Grand amateur de films de braquage, je ne peux jamais résister à l’appel d’un scénario bien ficelé, plan soi-disant parfait, mêlant tension, ruse et retournements de situation. Alors, lorsque j’ai découvert l’existence de Breaking and Re-entering (還錢), un film taïwanais promettant un casse inversé avec une bonne dose d’humour, d’action et de critique sociale, je savais que je ne pouvais pas passer à côté. Curieux de voir ce que le cinéma taïwanais pouvait apporter à un genre aussi codifié, je me suis installé, prêt à être surpris. Je l’ai regardé… et j’en suis ressorti à la fois amusé, impressionné et, il faut bien le dire, agréablement déconcerté. Voici donc mon avis – et bien plus encore – sur cette comédie d’action pas comme les autres.
Résumé de l’intrigue (sans spoilers majeurs)
Breaking and Re-entering est une comédie d’action qui renverse le concept traditionnel du film de casse. L’histoire suit Chang Po-chun (interprété par Chen Bo-lin), un voleur charismatique à la tête d’une petite équipe de cambrioleurs unie comme une famille. Au début du film, Po-chun et ses comparses – le maître du déguisement « Oncle » Bin (Frederick Lee), le hacker farceur Kao (Kent Tsai) et le costaud loyal Wen-hao (JC Lin) – réalisent avec brio le cambriolage d’une grande banque taïwanaise, la Wanxi Bank, pendant la nuit du Nouvel An. Cependant, leur victoire est de courte durée : en prenant la fuite, ils découvrent qu’ils ont été doublés. Le cerveau qui les a engagés n’est autre que Chen Hai-jui (Wu Kang-Ren), le jeune PDG héritier de la banque, qui a monté ce braquage pour s’approprier illicitement un milliard de dollars. Cynique et sans scrupules, Chen prévoyait de faire tuer les voleurs et de faire porter le chapeau du cambriolage à deux de ses employés innocents – dont Shen Shu-wen (Cecilia Choi), une employée modèle sur le départ qui se trouve être l’ancienne petite amie de Po-chun.

Apprenant ce plan machiavélique, Po-chun ne peut abandonner Shen Shu-wen à son sort. Toujours attaché à elle, il la prévient du danger et rallie son aide. Ensemble, les complices élaborent alors une stratégie aussi audacieuse qu’originale : réintroduire l’argent volé dans le coffre de la banque afin de disculper Shen et piéger le vrai coupable, Chen. Commence alors un « casse à l’envers » haletant, où nos anti-héros doivent infiltrer la banque aussi habilement qu’ils l’avaient cambriolée. La tension monte à mesure que le plan se déroule, ponctué de quiproquos et de retournements de situation comiques. Une scène montre Oncle Bin déguisé en bras droit du patron pour infiltrer les lieux – gag qui tourne court lorsque le véritable employé arrive plus tôt que prévu, forçant l’équipe à improviser dans la panique la plus burlesque. Tout au long du récit, les enjeux restent clairs sans divulgâcher la conclusion : Po-chun et sa bande parviendront-ils à remettre l’argent en place et à confondre le PDG corrompu ? Le film entretient un suspense ludique jusqu’au bout, mêlant habilement humour et adrénaline dans cette course contre la montre inventive.
Réalisation, mise en scène et aspects techniques
Le jeune réalisateur Leo Wang Ding-lin insuffle au film un rythme trépidant et une mise en scène astucieuse qui servent à la fois l’action et la comédie. Breaking and Re-entering dure moins de 1h50 et ne connaît quasiment aucun temps mort : Wang garde les événements en mouvement constant, alignant les péripéties à un « rythme d’enfer » pour éviter toute baisse de régime. Inspiré par les classiques du casse (le réalisateur avoue avoir visionné la saga Ocean’s des dizaines de fois), il en reprend les codes visuels tout en les parodiant avec brio. La réalisation multiplie ainsi les montages en flash-back explicatifs, les retours en arrière, les split-screens et autres effets de style dynamiques pour expliquer les rouages du plan et les tours de passe-passe de l’équipe. Ces choix de montage ingénieux – bien qu’un peu déroutants si l’on n’y prête pas attention – donnent une énergie folle au récit et permettent de clarifier une intrigue qui aurait pu sembler complexe. Wang se paie même le luxe de pasticher le heist movie classique en montrant l’envers du décor du cambriolage lors de révélations finales retraçant comment chaque difficulté a été surmontée. Ce clin d’œil aux Ocean’s Eleven et consorts apporte une satisfaction ludique au spectateur, même si la longue séquence explicative de fin pourrait paraître légèrement excessive à certains.

