirée au bord des quais réaménagés de Kaohsiung ; Jiufen, avec lequel il y a des liens historiques forts avec la Belgique, et ses environs.
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