Chen Yonghua : le grand architecte civil du régime des Zheng à Taïwan

Chen Yonghua, architecte civil du régime des Zheng, a structuré l’administration, l’économie et l’éducation du Taïwan du XVIIe siècle.
Vénération de Chen Yonghua à Tainan - Copyright : Wiki Commons

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Chen Yonghua (陳永華 1634–1680), lettré loyaliste de la fin des Ming, occupe une place centrale dans l’histoire politique et administrative de Taïwan au XVIIe siècle. Conseiller principal de Zheng Chenggong puis de Zheng Jing, il fut l’architecte civil du régime des Zheng, souvent désigné par les historiens comme le véritable organisateur de l’État de Dongning. À la différence des figures militaires qui dominent l’historiographie populaire de cette période, Chen Yonghua incarne une gouvernance fondée sur l’institutionnalisation du pouvoir, la rationalisation économique et l’encadrement social. Son action dépasse le simple cadre du loyalisme anti-Qing pour s’inscrire dans un projet étatique cohérent, dont les effets structurants ont profondément marqué le développement historique de Taïwan.

Origines intellectuelles et formation politique

Né en 1634 dans le Fujian, Chen Yonghua appartient à une famille de lettrés confucéens profondément ancrés dans la culture administrative des Ming. La mort volontaire de son père, magistrat loyaliste, lors de l’avancée des armées Qing, constitue un moment fondateur de son parcours idéologique. Ce traumatisme familial inscrit durablement Chen Yonghua dans une posture de fidélité morale à l’ordre des Ming, non pas sous une forme strictement militaire, mais à travers la reconstruction institutionnelle d’un pouvoir alternatif.

Sa rencontre avec Zheng Chenggong en 1656 marque son entrée dans la sphère décisionnelle. Chen Yonghua refuse cependant toute fonction ostentatoire et privilégie un rôle de conseiller, puis de pédagogue auprès de Zheng Jing. Ce positionnement révèle une conception du pouvoir fondée sur l’influence intellectuelle et la planification à long terme plutôt que sur la domination directe. Dès cette période, les sources contemporaines soulignent sa capacité à analyser les dynamiques politiques régionales et à formuler des stratégies de gouvernement adaptées aux contraintes insulaires de Taïwan.

Stabilisation du pouvoir et centralité administrative

Après la mort de Zheng Chenggong en 1662, le régime des Zheng traverse une phase de profonde instabilité. Chen Yonghua joue alors un rôle décisif dans l’affirmation de Zheng Jing comme successeur légitime, contribuant à neutraliser les factions rivales et à restaurer une continuité du pouvoir. Une fois Zheng Jing installé, Chen Yonghua est nommé conseiller d’État et devient l’axe central de la prise de décision gouvernementale.

Son influence se manifeste par la structuration progressive des institutions civiles, la formalisation des procédures administratives et la hiérarchisation des responsabilités politiques. Les chroniques indiquent que les affaires militaires, économiques et diplomatiques sont systématiquement soumises à son arbitrage. Cette concentration du pouvoir civil, bien qu’efficace, engendre des tensions croissantes avec l’élite militaire, dont l’autorité se trouve progressivement subordonnée à une logique administrative.

Politique économique et organisation territoriale

Confronté aux contraintes d’un territoire insulaire soumis à la pression militaire des Qing, Chen Yonghua développe une politique économique visant l’autosuffisance et la stabilité structurelle. Il encourage l’expansion agricole, en particulier la riziculture et la culture de la canne à sucre, intégrées à un système de colonisation agraire associant soldats et civils. Cette organisation permet d’assurer l’approvisionnement des troupes tout en favorisant l’émergence d’une économie exportatrice.

La modernisation de la production de sel constitue un autre pilier de son action. En introduisant des techniques de raffinage plus avancées, Chen Yonghua améliore significativement la qualité du sel produit à Taïwan, renforçant ainsi son rôle dans les échanges régionaux. Par ailleurs, face aux effets du blocus Qing et aux perturbations commerciales qu’il entraîne, il adopte une approche pragmatique en tolérant des circuits commerciaux informels destinés à stabiliser les prix et à éviter les pénuries. Cette flexibilité témoigne d’une conception non dogmatique de l’économie, subordonnée aux impératifs de survie du régime.

