Stellina Chen : dessinatrice de presse et voix taïwanaise sur la scène internationale

Découvrez Stellina Chen, dessinatrice de presse taïwanaise, entre diplomatie, médias internationaux et influence culturelle franco-belge !
Copyright : Stellina Chen

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Insidetaiwan.net a eu la chance d’échanger avec Stellina Chen, dessinatrice de presse taïwanaise au parcours international. Après ses études en diplomatie et relations internationales, et un passage au ministère de l’Économie et des Affaires étrangères à Taïwan, Stellina s’est orientée vers les médias et le dessin de presse.

Collaborant avec des institutions comme Cartoon Movement et Cartooning for Peace, et des médias de renom tels que Le Monde et France 24, elle nous partage son expérience et sa vision du dessin dans le contexte sociopolitique actuel.

Pouvez-vous nous parler un peu de vous et de votre parcours ?

J’ai étudié la diplomatie à Taïwan et les relations internationales à Paris. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai travaillé au ministère de l’économie et des affaires étrangères et puis dans un média taïwanais. J’en avais marre de mon premier emploi et donc j’ai décidé de faire quelque chose de plus créatif. Alors j’ai combiné mes études et ma passion (j’ai passé mon enfance dans un art studio) et c’est ainsi que j’ai commencé à faire des dessins de presse.

Dessiner à Cocobulles – Copyright : Stellina Chen

J’ai commencé à dessiner avec un média taïwanais The News Lens International en anglais à Taïwan en 2017. Après deux ans en 2019, j’ai rejoint Cartoon Movement basé à Amsterdam et Cartooning for Peace basé à Paris qui a été créé par Plantu et Kofi Annan (ancien secrétaire général de l’ONU) pour promouvoir le dessin de presse et aider les dessinateurs menacés par les pouvoirs autoritaires. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à travailler avec les médias français/européens, comme Le Monde, France 24, Courrier International, Le Temps, Voxeurop, etc.

Comment avez-vous découvert le dessin ?

Je pense que ça devrait remonter à mon enfance, quand je lisais des magazines qui publient des dessins de presse chaque semaine. Mais aujourd’hui, ils n’impriment plus de dessins de presse. Bien sûr, quand j’étudiais à Paris, je lisais également le Courrier international, c’est ainsi que j’ai découvert les dessins de presse en France.

Qu’est-ce que vous aimez dans le dessin ?

J’aime la façon dont un seul dessin peut contenir toutes les informations et le sarcasme avec une structure simple et juste quelques éléments. Un dessin peut également remplacer une centaine de mots, il peut être direct, fort et avoir un impact. En particulier, un dessin peut généralement transmettre le message sans barrières linguistiques.

Est-ce que vos origines et la culture taïwanaises influencent votre travail ?

D’une certaine manière, oui bien sûr. Lorsque je contribue à un média occidental sur des dessins concernant l’Asie, j’ai une perspective différente ou plutôt asiatique si on peut dire ça. Ou lorsque je dessine sur des sujets concernant Taïwan, il est certain que j’ai un point de vue local. En termes de style, je suis plus influencé par le style bande dessiné franco-belge.

Quelles sont les différences entre le manga japonais, le manhwa coréen et le manhua chinois avec le dessin taïwanais ?

Je ne suis pas vraiment un spécialiste de bandes dessinées, mais je dirais que comme Taïwan essaie de promouvoir notre propre industrie de la BD, nous aimerions différencier le terme au lieu de tous les couronner comme manga qui se réfère plus au style japonais manga.

Avez-vous des dessinateurs taïwanais à nous recommander ?

Quelques livres sur Taïwan en français, Formose de Li-Chin Lin, Le fils de Taïwan de l’édition Kana, Somnolences de Pei-hsiu Chen, Chroniques de l’île de l’éphémère de Everygreen yeh.

Quels sont les auteurs de bande dessinée franco-belge qui ont influencé votre travail ou que vous appréciez tout particulièrement ?

Il y en a beaucoup, Mœbius, Hergé, Sempé. Un peu plus récent, Riad Sattouf, Coco Boer, Guy Delisle.

Pouvez-vous nous parler de votre travail dans le dessin de presse ?

D’habitude, je me réveille à 10h et je commence à lire les nouvelles (en fait, je lis les nouvelles tout le temps). Parfois, je passe des heures à lire les nouvelles jusqu’à ce que je trouve un angle d’attaque pour le sujet. Une fois que c’est fait, je commence à chercher des références, par exemple le visage de l’homme politique, le drapeau/la forme du pays, etc. Le processus prend environ 3 à 4 heures. Ensuite, je l’envoie soit à un journal, soit à un client si c’est une commission.

Qu’est-ce qui vous attire dans ce domaine en particulier ?

J’aime beaucoup le fait qu’un dessin puissant puisse toucher les gens ou les faire réfléchir. J’aime aussi beaucoup le processus, la manière de résumer toutes les informations dont je dispose et de les intégrer dans un seul dessin.

Quelle est la place du dessin de presse à Taïwan ?

