Au XIXème siècle, la dynastie Qing (清朝) renforce sa présence à Taïwan, transformant l’île en un véritable avant-poste stratégique. C’est dans ce contexte que naît la ville fortifiée de Taipei (臺北府城), destinée à devenir le centre politique du nord de Taïwan. Fondée dans les années 1870, cette cité ceinte de remparts symbolise l’affirmation du pouvoir Qing sur une île jusque-là périphérique. Les Qing érigent Taïpei-cheng, une ville fortifiée en pierre, entre Dadaocheng et Monga (Wanhua). Le tracé donnera son nom à la capitale : Taipei. D’abord centre politico-administratif (y siègent les yamen du gouverneur civil et du préfet), l’enceinte est en grande partie démantelée sous la période japonaise, mais quatre portes subsistent et sont aujourd’hui monument national. Le périmètre, lui, demeure le cœur névralgique : gares, ministères, banques et grands axes héritent de sa géographie.
Contexte politique et géostratégique de la fondation
Taïwan est intégrée à l’empire Qing en 1683, mais durant longtemps le pouvoir impérial ne lui accorde qu’une attention limitée. Les autorités Qing voient même d’un mauvais œil les migrations han vers cette île lointaine, par crainte d’y perdre le contrôle. Toutefois, au XIXème siècle, plusieurs événements majeurs changent la donne. En 1874, le Japon lance une expédition punitive dans le sud de Taïwan (incident de Mudan), exposant la vulnérabilité de l’île. Pour l’empire Qing, c’est un signal d’alarme : il faut consolider la présence chinoise à Taïwan avant que les puissances étrangères n’en profitent. L’envoyé impérial Shen Baozhen (沈葆楨) préconise alors une refonte administrative et défensive. Dès 1875, la cour de Pékin approuve la création d’une préfecture de Taipei (臺北府) dans le nord de l’île, séparée de l’ancienne préfecture de Taïwan (basée à Tainan). L’objectif affiché est de « mieux administrer trois xian (comtés) et renforcer le contrôle local », selon les termes de Shen : il s’agit de surveiller de près les ports du nord, d’encadrer les colons han et de prévenir toute incursion étrangère ou rébellion autochtone.
Le choix du site de la nouvelle ville préfectorale se porte sur la plaine fertile du bassin de Taipei, à mi-chemin entre deux bourgs marchands prospères : Mengjia (艋舺), appelée Bangka (aujourd’hui le quartier de Wanhua), et Dadaocheng (大稻埕), connu aussi sous le nom de Twatutia. Ces localités han, établies depuis le XVIIIème siècle, se sont enrichies grâce au commerce fluvial et maritime (notamment l’exportation du thé via le port de Tamsui (淡水) ouvert aux Occidentaux en 1860). En s’implantant entre Mengjia et Dadaocheng, le pouvoir Qing entend à la fois tirer parti de cette prospérité et la contrôler. Le positionnement géostratégique de Taipei est donc idéal : la ville domine l’embouchure du fleuve Danshui, surveille les principales routes commerciales du nord et peut servir de base arrière militaire en cas de conflit.

La fondation de Taipei survient aussi dans le contexte de la transformation de Taïwan en province à part entière. Après la guerre franco-chinoise de 1884-1885, où les troupes Qing défendent âprement le nord de l’île (les Français occupent brièvement Keelung mais échouent devant Tamsui), l’empereur Guangxu décide d’élever Taïwan au rang de province en 1887. Le général Liu Mingchuan (劉銘傳) est nommé premier gouverneur. Surnommé le « modernisateur de Taïwan », Liu intensifie les mesures de défense et de développement : construction de forts côtiers, télégraphes, routes, etc. C’est dans ce climat de militarisation et de réforme que la ville fortifiée de Taipei prend tout son sens. D’abord simple capitale préfectorale (à partir de 1875), elle devient en pratique le siège du gouvernement provincial Qing dès la fin des années 1880 (même si, sur le papier, la capitale provinciale envisagée était Qiaozitou dans le centre de l’île). Taipei s’impose ainsi comme le centre politique et stratégique de Taïwan dans les dernières années de la dynastie Qing.