Visuellement, le film est soigné tout en restant volontairement cartoon. La photographie de Garvin Chan valorise aussi bien l’élégance high-tech des coffres-forts et des salles de contrôle que la maladresse des situations comiques. La direction artistique joue sur le contraste entre l’univers clinquant de la haute finance (bureaux luxueux, systèmes de sécurité laser dignes de Mission: Impossible) et les expédients bricolés de notre bande de voleurs. L’équipe utilise des gadgets aussi improbables que des galettes à l’oignon explosives pour créer des diversion – un détail farfelu tout droit sorti de l’imagination des scénaristes mais so Taïwan ! Ce mélange d’éléments high-tech et de trouvailles excentriques donne au film un ton léger et décalé. La musique, composée par Chris Hou, accompagne efficacement cette tonalité. Elle alterne entre des morceaux entraînants lors des montages de préparation du casse (soulignant l’excitation de l’action) et des thèmes plus doux pour les instants émouvants ou romantiques. Sans être envahissante, la bande-son sait souligner les gags visuels et maintenir l’atmosphère enlevée du film. Un bon exemple est la séquence où un portail automatique ultra-moderne s’ouvre désespérément lentement, empêchant ironiquement le méchant de s’enfuir : le silence comique et la petite musique d’attente rendent la scène hilarante. L’ensemble de ces choix de mise en scène – humour visuel, montage nerveux, esthétique soignée – crée un film au ton résolument divertissant, qui ne se prend jamais trop au sérieux et embrasse pleinement son statut de divertissement pop-corn assumé.
Interprétation des acteurs et personnages
Le film réunit une distribution pan-asiatique de qualité, avec des acteurs qui s’amusent visiblement dans leurs rôles et dont la complicité à l’écran est communicative. En tête, Chen Bo-lin campe un Chang Po-chun très attachant. L’acteur réussit à incarner ce « voleur au grand cœur » avec un mélange de charisme malicieux et de vulnérabilité. Tantôt leader sûr de lui orchestrant les opérations, tantôt homme amoureux rongé par la culpabilité, Chen Bo-lin navigue entre l’action et la comédie avec aisance. Son jeu rappelle par moments le style des héros de Stephen Chow – cet air d’homme ordinaire un peu maladroit qui se transcende face à l’adversité.

Face à lui, Cecilia Choi apporte une touche d’émotion dans le rôle de Shen Shu-wen, la banquière intègre mêlée malgré elle à toute cette affaire. Son personnage, loin d’être un simple faire-valoir romantique, fait preuve de courage et d’initiative : Choi la joue avec finesse, oscillant entre la colère (lorsqu’elle reproche à Po-chun sa disparition soudaine cinq ans plus tôt) et la tendresse (lorsqu’elle réalise les sacrifices qu’il a consentis pour elle). Leur relation offre quelques moments doux et sentimentaux, insérés par touches légères sans jamais ralentir le récit – on pense à ces flashbacks attendrissants de leur idylle passée, filmés en lumière douce, qui expliquent leur lien sans trop appuyer le mélo.

Autour d’eux gravite la galerie haute en couleur des complices, qui font tout le sel comique du film. Frederick Lee, en « Oncle Bin », cabotine délicieusement en vieux roublard expert en déguisements. Il amuse autant ses camarades que le public en se grimant tour à tour en employé servile ou en dignitaire bedonnant, tout en sermonnant les plus jeunes comme un patriarche un peu envahissant – un trait humoristique souligné par son habitude de raconter les exploits de ses enfants à tout bout de champ. Kent Tsai, qui joue le hacker Kao, apporte une énergie juvénile et un humour bon enfant : son personnage enchaîne les blagues potaches (il est fan de blagues « carambar » numériques) et refuse catégoriquement toute violence létale, donnant lieu à des répliques décalées quand la situation devient dangereuse. JC Lin, en Wen-hao le combattant expert en arts martiaux, impressionne par sa présence physique tout en faisant rire par son flegme – son personnage taciturne cache en effet une tendresse secrète pour Po-chun, donnant lieu à des moments de jalousie comique dès que Shen réapparaît dans leur vie. Ce sous-texte d’affection non dite entre les deux hommes est traité avec humour et bienveillance, sans jamais tomber dans la moquerie déplacée, ajoutant une couche de complicité supplémentaire au groupe. L’alchimie collective est indéniable : les quatre comparses forment un « gang de bras cassés » sympathique et soudé, et les acteurs réussissent à transmettre cette camaraderie à l’écran avec chaleur. On croit à leur histoire partagée – Wen-hao rappelle qu’il doit la vie à Po-chun qui a pris une balle à sa place, on ressent la loyauté indéfectible qui unit l’équipe. Cette cohésion donne envie de soutenir ces gentils voyous dans leur entreprise folle.