Éducation, sinisation et ingénierie sociale

Chen Yonghua accorde une importance centrale à l’éducation comme fondement de l’ordre politique. La fondation, en 1666, du Temple de Confucius de Tainan marque l’introduction officielle de l’enseignement confucéen à Taïwan. Cette institution devient le noyau d’un système éducatif structuré, destiné à former une élite administrative locale fidèle aux principes culturels chinois.

Parallèlement, Chen Yonghua met en place des examens locaux inspirés du système impérial, visant à sélectionner les talents administratifs sur des critères de compétence et de loyauté. Cette politique participe à la sinisation progressive de la société taïwanaise, y compris des populations autochtones, intégrées au dispositif éducatif par des mesures incitatives spécifiques. L’objectif n’est pas seulement culturel, mais clairement politique : créer une société administrativement homogène, capable de soutenir durablement l’État des Zheng.

Statue de Chen Yonghua au temple de Confucius de Tainan – Copyright : Wiki Commons

Maintien de l’ordre et contrôle administratif

Sur le plan sécuritaire, Chen Yonghua introduit le système Baojia, fondé sur la responsabilité collective et la surveillance administrative des populations. Ce dispositif permet un contrôle étroit des déplacements, des activités économiques et de la vie sociale, tout en limitant le recours à une coercition militaire directe. En complément, il impose une réglementation stricte visant à réduire les pratiques jugées socialement déstabilisantes, telles que le jeu.

Cette politique de contrôle social, souvent perçue comme contraignante, s’inscrit néanmoins dans une logique de stabilisation territoriale et de prévention des troubles internes. Elle reflète une vision confucéenne de l’ordre, où la discipline sociale constitue un préalable indispensable à la prospérité collective.

Marginalisation politique et disparition

Le retour de Zheng Jing à Taïwan après ses campagnes sur le continent marque un tournant dans la trajectoire de Chen Yonghua. Son pouvoir accumulé suscite l’hostilité de plusieurs figures militaires influentes, qui orchestrent progressivement sa mise à l’écart. Contraint à la retraite en 1680, Chen Yonghua se retire de la vie politique et meurt quelques mois plus tard.

Sa disparition révèle les fragilités internes du régime des Zheng, où l’équilibre entre autorité civile et pouvoir militaire demeure précaire. Toutefois, la reconnaissance posthume accordée par Zheng Jing atteste de l’importance stratégique de son rôle et de la conscience, au sommet de l’État, de la dette politique contractée à son égard.

Mémoire historique et postérité

Après sa mort, Chen Yonghua fait l’objet d’une progressive sacralisation populaire. Son intégration au panthéon des figures tutélaires locales témoigne de l’empreinte durable de son action sur la société taïwanaise. Les lieux, monuments et toponymes associés à son nom traduisent une mémoire ancrée autant dans l’espace que dans le récit historique. Il est l’une des personnes les plus vénérées à Tainan avec un temple qui lui est dédié !

Dans l’historiographie moderne, Chen Yonghua est généralement présenté comme l’équivalent fonctionnel de Zhuge Liang dans le contexte taïwanais. Cette comparaison souligne moins une similitude militaire qu’une convergence dans la conception du pouvoir : primauté de l’administration, rationalité politique et vision à long terme. À ce titre, Chen Yonghua apparaît comme l’un des premiers véritables théoriciens de la gouvernance taïwanaise.

À retenir

  • 🏛️ Chen Yonghua fut le principal architecte civil du régime des Zheng à Taïwan
  • 📜 Il structura un État fondé sur l’administration, l’éducation et l’ordre social
  • 🌾 Son action économique permit l’autosuffisance et l’intégration régionale de Taïwan
  • 🎓 Il posa les bases institutionnelles de la sinisation administrative de l’île
  • 🧭 Son héritage dépasse le loyalisme Ming et s’inscrit dans l’histoire longue de Taïwan

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À propos de l'auteur

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