Construction et architecture des remparts et portes
Dès la création de la préfecture, les autorités planifient l’édification d’une cité murée à Taipei. En 1879, le préfet Chen Xingju (陳星聚) propose un plan de ville rectangulaire ceinte de remparts, selon la tradition chinoise des villes-préfectures. Les travaux ne commencent véritablement qu’en 1882, sous la direction de l’officiel Cen Yu-ying (岑毓英), et s’achèvent en 1884. Il a fallu d’abord préparer le terrain : l’emplacement choisi, un ancien marécage rizicole du bassin de Taipei, avait un sol très meuble. Pour éviter que les murailles ne s’affaissent, Chen Xingju ordonne de planter des forêts de bambous sur le tracé envisagé, le temps que le sous-sol se stabilise. Ce détail témoigne du soin apporté à la fondation de la ville. Par ailleurs, la conception a intégré des considérations de feng shui : initialement orienté strictement nord-sud, le plan des remparts a été légèrement pivoté pour aligner le nord de la cité sur le massif du Datun et la montagne Qixing, renforçant symboliquement la “protection” montagneuse derrière la ville, tout en faisant face à l’étoile polaire (symbole de l’Empereur) au nord.
Les remparts de Taipei forment un quadrilatère irrégulier d’environ 5 kilomètres de périmètre. Chaque face du mur mesure environ 1,3 km du nord au sud et 1 km d’est en ouest. La muraille s’élève à près de 4,5 à 5 mètres de hauteur (soit environ 1丈5尺 dans l’unité de mesure de l’époque) pour une épaisseur suffisante à son sommet (environ 3,6 m, soit 1丈2尺, permettant la circulation des gardes). La structure est faite de briques et de pierres, liées par un mortier traditionnel à base de chaux, de riz gluant et de mélasse – une technique courante en Chine pour sa solidité. À l’extérieur, un fossé peu profond ceinturait probablement les murs par endroits, complétant le dispositif défensif, bien que Taipei, en zone de plaine, n’ait pas eu de douves aussi marquées que certaines villes continentales.


La ville était accessible par cinq portes fortifiées, percées dans les remparts et judicieusement orientées vers les axes routiers majeurs : les quatre portes cardinales classiques et une porte supplémentaire au sud-ouest. Chaque porte était surmontée d’un pavillon appelé chenglou (城樓), faisant office de tour de garde. Les principales portes étaient :
Porte du Nord – Cheng’en Men (承恩門) : orientée vers le nord en direction de Shilin, Beitou et Tamsui, elle symbolisait la fidélité à l’Empire Qing (son nom signifie « Recevoir la grâce [impériale] » car tournée vers Pékin). Architecturée comme un blockhaus à deux étages en maçonnerie, elle privilégiait la défense avec ses meurtrières. C’est l’un des portails à l’architecture la plus sobre mais robuste, typique d’un style « bastionné » rare à Taïwan.
Porte de l’Est – Jingfu Men (景福門) : située à l’est, vers Xikou (錫口, aujourd’hui Songshan) et le port de Keelung, son nom évoque la « félicité paysagère ». Construite sur le modèle de la porte nord (massif et axé sur la défense), elle permettait de rejoindre la côte orientale.
Porte du Sud (la « Grande Porte Sud ») – Lizheng Men (麗正門) : ouverte au sud en direction des régions intérieures de l’île (vers Jingmei, Shenkeng, etc.), c’était la plus large de toutes, considérée comme la porte principale fonctionnelle de la cité. Son nom signifie « Belle rectitude ». Elle constituait l’accès privilégié pour se rendre vers le sud de Taïwan.
Porte de l’Ouest – Baocheng Men (寶成門) : tournée vers l’ouest en direction de Bangka/Mengjia, elle portait un nom augural (« réussite précieuse ») reflétant l’espoir des marchands locaux de préserver la prospérité commerciale de Bangka. Financée en partie par les riches marchands du cru, cette porte ouest était la plus richement décorée : son pavillon arborait de somptueuses boiseries sculptées et peintes, symbole de l’importance économique de l’ouest de la ville.
Petite Porte du Sud – Chongxi Men (重熙門), appelée aussi Xiaonanmen (小南門) : positionnée au sud-ouest des murs, elle ouvrait la route vers Fangqiao (aujourd’hui Banqiao). De dimensions plus modestes, elle était conçue dans un style à auvent prolongé (une arche surmontée d’un toit en avancée), adapté aux passages de moindre envergure. Son nom poétique signifie « Prospérité renouvelée ».
Chaque porte était dotée d’une double porte en bois massive, ferrée et cloutée, fermée chaque soir. Des postes de garde étaient installés aux abords immédiats. Les portes nord et est, de type bastion, mettaient l’accent sur la fonction militaire (murailles en saillie, meurtrières nombreuses), tandis que les portes sud et sud-ouest, de style à toiture débordante, facilitaient le passage et le commerce. La porte ouest alliait fonctionnalité et ostentation décorative, reflet de son financement local.