Enfin, le méchant de l’histoire vole parfois la vedette aux héros par son jeu il faut le dire parfait : Wu Kang-Ren incarne Chen Hai-jui, le PDG vaniteux, avec une extravagance mesurée juste comme il faut. Son Chen est immédiatement antipathique et ridicule à la fois – un « gosse de riche » revenu des États-Unis, qui se croit supérieur à tout le monde. Wu Kang-Ren joue ce côté arrogant de manière très drôle, notamment à travers la manière de parler très affectée de son personnage : Chen truffe son mandarin d’expressions anglaises et prend un accent américanisé exagéré (un accent ABC, American Born Chinese) qui fera sourire tous les spectateurs sinophones. Ce détail linguistique, outre son effet comique, caractérise parfaitement le personnage – prétentieux au point d’en oublier sa propre langue maternelle. Chaque apparition de Chen à l’écran apporte son lot de gags satiriques : on le voit ainsi présenter son crypto-monnaie « BST » en fanfaronnant devant les caméras avec le slogan creux « Peace, Love, and Money » et un geste de main ridicule, ou fulminer en franglais lorsque les choses tournent mal pour lui. Le jeu de Wu Kang-Ren équilibre bien la menace (il n’hésite pas à éliminer ses complices ou à trahir tout le monde) et le burlesque (son incompétence réelle contraste avec son ego surdimensionné). Il incarne au fond une satire des nantis corrompus et incompétents, et l’acteur parvient à le rendre à la fois détestable et hilarant. En somme, l’ensemble du casting livre une performance réjouissante, chaque acteur occupant sa fonction, classique et attendue dans ce genre de film, dans le récit (le cerveau, le bourrin, le rigolo, etc.) avec enthousiasme sans jamais éclipser les autres. Cette distribution harmonieuse forme le cœur du film – une équipe de « gentils vauriens » irrésistibles, qui fait écho aux grandes bandes de voleurs du cinéma tout en leur apportant une saveur locale rafraîchissante.

Thématiques principales : corruption, justice et choc des cultures
Sous son apparence de comédie d’action légère, Breaking and Re-entering aborde en filigrane plusieurs thèmes de société contemporains. Le premier est sans conteste la corruption et l’avidité des élites financières. Le personnage de Chen Hai-jui symbolise cette nouvelle génération de dirigeants sans scrupules, prêts à toutes les malversations pour s’enrichir. Héritier d’une banque familiale qu’il n’a pas bâtie lui-même, Chen lance une cryptomonnaie douteuse et prétend vouloir aider les pauvres via une pseudo-charité, alors qu’il ne cherche qu’à gonfler sa fortune personnelle. Son slogan « Peace, Love, and Money » et ses belles paroles sur la philanthropie ne sont qu’une façade hypocrite, bientôt démentie par ses actes criminels. Le film dénonce avec humour ce décalage entre le discours et la réalité des puissants : on rit de voir Chen proclamer l’entraide en public puis traiter ses employés de « simples passagers dont on peut se débarrasser » en privé. Cette satire sociale, bien que légère, rejoint des préoccupations bien réelles à Taïwan (et ailleurs) sur la confiance envers les institutions financières et la morale de leurs dirigeants. Le scénario apporte une réponse jubilatoire à cette corruption : c’est précisément en exposant la vérité que Po-chun et sa bande entendent rendre justice. Leur idée de restituer l’argent volé vise à révéler le complot de Chen et à laver les innocents accusés à tort. Ce faisant, le film célèbre une forme de justice sociale par la débrouillardise, un peu anarchique certes, mais diablement satisfaisante. On prend fait et cause pour ces bandits au grand cœur qui corrigent les torts du système, rappelant en cela l’héritage de Robin des Bois (même s’ils plaisantent eux-mêmes sur le fait qu’ils « volent aux riches pour… se donner à eux-mêmes ! »). La morale est espiègle mais claire : l’appât du gain et l’égoïsme finissent par perdre les nantis corrompus, surtout face à plus petits et malins qu’eux.

