Les courses de Dragon Boat, sport traditionnellement masculin, liées au festival de Duanwu, voient depuis quelques années l’essor des rameuses asiatiques. Depuis Taïwan jusqu’en Chine, en passant par Hong Kong et Singapour, de plus en plus de femmes prennent la pagaie. Aujourd’hui, non seulement des catégories « femmes » et « mixtes » sont officiellement organisées dans les compétitions, mais plusieurs équipages entièrement féminins brillent sur les podiums.
Un sport millénaire face à la modernité
Né de rituels traditionnels vieux de plus de 2 000 ans, le dragon boat était autrefois associé à des coutumes interdites aux femmes. Des chroniqueurs chinois soulignent qu’« il ne faut jamais laisser une femme mettre les pieds sur un bateau, ni même regarder la course ». Cette interdiction, héritée de croyances anciennes sur les esprits et la pureté, a longtemps prévalu dans certaines régions de Chine. Ainsi, en 2022 un incident à Foshan a éclipsé la fête : dans une vidéo virale, des rameurs hommes ordonnaient à des spectatrices de « s’écarter du passage », au motif que des « divinités cuites » devraient rester à l’écart des femmes.
Heureusement, de nombreux observateurs ont dénoncé de tels comportements comme « des reliquats sexistes du passé » qui doivent être abandonnés. De fait, la tradition du Duanwu honore également Qiu Jin, poétesse féministe du début du XXe siècle, symbole de rébellion contre les normes patriarcales. Cette ambivalence (tabous anciens vs figures féministes du festival) illustre le chemin parcouru : la scène sportive moderne contraste nettement avec le statu quo du passé.

Progression et exemples récents en Asie
Face aux préjugés, de nombreuses femmes se sont investies en force. Dans les années 1980, déjà, un groupe de femmes à Hong Kong fondait les Lamma Ladies Dragons, devenant l’une des premières équipes féminines étrangères à défier les rameurs traditionnels locaux. Aujourd’hui, Hong Kong continue d’innover en invitant uniquement des équipages féminins dans des courses spéciales, comme la « phoenix boat race » de Sha Tin réservée aux pagayeuses.
En Chine continentale, malgré la résistance de certains puristes, des voix s’élèvent et des équipes féminines se créent. AInsi, un village de Guangdong a vu naître une « équipe de femmes riches » sur un bateau-phénix, saluée par la presse comme un symbole féministe défiant la tradition masculine.
En Asie du Sud-Est, la vague est réelle. Singapour compte depuis 1995 une sélection féminine nationale qui a déjà brillé aux Jeux d’Asie du Sud-Est (SEA Games) – ses premières dragonboatwomen ont décroché une médaille de bronze en 2013. Et en 2023 le dragonboat figurait aux Jeux asiatiques de Hangzhou, où des épreuves féminines ont récompensé la Chine, l’Indonésie ou la Corée du Sud. Les compétitions internationales comme l’IDBF invitent aujourd’hui clairement les équipes de femmes et mixtes du monde entier.
À Taïwan, cette inclusion est très visible. La régate internationale de Taipei proposera en 2025 des catégories hommes, femmes et mixtes, avec même une nouveauté : un groupe « masters femmes (50 ans et +) » a été créé pour attirer encore plus de rameuses expérimentées. Le concours, couplé au Dragon Boat Festival avec festivités familiales, prépare plus de 232 équipes (dont de nombreuses féminines et mixtes).
Lors de la 17ᵉ édition du « Grand Prix Xiamen » en juin 2024, des délégations taïwanaises ont brillé. Sur 17 équipes inscrites de Taïwan, plusieurs étaient entièrement féminines : notamment les équipages de Hualien et du temple Chenghuang qui participaient pour la première fois, aux côtés des rameurs hommes plus habitués. Ce fait (« Hualien women’s team for the first time », « Chenghuang temple women’s team ») montre concrètement la percée récente des femmes dans le sport traditionnel.
Portraits de rameuses taïwanaises
Les visages féminins du dragonboat restent en bonne place. Lan, 28 ans, originaire d’Hualien, est fière de représenter l’ethnie Amis sur le fleuve. Au début, « mes parents doutaient que je puisse suivre le rythme, pensant que c’était trop dur pour une femme », explique-t-elle. Mais la passion l’a emporté : Lan s’est entraînée jour après jour sur le lac et a terminé deuxième au championnat national féminin. Elle confie que l’esprit d’équipe a tout changé : « C’est incroyable ce que l’on réalise ensemble, c’est un vrai ciment social. ».