Tableau récapitulatif des cinq portes de Taipei (fin XIXème siècle)
| Nom de la porte | Nom chinois | Orientation / destination | Particularités |
|---|---|---|---|
| Porte du Nord | 承恩門 (Cheng’en Men) | Nord – vers Shilin, Beitou, Tamsui | Porte principale symbolique, style bastionné, préservée intacte. |
| Porte de l’Est | 景福門 (Jingfu Men) | Est – vers Songshan (Xikou), Keelung | Style bastionné (similaire à Beimen), fonction défensive marquée. |
| Porte du Sud (Grande) | 麗正門 (Lizheng Men) | Sud – vers Jingmei, intérieur de l’île | Plus grande porte, accès majeur vers le sud, style traditionnel, modifiée ultérieurement. |
| Petite porte du Sud | 重熙門 (Chongxi Men) | Sud-Ouest – vers Banqiao (Fangqiao) | Plus petite, style « à auvent », destinée aux trajets locaux, modifiée ultérieurement. |
| Porte de l’Ouest | 寶成門 (Baocheng Men) | Ouest – vers Bangka/Mengjia, rive du Danshui | Porte la plus ornée (financement marchand), symbole de prospérité, détruite en 1900. |




Au-delà des portes, les remparts comportaient également des ouvrages défensifs complémentaires : des bastions ou plateformes permettaient d’installer de la petite artillerie ou des postes de guet à intervalles réguliers. Il n’y eut toutefois pas de fortins avancés ni de douves profondes, Taipei n’ayant pas été conçue pour soutenir un siège prolongé contre une armée européenne lourdement armée. Sa vocation défensive était surtout dissuasive face aux révoltes locales ou aux attaques de groupes autochtones, et symbolique vis-à-vis de la population : les murs signalaient que l’autorité impériale était solidement implantée.
Organisation urbaine interne : quartiers, administrations, marchés, temples
À l’intérieur des remparts, la ville de Taipei – appelée Chengnei (城內), c’est-à-dire « la cité intérieure » – s’organise selon un plan en damier légèrement dévié (du fait des ajustements de feng shui). Les rues principales suivent grosso modo un axe nord-sud et est-ouest, se croisant près du centre. Cependant, particularité locale, l’orientation du tracé des rues diffère légèrement de celle des murs : les rues avaient été tracées avant l’achèvement des remparts, selon l’ancien plan de Cen Yu-ying, puis on a ajusté l’orientation du mur sous Liu Ao. Il en résulte un léger décalage angulaire entre la grille urbaine intérieure et le contour des fortifications, anecdote souvent attribuée aux querelles de géomètres lors de la construction.
Malgré cette curiosité, l’urbanisme interne reste cohérent et fonctionnel. La ville n’est pas très grande (un peu plus d’1 km² intra-muros) et se divise en quelques quartiers ou rues principales qui portent souvent le nom de leur direction ou de leur fonction. Par exemple, la rue de la Porte de l’Ouest (Ximen Street) et la rue de la Nouvelle Ville (Xinqi Street) étaient parmi les axes animés. Fait notable pour l’époque : ces artères furent équipées d’éclairage public électrique dès la fin des années 1880, grâce aux initiatives de Liu Mingchuan. On raconte qu’un journaliste américain de passage s’émerveilla de voir Taipei ainsi illuminée, y voyant la ville la plus moderne de Chine en son temps – un atout de prestige pour le régime Qing.
Le pôle administratif occupe une place centrale dans Chengnei. En effet, Taipei concentre à l’intérieur de ses murs plusieurs niveaux de gouvernement : on y construit successivement les bureaux du gouverneur de Taïwan (Taiwan xunfu yamen, 臺灣巡撫衙門), ceux de l’administration provinciale civile (Taiwan buzheng shi yamen, 臺灣布政使司衙門), le yamen du préfet de Taipei (臺北府衙門) ainsi que le yamen du magistrat du comté de Danshui (淡水縣衙門), le comté local. Autrement dit, en quelques années Taipei devient le cœur politico-administratif non seulement du nord de l’île, mais de toute la colonie Qing à Taïwan. Ces bâtiments officiels sont disposés dans un secteur proche du centre-ville, formant un quartier des ministères avant l’heure. Le prestige de cette concentration de pouvoir se reflète dans l’architecture : chaque yamen est un vaste ensemble de cours et de pavillons à toiture de tuiles vernissées, marqués de panneaux officiels. L’installation de tant d’institutions attire aussi une population de fonctionnaires, de soldats, de lettrés et de serviteurs, conférant à la ville un caractère très administratif.