Le film met également en avant une valeur collective et fraternelle opposée à l’individualisme forcené. D’un côté, Chen est l’archétype du patron égoïste, qui traite ses sbires comme du jetable et n’accorde sa loyauté à personne – il va jusqu’à abattre de sang-froid un homme de main qui osait se plaindre de ne pas être respecté. De l’autre, Po-chun et son équipe opèrent sur la solidarité et la confiance mutuelle. Ils se considèrent comme une famille unie par un pacte de loyauté indéfectible : chacun est prêt à risquer sa vie pour les autres, comme Po-chun l’a fait par le passé pour Wen-hao. Cette différence de philosophie est au cœur du récit et sert un message simple : l’union fait la force. C’est en travaillant main dans la main, en combinant leurs compétences variées et en se serrant les coudes que les voleurs réussiront l’impossible casse inverse. Une scène explicite cette idée avec humour : lors d’un montage préparatoire, Po-chun répète à ses comparses que leur arme secrète est le travail d’équipe, pendant qu’en parallèle Chen, trop sûr de lui, sous-estime tout le monde et se retrouve isolé dans sa tour d’ivoire. Le film valorise ainsi l’esprit de groupe face à l’arrogance individualiste. C’est une thématique fédératrice qui parlera au public taïwanais, où la notion de communauté et d’entraide est culturellement importante, mais aussi universellement aux spectateurs fatigués des « méchants PDG » impunis. Sans lourdeur, Breaking and Re-entering propose donc en filigrane une critique sociale douce-amère : il rappelle que les gros poissons ne peuvent prospérer que tant que les petits poissons restent dispersés – une fois unis, ces derniers peuvent renverser l’ordre établi, même par les moyens les plus farfelus.

Enfin, le film joue astucieusement avec les dynamiques culturelles et linguistiques propres à Taïwan, ce qui enrichit son humour. On a mentionné l’accent ABC et le mélange anglais-chinois du personnage de Chen : c’est l’un des ressorts comiques liés à la langue. Cette caricature d’un Taïwanais américanisé, persuadé que parler en chinglais le rend supérieur, fait écho à une réalité dans la société taïwanaise où les élites éduquées à l’étranger peuvent parfois revenir avec des tics de langage ou un air condescendant. Le public local s’amusera de voir ce « banana man » (jaune dehors, blanc dedans) tourné en ridicule, et même les spectateurs internationaux peuvent saisir la moquerie grâce aux sous-titres. De plus, Breaking and Re-entering n’hésite pas à intégrer du dialecte taiwanais (minnan) dans certains dialogues, en alternance avec le mandarin standard, ce qui ajoute de l’authenticité aux interactions entre personnages de milieux différents. Lorsque nos voleurs discutent entre eux loin du monde policé de la banque, il leur arrive de lâcher des expressions bien de chez eux, intraduisibles, qui ancrent l’histoire dans la réalité taiwanaise. Ces touches culturelles – loin d’alourdir le film – le colorent d’une saveur locale savoureuse pour qui est familier de Taïwan, tout en restant suffisamment explicites pour faire rire un public étranger. Le choc culturel est d’ailleurs un sous-thème lui aussi traité de manière humoristique : Chen se vante de ses études aux États-Unis, mais c’est l’intelligence locale et pragmatique de Po-chun qui l’emporte; Shen Shu-wen représente quant à elle la nouvelle génération de Taïwanais instruits, modernes mais attachés à des valeurs d’éthique, face à un patron népotique archaïque. En filigrane, on peut y voir une métaphore des dynamiques sociales à Taïwan, entre tradition d’entraide, influence occidentale, et affirmation d’une identité propre. Le film ne prétend pas délivrer un grand message patriotique, mais il met en lumière avec bienveillance ces petits éléments du quotidien taiwanais (langue, accents, rapports hiérarchiques, etc.) qui lui donnent une identité culturelle marquée. Cet ancrage local, allié à un humour universel, fait de Breaking and Re-entering une œuvre qui parle à la fois au public taïwanais et aux spectateurs étrangers curieux de cette culture.
