La troisième crise du détroit de Taïwan (1995-1996) : quand les missiles ont failli faire basculer l’histoire

La troisième crise du détroit de Taïwan (1995-1996) : missiles chinois, intervention américaine et triomphe démocratique de Lee Teng-hui.

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Entre juillet 1995 et mars 1996, le détroit de Taïwan devient le théâtre d’une confrontation militaire d’une intensité inédite depuis la guerre froide. Pékin, irrité par la tournée diplomatique du président taïwanais Lee Teng-hui aux États-Unis et inquiet de la première élection présidentielle au suffrage direct organisée sur l’île, choisit la démonstration de force. Missiles tirés en mer, exercices amphibies aux abords du Fujian, manœuvres aériennes massives : la Chine veut intimider les électeurs taïwanais. Washington, de son côté, déploie deux porte-avions et réaffirme sa volonté de garantir la stabilité régionale. Cette crise, dite « troisième crise du détroit », n’a pas conduit à la guerre mais a redessiné durablement les équilibres stratégiques en Asie de l’Est.

Les origines : diplomatie, fierté nationale et transition démocratique

À la mi-1995, le président Lee Teng-hui obtient l’autorisation de se rendre à Cornell University, son alma mater. Officiellement, il s’agit d’une visite privée. En réalité, Pékin y voit une provocation : jamais un président de Taïwan n’avait été reçu de manière aussi officielle aux États-Unis depuis la rupture diplomatique de 1979. Pour la République populaire de Chine, ce voyage symbolise un pas de plus vers la reconnaissance internationale d’une « entité » taïwanaise séparée.

Parallèlement, Taïwan s’apprête à vivre un moment historique : en mars 1996 doit se tenir la première élection présidentielle au suffrage universel direct. Pour Pékin, cette avancée démocratique incarne le danger du séparatisme : si le peuple choisit son président, l’idée d’une souveraineté propre à Taïwan se consolide. L’objectif de la Chine est clair : peser sur l’élection, délégitimer Lee Teng-hui et dissuader les électeurs de lui accorder un second mandat.

La montée en tension : des missiles pour intimider

Dès juillet 1995, Pékin ordonne une première série de tirs de missiles balistiques DF-15 dans des zones maritimes proches de l’île. Les impacts, situés à quelques dizaines de kilomètres des côtes, ne visent pas Taïwan directement mais cherchent à envoyer un signal : l’Armée populaire de libération peut frapper à tout moment.

Entre l’été 1995 et l’automne, les exercices s’enchaînent :

  • juillet-août 1995 : salves de missiles au large de Keelung, au nord de Taïwan ;
  • septembre-octobre : grandes manœuvres navales et aériennes au large du Fujian ;
  • novembre : exercices amphibies simulant un débarquement.

La rhétorique officielle est sans ambiguïté : il s’agit de « rappeler » aux électeurs taïwanais les conséquences d’un vote perçu comme hostile à l’unification.

L’escalade de mars 1996 : au bord du gouffre

À l’approche du scrutin présidentiel, Pékin hausse le ton. Début mars, de nouveaux missiles sont tirés au large de Keelung (nord) et de Kaohsiung (sud), ciblant symboliquement les deux grands ports du pays. En parallèle, l’APL mène des exercices amphibies à quelques dizaines de kilomètres seulement de l’île.

L’effet est double : créer un climat d’insécurité et montrer que Pékin dispose de moyens militaires crédibles. Mais cette stratégie a une limite : elle provoque l’intervention des États-Unis.

La réponse américaine : deux porte-avions pour la dissuasion

Le président Bill Clinton choisit de réagir par une démonstration de force. En mars 1996, la marine américaine envoie dans la région deux groupes aéronavals :

  • l’USS Independence croise en mer de Chine orientale,
  • l’USS Nimitz arrive depuis le Pacifique occidental.

C’est la plus grande opération navale américaine en Asie depuis la guerre du Vietnam. Le message est clair : toute attaque contre Taïwan entraînerait une riposte américaine. Pékin, qui n’est pas encore en mesure de contester sérieusement la supériorité navale américaine, recule. Les missiles cessent, les exercices se terminent sans incident majeur. La guerre est évitée.

L’impact politique à Taïwan : la démocratie renforcée

Loin d’affaiblir Lee Teng-hui, la stratégie de Pékin produit l’effet inverse. Le 23 mars 1996, il remporte l’élection présidentielle avec 54 % des voix, dans un scrutin marqué par une forte participation (76 %). Pour une majorité de Taïwanais, voter pour Lee devient une façon d’affirmer la souveraineté démocratique de l’île face aux menaces extérieures.

La crise transforme ainsi Taïwan en un symbole de résilience politique. Elle marque aussi l’entrée de l’île dans une ère où la question identitaire et la défense de la démocratie deviennent centrales dans le débat public.

Héritages stratégiques : un tournant pour l’Asie-Pacifique

La crise des missiles du détroit de Taïwan n’a pas provoqué de guerre ouverte, mais elle a profondément modifié les rapports de force.

Côté chinois, l’échec de l’intimidation conduit Pékin à investir massivement dans ses capacités militaires. L’APL développe ses missiles balistiques, sa marine et ses moyens de déni d’accès (A2/AD), destinés à tenir les porte-avions américains à distance.
Exemple : dans les années 2000, la mise en service du missile antinavire DF-21D est directement héritée des leçons de 1996.

Côté taïwanais, la crise renforce l’idée d’une défense asymétrique et d’une résilience nationale. Taipei accélère ses programmes de missiles sol-air et sol-mer, modernise sa flotte et travaille sur la continuité des infrastructures vitales en cas de blocus.

Côté américain, la crise confirme la fonction de la 7e flotte comme garant ultime de la stabilité du détroit. Mais elle alerte aussi sur la vulnérabilité potentielle des groupes aéronavals face à des salves de missiles de plus en plus sophistiqués.

Un précédent toujours vivant

Près de trente ans après, la troisième crise du détroit de Taïwan reste un jalon essentiel pour comprendre les tensions actuelles en mer de Chine. Elle a montré que la coercition militaire pouvait échouer face à une société mobilisée et soutenue par un allié puissant. Elle a aussi précipité la modernisation militaire de la Chine, amorçant une ère où le rapport de force dans le Pacifique ne cesse d’évoluer.

À bien des égards, 1995-1996 constitue la matrice des crises contemporaines : tirs de missiles, exercices militaires massifs, réactions américaines calibrées. Autant d’éléments qui continuent, aujourd’hui encore, de définir l’équilibre fragile du détroit de Taïwan.

Points à retenir ✅

  • 🚀 En 1995-1996, Pékin lance une campagne de tirs de missiles et de manœuvres militaires pour intimider Taïwan à la veille de sa première élection présidentielle au suffrage universel.
  • 🗺️ La population taïwanaise répond par un sursaut démocratique : Lee Teng-hui est élu avec 54 % des voix, renforçant la légitimité d’un pouvoir directement issu du vote populaire.
  • 📌 Washington déploie deux groupes aéronavals (USS Independence et USS Nimitz) pour dissuader Pékin, confirmant le rôle central des États-Unis comme garants de la stabilité régionale.
  • ⚔️ L’échec de l’intimidation pousse la Chine à investir massivement dans la modernisation de son armée, notamment dans les missiles balistiques et la stratégie A2/AD.
  • 🌏 Cette crise constitue un précédent majeur, dont les échos résonnent encore aujourd’hui dans chaque montée de tension autour du détroit de Taïwan.

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À propos de l'auteur

  • Luc

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