Outre les édifices civils, la ville fortifiée accueille des infrastructures pour l’éducation et la vie intellectuelle, conformément aux modèles des villes chinoises traditionnelles. Un temple de Confucius (Wenmiao, 文廟) y est édifié, servant à honorer le sage et à organiser les examens impériaux locaux. Non loin se trouve vraisemblablement l’académie ou école préparatoire aux examens, afin de former les fils de notables du nord de Taïwan aux classiques confucéens. De même, un champ d’examens (考棚) est aménagé pour les épreuves littéraires de la fonction publique, attestant la volonté des Qing d’intégrer Taïwan au système bureaucratique impérial sur le plan éducatif.
La ville est également conçue comme un centre religieux et culturel majeur. Autour de 1884, lors de l’achèvement des murs, on assiste à l’inauguration successive de cinq grands temples officiels intra-muros, reflétant la pluralité des cultes traditionnels chinois :
- Le Temple de Confucius (文廟) – dédié au culte confucéen et à l’éducation des lettrés.
- Le Temple martial (Wu Miao) (武廟) – dédié à Guan Gong (關公), divinité de la guerre et de la loyauté, protectrice des soldats.
- Le Temple du Saint Roi Kaizhang (開漳聖王廟) – voué à la divinisation de Chen Yuan-guang, héros fondateur vénéré par les immigrants du Fujian ; ce culte rassure les colons han sur cette terre nouvelle.
- Le Temple du Dieu des Murailles (Chenghuang) (府城隍廟) – consacré au dieu tutélaire de la cité, chargé de la protection spirituelle de Taipei et de l’ordre moral de ses habitants. Ce temple, marque quasi obligatoire de tout siège de gouvernement en Chine, confirme que Taipei est désormais une ville de rang important.
- Le Temple de Mazu (Grande déesse du Ciel) (大天后宮) – dédié à Mazu, la déesse protectrice des marins et des commerçants. Son érection à Taipei témoigne de l’importance du commerce maritime (thé, camphre…) pour la ville et de la piété des marchands originaires du littoral chinois.

Ces temples, édifiés aux frais de l’administration et des élites locales, font de Chengnei un centre religieux rayonnant sur le nord de Taïwan. On y célèbre fêtes et rites qui attirent les foules, renforçant l’attractivité de la ville. Malheureusement, la plupart de ces sanctuaires d’origine ne resteront pas intactes sous la période japonaise ou nationaliste, mais ils sont mentionnés dans les chroniques comme preuve que Taipei était devenu « le cœur politique et spirituel » de Taïwan à la fin du XIXème siècle.
La population intramuros reste relativement modeste en nombre : on y trouve les familles de fonctionnaires, les soldats de la garnison, les employés des yamen, quelques commerçants et artisans nécessaires (armuriers, forgerons, tailleurs, etc.), ainsi que des religieux attachés aux temples. Les véritables centres d’affaires et de commerce de grande échelle demeurent toutefois extra-muros, dans les faubourgs de Bangka et Dadaocheng. On ne recense pas de grand marché central à l’intérieur des murs – les habitants se ravitaillent auprès des colporteurs ou sortent faire leurs emplettes dans les marchés des portes est ou ouest. En effet, un marché s’était développé aux abords de la porte de l’Est, connu plus tard sous le nom de « marché Dongmen », pour approvisionner tant les citadins que les voyageurs arrivant du port de Keelung. De même, la porte Ouest donnait immédiatement sur les quais animés de Bangka où accostent les barges fluviales. Ainsi, la ville fortifiée de Taipei forme avec ses faubourgs un ensemble économique complémentaire : intra-muros le pouvoir et la religion, extra-muros le commerce et les échanges.
Rôle militaire, administratif et symbolique dans le dispositif colonial des Qing
La fondation de la ville fortifiée de Taipei répond à des impératifs multiples dans la stratégie coloniale des Qing à Taïwan. Militairement, la cité sert de place forte pour asseoir l’ordre dans le nord de l’île. Bien que ses remparts ne soient pas conçus pour résister à une armée européenne moderne, ils offrent une protection efficace contre les troubles locaux. Taipei abrite une garnison de soldats Qing (principalement des troupes régulières de l’Armée de Terre dite de l’étendard vert, et possiblement des unités du Hunan ou du Fujian détachées sur l’île). Ces troupes stationnées intra-muros peuvent être déployées rapidement en cas d’émeute des colons han ou d’incursion des tribus autochtones voisines. La ville sert aussi de base logistique : entrepôts d’armes et de vivres y sont stockés pour soutenir les postes militaires environnants. Lors de la guerre franco-chinoise (1884), bien que les combats se déroulent à Keelung et à Tamsui, c’est à Taipei que convergent les renforts et que s’organise la résistance dirigée par Liu Mingchuan. La citadelle joue alors son rôle de quartier général défensif pour le nord de l’île.