Impact culturel, accueil du film et portée internationale
À sa sortie, Breaking and Re-entering a rencontré un succès notable à Taïwan, tant auprès du public que de la critique locale. Le film est sorti en salles le 8 février 2024, en pleine période du Nouvel An lunaire (moment stratégique où les comédies familiales attirent les foules), et a su tirer son épingle du jeu parmi les films de fête. Il a engrangé plus de 41 millions de dollars taïwanais de recettes au box-office national, un score très honorable qui le place parmi les succès locaux de l’année. Le bouche-à-oreille a été globalement positif : les spectateurs ont salué un divertissement « frais et drôle », appréciant notamment le concept original du casse inversé et la chimie du casting. Beaucoup ont été sensibles à l’humour très taïwanais du film (certains gags linguistiques ou culturels ont fait mouche sur les réseaux sociaux taïwanais, alimentant des mèmes et des discussions en ligne). Le personnage de Chen et son accent ABC exagéré, par exemple, ont déclenché des réactions amusées, certains y voyant une satire osée de figures bien réelles du monde des affaires. Sur le plan critique, la presse taïwanaise a accueilli le film avec bienveillance, soulignant qu’il s’agissait d’une réussite dans le genre de la comédie d’action locale, un genre finalement peu exploré à Taïwan ces dernières années. On a comparé l’alchimie de l’équipe de voleurs à celle de certaines comédies hongkongaises des années 90, tout en notant la touche moderne apportée par la réalisation. En somme, sur son territoire d’origine, Breaking and Re-entering a su trouver son public et s’imposer comme un divertissement de qualité, preuve qu’un cinéma de genre taïwanais peut rivaliser avec les productions étrangères lorsqu’il capitalise sur ses forces culturelles.
L’impact du film ne s’est pas limité à Taïwan. Breaking and Re-entering a rapidement voyagé à l’étranger, porté par l’attrait de son concept et de son énergie communicative. Il a été sélectionné en première nord-américaine au New York Asian Film Festival 2024, où il a été projeté en juillet devant un public international curieux de découvrir ce « reverse heist movie » déjanté. Cette exposition en festival a contribué à attirer l’attention de la plateforme Netflix, qui a acquis les droits de distribution mondiale du film. Ainsi, dès la fin 2024, Breaking and Re-entering est devenu accessible en streaming dans de nombreux pays, ce qui a largement étendu son audience. Sur Netflix, le film a pu toucher un public nouveau, y compris des spectateurs qui ne connaissaient pas le cinéma taïwanais. Beaucoup l’ont découvert par curiosité et ont été agréablement surpris par ce cocktail d’action et d’humour inhabituel. Les critiques internationaux, de leur côté, ont réservé un accueil plutôt positif. Sur Rotten Tomatoes, le film affiche un taux d’approbation de 80% (pour l’instant basé sur quelques critiques professionnelles). Des sites anglophones spécialisés ont souligné ses qualités de divertissement : la South China Morning Post parle d’« une aventure délicieusement divertissante, riche en rires gras et en romance sincère, qui ne menace jamais de lasser le spectateur ». Le critique James Marsh salue son côté « comique et enlevé », et le site LeisureByte le décrit comme « un casse inversé délicieusement dingue et plein d’une romance sucrée, idéal pour quiconque cherche un divertissement léger et ininterrompu ». Ces retours confirment que le film fonctionne bien sur un public international en quête de plaisir sans prise de tête. Certains critiques occidentaux relèvent certes que l’humour n’est pas toujours politiquement correct (le film se moque de certains stéréotypes, y compris via le personnage de Wen-hao dont l’admiration pour Po-chun est tournée en dérision affectueuse), mais dans l’ensemble, la plupart s’accordent à dire que Breaking and Re-entering est un divertissement rafraîchissant. Il apporte une touche d’originalité venue d’Asie, avec un « vibe » populaire taïwanais distinct du ton plus cynique des films de casse occidentaux récents.