Il n’y a pas beaucoup de médias qui publient encore des dessins aujourd’hui, je ne connais qu’un média anglais, le Taipei Times, qui en publie régulièrement et le Liberty Times qui publie des dessins de Tainanheiming. Je dirais qu’il est plus fréquent de voir des dessinateurs/bédéistes les publier sur leurs réseaux sociaux.

Vous collaborez avec « Cartooning for Peace ». Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste cette collaboration et quelles sont vos contributions ?

L’association CFP a environ 200 membres parmi les dessinateurs du monde entier. CFP collabore avec quelques journaux, dont certains nous envoient des sujets potentiels dans la semaine, nous soumettons les dessins que nous avons et qui correspondent aux sujets.

Ils ont également de nombreux projets pédagogiques ou projets de livres chaque année. L’année dernière, ils ont coorganisé un festival de dessin de presse en Côte d’Ivoire et j’étais l’une des dessinatrices qui y a participé. Nous avons passé quatre jours très enrichissants à dessiner et à donner des conférences.

Comment voyez-vous le rôle du dessin de presse dans la société moderne, en particulier en ce qui concerne la liberté d’expression et la critique sociale ?

Je dirais qu’il joue un rôle important dans la société moderne, une société principalement contrôlée par les nouveaux médias et les médias sociaux, les fausses informations circulent facilement et créent la confusion. Un dessin qui port un message peut circuler plus vite que les mots et peut unir les gens. Il fonctionne également comme un bon outil pour lutter contre l’injustice et l’autorité corrompue ou un gouvernement autoritaire.

Comment choisissez-vous les sujets que vous abordez et quels sont les messages que vous souhaitez transmettre ?

Bien sûr, il faut que ce soit des sujets qui me soient plus familiers ou qui m’intéressent, sinon cela me prendrait trop de temps pour juste consommer l’actualité. Si c’est une commission, il m’arrive parfois d’avoir des clients qui me demandent des dessins sur l’actualité financière, je devrais alors vraiment me plonger dans le sujet.

Je dis souvent que le dessin de presse est comme un commentaire visuel, nous lisons simplement beaucoup d’informations, nous les rassemblons et les intégrons dans un dessin, parfois drôle, parfois sarcastique, parfois triste, mais il contient généralement une analyse ou un point de vue qui incite les gens à penser.

le dessin de presse est comme un commentaire visuel

Stellina Chen

En tant que dessinatrice, quelle est votre approche pour traiter des sujets parfois sensibles ou controversés dans vos œuvres ?

Je n’ai jamais vraiment mis la ligne rouge où je me censure ou j’arrête de dessiner pour certains sujets, mais bien sûr, c’est une question que l’on se pose constamment – peut-on rire de tout ? Je dirais que pour les sujets plus sensibles et controversés, je prends toujours en considération le respect que je dois leur porter. Par exemple, j’ai fait beaucoup de dessins sur les souffrances des enfants et des femmes dans la guerre entre le Hamas et Israël, je préfère montrer le côté humanitaire du sujet plutôt que de dire qui a raison et qui a tort.

Pouvez-vous partager avec nous un moment particulièrement marquant de votre carrière de dessinatrice ?

Je pense que c’est lorsque j’ai assisté à la cérémonie de la retraite de Plantu, le président de notre association Cartooning for Peace. C’était au siège du journal Le Monde. L’ancien président François Hollande, son épouse et la première dame Brigitte Macron étaient aussi là. Je me souviens que quand j’ai été présenté à Madame Macron, elle m’a demandé si c’était libre de faire les dessins de presse à Taïwan. Je lui ai répondu, oui, 100% !

Comment gérez-vous la pression et les délais serrés qui peuvent accompagner le travail de dessinateur de presse ?

Pour simplifier, je travaille tout le temps, je peux dessiner dans le train et dans l’avion, et je l’ai d’ailleurs fait plusieurs fois. Comme je partage mon temps entre Taïwan et France, je dois également tenir compte des décalages horaires, ça signifie que je dois parfois travailler jusqu’à une heure du matin ou avoir visio dans la nuit. Je me souviens d’une fois où je dînais avec une amie au moment de la mort de la reine Elizabeth II et j’ai dû dire à mon amie de partir plus tôt pour que je puisse bosser. La partie la plus délicate, c’est quand quelqu’un meurt.

Avez-vous un projet ou un sujet que vous rêveriez de dessiner dans le futur ?

Je soumets ma candidature pour un projet de résidence où je me concentrerai sur les dessins de la guerre, de la liberté et des migrants. Ces trois grands thèmes me permettraient de dessiner les conséquences des guerres récentes, des déplacements forcés, etc.

Et pour finir pouvez-vous nous donner trois lieux pour les amoureux de BD à Taïwan ?

Taiwan Comic base à Taipei, le musée de la bande dessiné à Taichung, Mangasick une librairie à Taipei.

Couverture du livre – Copyright : Patayo éditions

Découvrir Stellina Chen et son univers :

Son livre, Dans la cour des grands ainsi que tous les autres livres cités dans l’article peuvent être achetés à la librairie française le Pigeonnier à Taipei.


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À propos de l'auteur

  • Luc

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