Administrativement, Taipei devient rapidement indispensable au contrôle de Taïwan par les Qing. En concentrant plusieurs échelons de l’administration (province, préfecture, comté), elle permet une gouvernance resserrée. Le gouverneur, basé à Taipei, peut communiquer vite avec les autorités impériales à Pékin grâce aux nouvelles lignes télégraphiques qu’il fait installer en 1888. La ville fortifiée est le lieu où sont prises les décisions sur la fiscalité (perception des taxes sur le thé, le camphre, le sucre exportés via Tamsui), sur les grands travaux (routes, modernisation des ports) et sur la politique indigène (gestion des territoires aborigènes de montagne, missions de pacification). Elle abrite notamment le Conseil provincial et les services de la trésorerie, de la défense, des travaux publics, etc., pour l’ensemble de l’île. On peut dire que Taipei incarne le pouvoir colonial Qing dans toute sa structure : y résident le représentant de l’empereur (le gouverneur) et tous les rouages civils et militaires nécessaires pour administrer une province frontalière.

Sur le plan symbolique, la ville fortifiée revêt une importance capitale. Ses hauts murs, ses portes solennelles et ses temples officiels envoient un message clair : l’empire Qing est présent et souverain à Taïwan. Pendant longtemps, les autorités impériales avaient hésité à investir dans des constructions durables sur l’île, perçue comme un territoire lointain et potentiellement instable. La construction de Taipei avec toutes les marques d’une capitale (murailles, yamen, académie, temple de Confucius, etc.) signifie un changement de doctrine : Taïwan n’est plus un “front pionnier” négligé, mais fait désormais partie intégrante de l’empire. Le nom même de la porte du Nord, Cheng’en Men (« Porte de la Grâce Impériale »), symbolise cette volonté de relier formellement Taipei au trône de Pékin. À l’intérieur de la ville, les rituels confucéens, les célébrations au temple du dieu des Murailles ou les cérémonies militaires renforcent l’idéologie de loyauté à l’empereur et au système impérial.
La ville fortifiée de Taipei sert aussi de vitrine coloniale face aux étrangers. Les consuls et négociants occidentaux qui visitent Taipei à la fin du XIXème – même s’ils résident plutôt dans les ports ouverts comme Tamsui – constatent que la Chine y exerce un contrôle ferme. Contrairement à certaines régions continentales semi-colonisées, ici c’est l’architecture et l’organisation Qing qui dominent. Cette démonstration de souveraineté n’empêchera pas l’issue de 1895 (cession de l’île au Japon), mais jusqu’au bout la présence de fortifications et d’un appareil administratif complet aura matérialisé la revendication chinoise sur l’île.
Enfin, du point de vue des Taïwanais han locaux, l’élévation de Taipei en cité fortifiée procure une fierté et un sentiment de sécurité. Les élites marchandes de Bangka et Dadaocheng, d’abord méfiantes vis-à-vis de l’arrivée de nouveaux fonctionnaires Qing, comprennent vite l’avantage d’avoir la capitale régionale à leur porte : cela stimule le commerce et la modernisation (éclairage, chemin de fer projeté, hôpitaux, etc.). Beaucoup contribuent financièrement à l’embellissement de la ville (comme on l’a vu avec la porte de l’Ouest financée par des marchands locaux). La ville fortifiée devient ainsi un symbole d’ordre et de prospérité aux yeux de la population han fidèle à l’empire, tout en étant l’outil de la domination coloniale sur les populations autochtones.
Interactions avec les populations locales : Han, autochtones, marchands étrangers
Dès sa création, la ville fortifiée de Taipei se trouve au carrefour de plusieurs communautés dont les interactions façonnent l’histoire locale. La majorité de la population du bassin de Taipei est alors d’origine han (Chinois du continent, principalement du Fujian et du Guangdong). Ces colons han exploitent les terres, animent les marchés de Bangka et Dadaocheng, et forment le gros des troupes miliciennes en cas de troubles. L’établissement de Taipei comme centre administratif intensifie la coopération mais aussi parfois les tensions entre ces colons et l’administration Qing.