Culturellement, l’exportation de Breaking and Re-entering via Netflix est significative. Cela montre l’attrait grandissant du cinéma taïwanais sur la scène internationale, dans le sillage de succès comme La Vie de nos ancêtres ou des séries taïwanaises qui ont trouvé un public hors de l’île. Le film de Leo Wang, sans prétendre au statut de chef-d’œuvre, agit comme un ambassadeur ludique de la culture pop taïwanaise : il présente des acteurs taïwanais de premier plan, utilise plusieurs dialectes, et mélange les influences asiatiques et occidentales de manière décomplexée. Voir un public américain ou européen rire des mêmes gags que le public local (même s’ils n’en perçoivent pas toutes les nuances) est un petit pas vers la diffusion de l’humour taïwanais à l’international. De plus, le succès critique relatif du film en festival et en streaming peut encourager d’autres réalisateurs taïwanais à investir le créneau des comédies d’action de qualité, en sachant qu’il y a une audience au-delà des frontières. En somme, Breaking and Re-entering a eu un impact culturel double : à Taïwan, il a revitalisé le box-office du Nouvel An en proposant une alternative locale dynamique aux blockbusters importés, et à l’international, il a contribué à faire connaître le savoir-faire taïwanais en matière de divertissement cinématographique, prouvant qu’avec de l’inventivité et du cœur, on peut parler à tous les publics.
Comparaisons avec d’autres films de casse et originalité de Breaking and Re-entering
Le cinéma de casse (ou heist movie) est un genre ancien et codifié, riche en références incontournables – des braquages stylisés de la saga Ocean’s Eleven aux opérations haute tension de Heat, en passant par des œuvres plus récentes comme la série espagnole La Casa de Papel (Money Heist). Dans ce contexte, Breaking and Re-entering parvient à tirer son épingle du jeu en apportant une touche originale et divertissante qui le distingue de ses prédécesseurs. La première singularité, évidente, est ce concept de « casse inversé ». Alors que presque tous les films de braquage se concentrent sur comment voler un magot, le film de Leo Wang explore l’idée inédite de comment le remettre en place sans se faire prendre. Cette simple inversion narrative débouche sur des situations nouvelles, imprévisibles pour le spectateur aguerri du genre. Même un habitué des arnaques cinématographiques sera dérouté (dans le bon sens) par ce scénario où les héros doivent déployer autant d’ingéniosité pour cambrioler à l’envers. Comme le note un critique, « si cela a déjà été fait avant, je veux bien qu’on me corrige, mais c’est une grande première pour moi ». En effet, cette idée de reverse heist confère au film un parfum de fraîcheur : on ne sait jamais tout à fait à quoi s’attendre, car les codes habituels sont renversés. Par exemple, là où un Ocean’s Eleven classique culminerait avec la fuite triomphale des braqueurs emportant l’argent, Breaking and Re-entering trouve son climax dans la scène opposée – nos héros coinçant le méchant avec l’argent resté dans le coffre, une situation aussi satisfaisante qu’inhabituelle. Cette originalité scénaristique est sans doute le principal atout du film, qui rend hommage au genre tout en le renouvelant.


