Philippe Tzou de l’agence Wallonne des Exportations et des Investissements : « Taiwan est un marché unique au monde »

Nous avons eu la chance d’échanger avec Philippe Tzou, conseiller économique et commercial à l’agence Wallonne des Exportations et des investissements étrangers à Taipei. Une occasion unique d’aborder les opportunités d’affaires entre la Wallonie et Taiwan, ainsi que les défis auxquels les entreprises sont confrontées lorsqu’elles font des affaires dans ces deux régions.

Découvrez les conseils aux entrepreneurs que Philippe nous partage également pour pleinement exploiter les opportunités d’affaires entre ces deux marchés.

Bonjour Philippe. Pouvez-vous, vous présenter brièvement et nous parler de votre parcours professionnel ? 

Je suis conseiller économique et commercial à l’Agence Wallonne des Exportations et des investissements étrangers au sein du Bureau Belge de Taipei. J’ai travaillé auparavant pour une scale-up franco-taiwanaise UnaBiz et le bureau de Business France Taipei (responsable d’une trentaine de secteurs), mais aussi 8 ans en Chine (interprète, assistant production de spectacle, trading et sourcing dans le textile) et 5 ans à Bruxelles dans des ONG européennes.

Qu’est-ce qui vous a motivé à assumer ce rôle de Conseiller économique et commercial pour la Wallonie et Bruxelles à Taipei ?

C’est un travail passionnant qui nous fait côtoyer des exportateurs en Belgique d’une grande diversité de secteurs, que ce soit pour des chocolats, de la bière et des biscuits que pour des équipements médicaux d’hôpitaux, des logiciels exploitant l’IA, des biens de consommation grand public. Idem pour les entreprises taiwanaises que nous démarchons pour les intéresser à investir dans notre région wallonne. Mon rôle est en fait d’abord d’accroître la visibilité de la Belgique à Taiwan (auprès des investisseurs) et de Taiwan en Belgique (auprès des exportateurs).

C’est tout d’abord une mission de communication et de branding, avant de travailler concrètement dans le soutien des échanges commerciaux.

Pouvez-vous nous donner un aperçu du nouvel accord de partenariat qui a été récemment signé entre la Wallonie et Taiwan ?

Il s’agit d’un accord de coopération très axé sur l’innovation : l’accélérateur public wallon WSL (déclaré parmi les 10 meilleurs accélérateur deep-tech du monde en 2016) a signé un partenariat avec le Center for Industrial Acceleration and Patent Strategy de la National Yangming Chiaotung University (IAPS-NYCU), un des rares accélérateurs universitaires à Taiwan avec une proximité étroite avec l’industrie de l’électronique (entre autres).

Cet accord vise à promouvoir mutuellement Taiwan comme destination et marché-tremplin en Asie pour les entreprises wallonnes, et la Région Wallonne de la Belgique comme tremplin incontournable pour atteindre les marchés européens.

Comment cet accord pourrait-il bénéficier aux entreprises wallonnes et taïwanaises, et quels secteurs sont les plus susceptibles d’en profiter ?

Concrètement cet accord va promouvoir la destination taiwanaise auprès des entreprises belges innovantes sur les recommendations de l’accélérateur WSL, et inversement, promouvoir la Région Wallonne en Belgique auprès des entreprises et startup d’IAPS-NYCU en tant que marché cible attractif et tremplin pour conquérir le marché de 450 M d’habitants qu’est l’Union Européenne.

Nous privilégions les secteurs tech dans lesquels sont spécialisés IAPS et WSL dans leurs programmes d’accélérations, à savoir les TIC et l’IA, l’aéronautique et spatial, la medtech &, l’industrie 4.0. IAPS opère aussi un accélérateur sports tech, et nous avons le programme Belgium Sports Tech opéré par l’accélérateur Wallifornia qui est fort proche de WSL à Liège.

Pouvez-vous nous parler des entreprises wallonnes qui ont participé à l’Innovex 2023 à Taipei ? Quels types d’innovations ont-elles présentées ?

Nous avons reçu en tout 5 entreprises tech wallonnes venant des différentes provinces de la Région wallonne :

Calyos : une startup carolo spécialisée dans une technologie innovante et durable de refroidissement pour les batteries de véhicules électriques et aussi les serveurs.

Exostiv Labs : une entreprise néo-louvainiste qui propose des instruments avec logiciels intégrés dans l’Electronic Design Automation (EDA), en particulier pouvant permettre aux designers de puces électroniques de debugger les logiques FPGA gravées dans leurs puces avant la fabrication physique en silicium de ces puces.

Dinect Assembly by HTS : une entreprise spécialisée dans l’assemblage de PCB (Printed Circuit Boards) qui est venue pour trouver des fournisseurs directs en composants électroniques.

Lisam Système : une PME dans le Hainaut très internationalisée qui propose un logiciel de gestion des données de sécurités des produits chimiques, y compris l’étiquettage de ces produits, domaine très régulé de part le monde.

Enfin, l’entreprise IntoPix : une pépite de Mont-Saint-Guibert, qui propose une solution de compression de vidéos à tout type de produits électroniques permettant la transmission rapide en haute-résolution de ces vidéos sur des réseaux de connection internet (même à bas débit).

Comment l’Agence wallonne d’exportation et d’investissement soutient elle les entreprises wallonnes qui souhaitent s’implanter ou faire des affaires à Taiwan ?

Nous soutenons tout d’abord les exportateurs wallons à percer et se développer sur le marché de Taiwan. Si ce développement commercial nécessite une présence nous appuyons l’entreprise dans son enregistrement à Taiwan en lui recommandant tout type de prestataires comme des cabinets de comptable ou d’avocats, des accélérateurs d’entreprises et co-working space qui proposent des services d’hébergements d’entreprises, des programmes de soft-landing.