Du côté han, les notables locaux – souvent de riches négociants de thé ou de riz – gagnent en influence en accueillant la préfecture : ils deviennent interlocuteurs privilégiés du gouverneur et du préfet. Certains obtiennent des postes de conseillers ou de chefs de guildes commerciales reconnues par le yamen. Ils bénéficient de retombées économiques : construction de bâtiments, commandes publiques, arrivée de fonctionnaires à loger et nourrir. D’un autre côté, l’ordre impérial imposé suscite aussi du ressentiment chez certains. Les Qing tentent par exemple de mieux recenser et taxer les commerçants, ou d’interdire certaines pratiques locales jugées indisciplinées. Mais globalement, une sorte de pacte s’établit : l’élite han fournit son soutien (y compris financier) à la fortification et à la défense de la ville, en échange de stabilité et de reconnaissance de ses intérêts. L’exemple emblématique est la donation des marchands de Bangka pour construire le superbe pavillon de la porte Ouest : cela scelle symboliquement l’alliance entre autorités Qing et bourgeoisie marchande locale pour la prospérité de la région.

Les populations autochtones de la région de Taipei, en particulier le peuple Ketagalan (de langue austronésienne), avaient déjà été en grande partie repoussées ou assimilées dans les plaines à l’époque de la fondation de la ville. Néanmoins, des groupes autochtones montagnards vivent encore dans les collines environnantes. Le rapport entre la ville fortifiée et ces communautés est principalement militaire et administratif. La présence d’une citadelle Qing signifie un contrôle plus strict : on accentue les frontières entre les zones han cultivées et les territoires aborigènes, via des palissades et postes de garde dans les montagnes, gérés depuis Taipei. Les fonctionnaires de Taipei supervisent des programmes de « pacification » et de sédentarisation forcée de certaines tribus, offrant théoriquement l’instruction et des outils agricoles en échange de leur allégeance. Dans la pratique, les autochtones subissent une pression accrue : leurs terres de chasse sont peu à peu intégrées aux circuits économiques contrôlés par la ville (forêts de camphre concédées à des monopoles d’État, mines de charbon, etc.). On note toutefois quelques exemples d’interaction pacifique : des représentants de chefferies autochtones viennent à Taipei pour offrir des tributs symboliques au préfet, notamment après 1887 lorsque Taipei devient centre provincial. Ces cérémonies, relatées dans les gazettes, mettent en scène l’intégration des « barbares apprivoisés » sous l’autorité bienveillante de l’empereur. Mais il serait exagéré de parler d’une réelle inclusion : la ville fortifiée demeure largement han-centrique, et les autochtones n’y habitent pas (sauf quelques interprètes ou auxiliaires employés par l’armée). En somme, Taipei sert de base arrière pour la colonisation intérieure de l’île : c’est de là que partent expéditions punitives et traités inégaux imposés aux tribus récalcitrantes.
Quant aux marchands étrangers, leur présence à Taipei-même est limitée, car les traités internationaux de l’époque ne les autorisent à résider et commercer librement que dans les ports ouverts (comme Tamsui, Keelung, ou plus tard Kaohsiung). Néanmoins, l’activité étrangère influence directement la ville. D’abord, via le commerce : le thé de Dadaocheng et les autres produits d’export (sucre, camphre, indigo) sont acheminés jusqu’aux entrepôts de Tamsui grâce aux permis et infrastructures édictés depuis Taipei. Des négociants occidentaux, notamment britanniques et américains, viennent régulièrement à Taipei pour traiter avec les autorités Qing (par exemple pour négocier des allègements de taxes ou la protection de leurs comptoirs). Ils sont reçus au yamen du préfet ou du gouverneur. Ces visites diplomatiques obligent la ville à tenir son rang : on les accueille avec des cérémoniaux soignés, dans les salles d’audience ornées d’inscriptions impériales. Les consuls étrangers établis à Tamsui ou dans le sud envoient aussi des rapports sur la situation à Taipei, notant par exemple la progression de travaux ou les troubles éventuels.
L’ombre des étrangers plane surtout à travers la menace militaire qu’ils représentent dans l’esprit des Qing. La ville fortifiée est construite précisément pour dissuader des ingérences comme celle des Japonais en 1874 ou des Français en 1884. Durant la guerre franco-chinoise, Taipei voit affluer des réfugiés de Keelung, et les étrangers présents (missionnaires, consuls) évacuent temporairement la zone ou se terrent à l’abri des murs. On rapporte que lors de l’attaque française de 1884, la population han de Taipei, y compris les milices civiles, s’est mobilisée autour de Liu Mingchuan pour défendre le nord. Les liens entre la ville fortifiée et les habitants extérieurs se sont ainsi resserrés face à l’ennemi commun. Après ce conflit, les Qing permettent même à un ingénieur étranger (l’Allemand Max Hecht, recruté par Liu) de moderniser les défenses de Tamsui – preuve que l’ouverture technique se fait via Taipei. Paradoxalement, la pression étrangère contribue à moderniser la ville : pour ne pas être à la traîne des puissances occidentales, on y installe les premières lignes télégraphiques, on importe des canons Krupp, on crée un service postal international. Tous ces changements, pilotés depuis la ville fortifiée, modifient la vie des habitants et leur rapport au monde extérieur.