En termes de ton et de style, Breaking and Re-entering se compare et se contraste aussi de manière intéressante avec d’autres œuvres du même registre. Contrairement aux casses hollywoodiens récents souvent teintés d’un humour cynique ou sophistiqué (Ocean’s Eleven et ses suites jouent sur la coolitude et l’élégance feutrée des voleurs, Money Heist adopte un angle plus sombre et engagé), le film de Wang Ding-lin assume un registre beaucoup plus loufoque et bon enfant. On pourrait dire que c’est le parent le plus proche d’un Ocean’s Eleven version asiatique en mode comédie effrénée : Film School Rejects a d’ailleurs qualifié Breaking and Re-entering de « plus proche chose d’un film d’Ocean’s par Soderbergh qui ne soit pas de Soderbergh lui-même ». On retrouve en effet dans le film taïwanais le plaisir du plan astucieux, du montage alterné montrant chaque membre de l’équipe à l’œuvre, et la satisfaction du puzzle final où toutes les pièces s’imbriquent. Cependant, la comparaison s’arrête là, car Leo Wang ne cherche pas la classe ou la retenue : il privilégie une veine comique débridée, plus proche du cinéma hongkongais de Stephen Chow ou de certaines comédies d’action coréennes. Là où Danny Ocean et sa bande opèrent avec un flegme chic, Po-chun et ses acolytes accumulent les gags physiques et les situations rocambolesques (pensez à la panique générale quand un imprévu survient, ou aux gadgets absurdes comme les pancakes explosifs). Cette approche humoristique rappelle des films comme Crazy Stone (comédie de casse chinoise de 2006 réalisée par Ning Hao), qui mêlait aussi braquage et humour absurde avec succès. Crazy Stone jouait sur l’affrontement entre petites frappes et riches industriels pour une pierre précieuse, dans un style burlesque que Breaking and Re-entering perpétue à sa manière – ici, l’objet de convoitise est l’argent de la banque, mais le principe du chat et de la souris avec une bonne dose de dérision est similaire. De même, on peut rapprocher Breaking and Re-entering de certaines comédies d’action hongkongaises des années 1980-90 (comme la série des Aces Go Places/Mad Mission), qui mettaient en scène des voleurs gaffeurs dans des intrigues bondissantes. Le film de Leo Wang semble s’inscrire dans cette filiation en rajeunissant le genre : humour plus actuel, références locales, et un rythme adapté aux spectateurs d’aujourd’hui.
Par rapport aux films taïwanais du même genre, il faut admettre que la concurrence directe n’est pas immense – le cinéma taïwanais étant davantage reconnu ces dernières années pour ses drames, thrillers sociaux ou romances que pour ses comédies d’action. Breaking and Re-entering arrive donc sur un terrain relativement neuf à l’échelle nationale, et il apporte une bouffée d’air frais. Il prouve qu’on peut faire, à Taïwan, un film de casse divertissant de calibre international tout en y injectant l’humour local et des thématiques pertinentes. En ce sens, on peut dire qu’il ouvre la voie, tout comme The Thieves (2012) l’avait fait en Corée du Sud en mixant blockbuster de braquage et fun grand public, ou comme Kung Fu Yoga (2017) avait tenté de le faire en Chine en mariant action décomplexée et humour (même si dans ce dernier cas le résultat était plus mitigé). Breaking and Re-entering évite l’écueil de la parodie lourde ou du pastiche raté : il trouve son équilibre entre l’hommage aux classiques du film de casse et l’affirmation d’un style qui lui est propre. On y retrouve « les ingrédients essentiels du genre – un butin, un plan, une équipe – parfaitement exécutés, mais assaisonnés d’une bonne dose de créativité » note un critique, qui salue l’utilisation inventive de flashbacks et d’angles de caméra multiples pour maintenir une dynamique soutenue tout au long du film. En d’autres termes, le film apporte sa pierre à l’édifice du genre en prouvant que même en 2024, on peut encore surprendre et amuser le public avec une histoire de braquage.

Mon Avis : ⭐⭐⭐⭐⭐
En conclusion, Breaking and Re-entering (還錢) s’impose comme une comédie d’action réussie et généreuse, qui allie le frisson du casse au rire de la farce avec une aisance réjouissante. Son intrigue de casse inversé offre un spectacle à la fois haletant et décalé, porté par une réalisation rythmée et inventive. La troupe d’acteurs, soudée et talentueuse, donne vie à des personnages attachants dont on suit les aventures avec plaisir. Au-delà du divertissement pur, le film parvient même à glisser un message positif sur l’esprit d’équipe et une critique maligne de la corruption des puissants, sans jamais perdre sa légèreté. Que l’on soit fan de films de braquage ou simple amateur de comédies, Breaking and Re-entering procure un plaisir coupable des plus satisfaisants, rappelant que parfois les meilleurs plans ne se déroulent pas comme prévu – pour notre plus grand bonheur de spectateur. En somme, Leo Wang signe ici une œuvre divertissante et originale qui, sans révolutionner le genre, lui apporte une bouffée d’air frais tropicale. Un film « coup de cœur » à découvrir pour passer un excellent moment, et une belle vitrine du savoir-faire taïwanais en matière de cinéma ludique et bien ficelé. On en redemande, encore !
Le film est disponible sur Netflix (plusieurs langues). Et également sur Youtube (en chinois)

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