D’autres exemples illustrent des trajectoires variées. Mei-ling, 42 ans, institutrice à Taichung, évoque ses débuts laborieux dans un club mixte : « On me disait souvent de prendre la rame facile ou de ne pas me lancer trop fort. Et je n’y comprenais rien. Maintenant, je donne l’exemple aux jeunes femmes : je m’entraîne trois fois par semaine et j’ai terminé la régate 2023 à la 2ᵉ place en catégorie open femmes. Je veux montrer qu’on peut allier maternité, travail et sport de haut niveau. » Su-yu, 52 ans, a intégré il y a cinq ans la catégorie masters féminines de Taipei : « À notre âge, on veut rester actives.
Mes coéquipières disent que la dragonboat les a aidées à gagner en confiance et en santé, et ça crée une vraie sororité. » . Ces portraits démontrent que dépasser les obstacles sociaux (doutes familiaux, absences d’entraînements adaptés, clichés) est possible avec détermination et solidarité.
Équipes 100% féminines ou mixtes en Taïwan et ailleurs
La tendance est nette : de nombreuses municipalités et entreprises à Taïwan ont monté des équipes entièrement féminines. Outre Hualien, des villes comme Kaohsiung ou Taichung ont des « women’s teams » qui s’entraînent toute l’année. Parallèlement, les courses proposent des divisions mixtes officielles. Ainsi le Championnat de Taipei 2025 comporte explicitement une catégorie mixte en plus des catégories hommes et femmes. Les organisateurs encouragent même ces formules : la mairie a supprimé les frais d’inscription pour les « masters femmes » et équipes mixtes seniors pour promouvoir l’inclusion. Cette ouverture crée plus d’opportunités : les clubs rassemblent souvent des équipages multigénérationnels (adolescents, adultes et seniors, co-mixte de rameuses et rameurs) qui prennent part à des compétitions locales et internationales. L’aspect intergénérationnel et mixte renforce la cohésion sociale, familles et communautés trouvent dans le dragon boat un espace de rencontre unissant tout le monde.
Changements sociaux et obstacles restants
Le chemin vers l’égalité n’est pas sans résistance. En Asie, des mentalités traditionnelles persistent chez certains hommes, comme le prouve encore la récente polémique en Chine. À Taïwan cependant, l’attitude générale se transforme : les médias mettent en avant les exploits des équipages féminins et la population accueille favorablement cette évolution.
Une remarque d’une rameuse illustre ce tournant : « Les gens ont commencé à demander des équipes féminines, reconnaissant leur force et leur discipline. Ça change la perception : on n’est plus des exceptions, mais une partie légitime du sport. » Les exemples internationaux jouent aussi en faveur.
Les réseaux sociaux relatent des actions de solidarité. Graduellement, l’interdit lâche du lest : les autorités sportives taïwanaises communiquent sur l’émancipation par le sport, les écoles adoptent le dragon boat comme activité mixte, et même des temples locaux ont invité des pagayeuses à bénir les bateaux, pratique autrefois réservée aux hommes. Ces progrès contribuent à dissiper les préjugés : voir une présidente de la République, Tsai Ing-wen, saluer les participants d’une régate en 2017 montre l’ampleur du soutien officiel.

Un impact grandissant sur le sport et la société
L’arrivée massive des femmes redonne un nouvel élan à la pratique. Sportivement, la qualité des courses augmente : la compétition s’affermit grâce à l’augmentation des effectifs, féminins comme masculins. Par ailleurs, l’attrait médiatique et public s’étend : les événements de dragon boat deviennent plus familiaux et festifs. Par exemple, le festival de Taipei combine toujours course, spectacle et animations pour tous âges, et les médias insistent sur l’esprit d’équipe intergénérationnel. L’image du dragon boat se modernise ; il symbolise désormais l’inclusion et la solidarité.
Socialement, cette inclusion favorise la cohésion. Des quartiers organisent des entraînements communs pour hommes et femmes, créant du lien dans les communautés. Dans certaines régions comme les villages aborigènes de l’Est de Taïwan, les équipages féminins ont même renforcé la fierté culturelle en combinant traditions ancestrales et combats contemporains pour l’égalité.

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