Ainsi, la ville fortifiée de Taipei a servi de nœud de contact entre les Qing et les différentes populations de l’île. Centre de commandement pour la sinisation des autochtones, courroie de transmission des intérêts des marchands han, vitrine vis-à-vis des étrangers, elle a occupé une position charnière, parfois délicate, pour équilibrer coopération et coercition dans le Taïwan de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle.
Évolution et disparition des fortifications au XXème siècle
Le destin de la ville fortifiée de Taipei bascule avec la fin de la dynastie Qing à Taïwan. En avril 1895, à la suite de la défaite chinoise face au Japon lors de la première guerre sino-japonaise, l’Empire Qing cède Taïwan au Japon par le traité de Shimonoseki. Cette passation de souveraineté marque le début de la colonisation japonaise (1895-1945) et la fin du régime Qing sur l’île. La ville fortifiée va alors connaître de profonds bouleversements.

Dès le mois de juin 1895, les troupes japonaises approchent de Taipei (qu’on appelle désormais Taihoku en japonais). Plutôt que de livrer un combat désespéré, la ville est rendue sans destruction majeure : le notable Koo Hsien-jung (辜顯榮), riche marchand de Bangka, négocie l’ouverture de la porte de la ville aux envahisseurs pour éviter un massacre. Les Japonais entrent donc presque pacifiquement dans Taipei, ce qui permet de préserver les bâtiments d’un bombardement. Cependant, très vite, les nouveaux maîtres de l’île entreprennent de transformer l’urbanisme de la capitale coloniale selon leurs besoins.
Dans les premières années du régime japonais, un plan directeur de modernisation urbaine est appliqué : il s’agit d’adapter Taipei aux normes d’une ville coloniale moderne, avec de larges boulevards rectilignes, des édifices administratifs à l’occidentale et un réseau de tramways. Les murailles médiévales sont perçues comme des obstacles au tracé des nouvelles avenues et à l’expansion de la ville. Dès 1899-1901, les travaux de démolition des remparts commencent. La porte de l’Ouest (Baocheng Men), qui se trouvait pile sur l’axe d’un boulevard projeté vers la gare et le fleuve, est la première visée : en 1900, elle est intégralement démontée. Sa disparition provoque un certain émoi parmi la population locale attachée à ce monument, mais l’administration japonaise est déterminée. Dans la foulée, les équipes de chantier rasent l’ensemble des courtines de la muraille. À la fin de 1904, quasiment tous les murs d’enceinte de Taipei ont été démolis, les gravats étant recyclés pour d’autres constructions (par exemple, des segments de pierre furent réutilisés pour bâtir la nouvelle prison de Taipei et des casernes près de l’ex-Porte de l’Est).
Cependant, fait notable, face aux protestations des habitants et à l’avis de certains conseillers, le Gouvernement Général japonais décide de préserver les quatre autres portes principales de la ville (nord, sud, est, petite sud). La destruction de la belle porte Baocheng Men ayant suscité une réaction négative, les autorités coloniales font marche arrière sur la démolition totale des portes restantes. En 1905, Taipei se retrouve donc transformée : les avenues neuves ont pris la place des remparts, dessinant un plan en étoile autour de l’ancien noyau, mais aux coins de l’ancien quadrilatère trônent toujours quatre portes isolées, vestiges du passé. En 1935, dans le cadre d’une loi de préservation du patrimoine historique (史蹟保存法), le gouvernement colonial va même jusqu’à classer ces quatre portes restantes comme “monuments historiques”. Elles deviennent des curiosités intégrées aux parcs ou aux carrefours de la ville japonaise : la porte du Nord se retrouve près de la nouvelle gare ferroviaire, la porte du Sud face au siège de la bureaucratie coloniale, etc.