Quels sont les principaux défis que les entreprises wallonnes peuvent rencontrer en s’implantant à Taiwan, et comment votre bureau les aide-t-il à les surmonter ?

C’est surtout le manque de visibilité du marché de Taiwan en Belgique et en Wallonie. Il nous faut communiquer plus auprès de l’économie belge francophone sur l’importance de Taiwan sur le marché asiatique et comment cibler Taiwan a du sens (qui est un marché de taille similaire à l’Australie !)

Quels sont les objectifs économiques à court et à long terme de la Wallonie en ce qui concerne son partenariat avec Taiwan ?

Surtout promouvoir plus de partenariats commerciaux dans les deux sens, détecter plus de projets d’investissments taiwanais vers la Région Wallonne, et pour y arriver, communiquer plus sur notre région qui est à la fois géographiquement au coeur de l’Union européenne mais aussi au carrefour des cultures germaniques, latines et anglo-saxone. 

Comment voyez vous l’évolution de la présence de la Wallonie à Taiwan au cours des prochaines années ?

Une plus grande visibilité, autant au niveau culturel (par exemple la bande dessinée belge n’est pas très connue à Taiwan !) qu’au niveau économique, en particulier dans le secteur biomédical et pharmaceutique : la Belgique représente le premier marché européen en biotech avec la présence des plus grands groupes pharmaceutiques mondiaux, mais peu de gens le saventdans ce secteur à Taiwan.

Quelle est l’importance de Taiwan en tant que partenaire pour les entreprises wallonnes, par rapport à d’autres marchés en Asie ?

Actuellement les entreprises wallonnes connaissent mal Taiwan en tant que destination d’export pour l’Asie, mais celles qui exportent déjà vers Taiwan témoignent que c’est un marché très profitable en soit déjà (par exemple pour les produits alimentaires), et surtout que leurs partenaires en Asie vont les exporter vers d’autres marchés de la région, que ce soit la Chine, Singapour ou même le Vietnam.    

Comment la coopération entre la Wallonie et Taiwan peut-elle contribuer au développement durable et à la responsabilité sociale des entreprises ?

La Belgique est comme la plupart des pays de l’UE, en pleine transition vers une économie et industries axées sur des modes de production et de vie plus durable. Avec l’exemple de la Région Bruxelles Capitale où des quartiers entiers sont rendu piétonniers, le vélo est devenu le mode préférentiel de déplacement urbain, ces changements peuvent être de très utiles exemples pour Taiwan qui promet d’atteidre la neutralité carbone en 2050.

Existe il des initiatives spécifiques de l’Agence wallonne d’exportation et d’investissement pour promouvoir les échanges culturels et le développement des talents entre la Wallonie et Taiwan ?

Concrètement l’AWEX oeuvre à Taiwan au nom du gouvernement de la Communauté francophone de Belgique, aujourd’hui appelée officiellement la Fédération Wallonie-Bruxelles dans divers domaines comme en exposant chaque année au Salon international du Livre de Taipei, avec un accord de coopération avec le Ministry of Education pour l’échange d’assistants delangues (langue française à Taiwan et chinoise en Belgique), et aussi en promouvant la francophonie à Taiwan dans les écoles, universités et bibliothèque. Nous travaillons également avec des universités pour trouver des stages en entreprise en Belgique pour leurs étudiants, comme par exemple avec la Taiwan Tech University (NTUST).

Comment l’Agence wallonne d’exportation et d’investissement prévoit elle de s’adapter aux tendances mondiales, telles que la numérisation et les questions environnementales, dans ses activités avec Taiwan ?

Etant moi-même un grand adepte de la digitalisation et des questions écologiques, nous privilégions dans nos actions un minimum de « paper trail » et un maximum de fluidité d’infos par les outils numériques, par exemple l’équipe à Taipei utilise Slack et la suite Google en gestion de projet et bureautique/partage de documents, tandis que l’Agence au niveau mondial (400 staff en Belgique et dans le monde) a basculé sur Microsoft 365 et Salesforce courant 2022.

Pour ce qui est des questions environnementales : nos événements (réceptions, stand sur salon, conférence) respectent des principes de zero-déchet, design durable, utilisation de couverts et verts réutilisables – Cf notre stand sur le salon du Livre 2023 et la vaisselle lors de la soirée du 31 mai.)

Avez-vous un message ou des conseils à donner aux entrepreneurs wallons qui souhaitent explorer les opportunités à Taiwan ?

Taiwan est un marché unique au monde : non seulement champion des technologies électroniques et numériques, mais également champion invisible du cycle, des machines-outils, du saxophone ou de la planche à voile ! Tout comme ses richesses touristiques et ses industries, c’est une culture et une société remplies de traditions et d’humanité, avec une grande ouverture vers le monde, qui en font dans l’ensemble un secret économique et touristique de l’Asie que les exportateurs « connaisseurs » se gardent de partager ! Tous ceux qui ont tenté n’ont pas été déçu !

Et pour finir, quels sont les 3 endroits où on a le plus de chance de vous croiser à Taïwan, à l’exception de votre bureau ? 

Quand je ne suis pas au Taiwan Tech Arena (où j’ai également un hot desk offert par un ami entrepreneur !), je traine beaucoup sur les événements de startups et d’innovations (accélérateurs et co-working space, événements démo days), ou je visite les différentes bibliothèques à Taipei à la recherche de livres en langues étrangères (français ou anglais) ou des bandes dessinées que je n’ai pas encore lus ! 

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