Après la Seconde Guerre mondiale, en 1945, Taïwan est rétrocédée à la République de Chine (gouvernement nationaliste de Tchang Kaï-chek). Taipei conserve son statut de capitale, cette fois du Taiwan post-impérial. Les portes de la ville Qing sont toujours là, mais vont subir une dernière transformation. Dans les années 1950-60, le régime du Kuomintang (KMT), soucieux de refaçonner l’esthétique de la ville selon l’idéal nationaliste chinois, entreprend de « restaurer » les vieilles portes. Malheureusement, cette restauration s’accompagne d’une altération profonde de leur style architectural. En 1966, sous prétexte d’embellir la ville pour le tourisme, les autorités de Taipei démontent les superstructures originales des portes de l’Est, du Sud et de la Petite Sud. Ces portes Qing, à l’origine dotées de toits en tuiles rouges de style local et de charpentes sobres, sont reconstruites dans un style fantaisiste inspiré de l’architecture des pavillons du nord de la Chine (toits de tuiles vernissées vertes, formes de kiosque à plusieurs étages). Le résultat ne correspond en rien à l’aspect qu’avaient ces portes au XIXème siècle – on parle d’un passé “qui n’a jamais existé”. Seule la porte du Nord (Beimen) échappe à ce remodelage inauthentique : ayant un design plus dépouillé et n’entravant pas la circulation, elle est laissée quasiment telle quelle. C’est pourquoi aujourd’hui Beimen est le dernier vestige authentique de la ville fortifiée Qing de Taipei. Son pavillon à un étage, avec son toit traditionnel en tuiles brunes et ses inscriptions originales, est précieux pour l’histoire.
Les portes Est (Jingfu) et Sud (Lizheng) que l’on peut voir aujourd’hui à Taipei, de même que la Petite Sud (Xiaonanmen), résultent donc de reconstructions du XXème siècle et ont perdu l’essentiel de leur caractère patrimonial Qing. Malgré tout, elles matérialisent encore l’emplacement de l’ancienne enceinte et conservent quelques éléments de base (la maçonnerie basse notamment). À l’endroit de l’ancienne porte Ouest, disparue, une stèle commémorative avait été posée dès l’ère japonaise. Plus récemment, en 2014, la ville de Taipei a inauguré une installation artistique en acier nommée « Impression de Ximen » près de la station de métro Ximen, qui suggère par sa structure l’allure qu’avait autrefois Baocheng Men.
Si les murailles ont disparu, l’héritage de la ville fortifiée reste visible dans le plan de la ville moderne et sa toponymie. De nombreuses références aux cinq portes subsistent : les noms de quartiers comme Ximen (Quartier de la Porte Ouest, aujourd’hui haut lieu commercial et de loisirs), Dongmen (Porte Est, nom d’un marché et d’une station de métro), Beimen (Porte Nord, station de métro et site historique) rappellent le tracé originel de la cité. Le quartier central de Taipei s’est longtemps appelé Chengnei ou Chungcheng, littéralement « l’intérieur de la ville », écho direct de la terminologie Qing pour la ville fortifiée. Même si les murs ont été rasés depuis plus d’un siècle, l’organisation de certaines rues principales suit encore l’ancien quadrilatère : par exemple, Zhonghua Road et Zhongxiao West Road reprennent en partie l’alignement des anciens remparts ouest et sud.
En termes de patrimoine bâti, Taipei a vu s’élever sur l’emplacement de ses anciens remparts des édifices colossaux comme le Mémorial de Chiang Kai-shek ou des complexes administratifs, mais çà et là quelques traces archéologiques refont surface. En 2016, des fouilles lors de travaux du métro ont mis au jour des fragments de fondations de la muraille, suscitant un regain d’intérêt du public pour cette époque. La municipalité s’efforce depuis quelques années de mettre en valeur les vestiges Qing : restauration de Beimen en 2016 (en enlevant une bretelle d’autoroute qui l’enlaidissait), mise en lumière nocturne des portes, ouverture d’expositions historiques. Ces efforts visent à faire prendre conscience aux habitants que Taipei, mégapole moderne, possède une histoire urbaine de plus de 140 ans.
✅ A retenir
- 🏯 Fondation stratégique (1879-1884) : la ville fortifiée est construite pour protéger le nord de Taïwan après l’affaire de 牡丹社事件 (incident de Mudan, 1874).
- 🧱 Remparts imposants : longs de 1,5 km² environ, bâtis en pierre d’安山岩 (andésite), ils font de Taipei la dernière grande cité fortifiée de la Chine impériale.
- 🚪 Cinq portes majeures : 承恩門 (Beimen – Porte Nord), 麗正門 (Nanmen – Porte Sud), 景福門 (Dongmen – Porte Est), 寶成門 (Ximen – Porte Ouest), 重熙門 (Xiaonanmen – Petite Porte Sud), symboles du prestige et de l’organisation urbaine.
- 🗾 Démantèlement sous la période impériale japonaise : dès 1900, les remparts sont rasés pour moderniser la ville ; seules quatre portes subsistent aujourd’hui.
- 🏙️ Un héritage vivant : l’ancien tracé des murs correspond désormais aux grands boulevards de Taipei (中華路, 忠孝西路, 愛國西路, 中山南路).

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