Aujourd’hui nous partons à la rencontre d’Evgeny Bondarenko, artiste peintre et dessinateur, installé à Taïwan qui rend hommage à la célèbre Tour 101, à travers une série de dessin à l’aquarelle. Né en Russie en 1986 il est diplômé de l’Ecole des arts de Rostov-sur-le-Don. Il présente une dizaine d’expositions personnelles à Shangaï et ailleurs, suite à sa résidence au Swatch Peace Hotel. Après de nombreux voyages, notamment en Asie, il s’installe à Taïwan où il tombe amoureux de l’île et de ses habitants. Son art contemplatif et à la recherche du détail est à son image, moderne mais à la fois cherchant à rendre hommage aux anciens.
Bonjour Evgeny. Merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Peux-tu te présenter pour nos lecteurs, s’il te plaît ?
Je suis un artiste et illustrateur de voyages qui dessine des expériences de vie dans des villes du monde entier depuis 2010. En commençant ces voyages, j’ai voyagé dans six pays et plus de trente villes, dont Pékin, Shanghai, Hong Kong, Macao, Moscou, St Pétersbourg, Paris et Taipei. Mes dessins sont plus que de simples notes de voyage ; il s’agit plutôt d’une recherche sur les modes de vie et les perceptions des gens à l’instant T.
Quelles sont tes influences en tant qu’artiste ?
Mes goûts artistiques sont influencés par les bandes dessinées américaines et les mangas japonais que j’ai lus dans mon enfance. Ensuite, à l’école des arts, j’ai été littéralement, happé par le mouvement des artistes russes classiques, connus sous le nom « The Wanderers » (Société pour les expositions d’art itinérantes en 1870 qui comprend des artistes comme : Repin, Polenov, Levitan, Shishkin, etc.). J’aime l’idée d’explorer la vie quotidienne et de montrer sa nature vraie et transcendantale. En matière de technique, mes artistes préférés sont : Jean Giraud, Katsuhiro Otomo et Tsutomu Nihei.
Quel est ton premier souvenir de Taïwan ?
Ma rencontre avec des Taïwanais à Shanghai en 2013. J’ai été très impressionné par la façon dont ce peuple est brillant et positif.
Qu’est-ce qui a attiré ton regard, en tant qu’artiste, sur l’île ?
En général, c’est un sujet très difficile à décrire avec des mots, sinon je serais poète. Pour moi, il vaut mieux montrer que s’exclamer. Parce que chaque fois que j’essaie de dire ce qui m’impressionne, il se trouve que je répète un cliché commun sans message réel. Taïwan a un esprit ou des vibrations qui ont attiré mon attention. Et quand je me concentre sur eux, je commence à voir des choses. Ces vibrations organisent la matière et les formes, on peut appeler cela la force vitale. Plus prosaïquement, j’aime, aussi vraiment le métro surélevé de Taiwan, la vue de celui-ci, est toujours source d’inspiration pour moi ou tout simplement intéressante.
Pourquoi as-tu choisi de rendre hommage à la Tour 101 à travers tes dessins ?
Habituellement, je dessine des endroits absolument au hasard qui n’ont aucune valeur commerciale et je vois combien les gens sont confus pour comprendre ma démarche. Ce n’est pas populaire et j’ai du mal à vendre mes œuvres. J’ai donc finalement suivi le conseil de « dessiner des monuments célèbres ». Mais je ne peux pas dessiner, seulement, un bâtiment de manière flagrante, c’est trop ennuyeux et rigide. Au lieu de cela, j’ai décidé de dessiner une vue à travers des lieux urbains « de tous les jours ». Ensuite, je me suis souvenu de la série d’Hokusai avec la montagne Fuji, alors j’ai décidé qu’en faire un hommage à son travail serait un excellent concept pour cette série artistique.
Comment la série du Mont Fuji d’Hokusai a-t-elle inspiré ton travail ?
Je suis, de manière générale, amoureux de l’art traditionnel japonais, c’est incroyablement esthétique. Se référant également au Mont Fuji, je pense que la Tour 101 a un pouvoir symbolique similaire pour les citoyens de Taipei. Vous pouvez littéralement voir cette tour de presque tous les endroits de Taipei. Je crois que cela dégage une bonne ambiance qui donne aux gens un sentiment de résilience et un avenir radieux. Cette tour a, à l’intérieur, un pendule pour contrebalancer les tremblements de terre et les typhons. Il peut donc également s’agir d’une représentation symbolique d’une personne audacieuse et forte, et ayant un esprit équilibré pour résister aux forces agressives. Taipei 101 est un grand monument architectural avec une technologie d’ingénierie que je veux célébrer avec les habitants qui la voient tous les jours.
Comment trouves tu les endroits pour dessiner ?
Je remarque toujours des endroits intéressants que je peux dessiner plus tard. Alors quand j’en ai l’occasion je retourne y dessiner. Habituellement, ce sont des vues cubistes : j’adore dessiner des véhicules, des tuyaux, des câbles et du béton. Mais je ne recherche jamais délibérément de telles vues. Le point principal est que ce doit être une combinaison intéressante d’éléments visuels, et il est difficile de dire exactement ce que cela peut être à chaque fois. Mes sentiments me guideront, et avoir ce sentiment, c’est quelque chose comme l’amour dès le premier regard. Vous adorez regarder cette vue, même s’il n’y a aucune explication au pourquoi. Donc, je regarde et je traduis mes visions sous forme bidimensionnelle sur le papier, ainsi mon expérience pourra être lue par d’autres personnes. Parfois, je regarde mes anciennes œuvres et je peux dire qu’il y a là quelque chose qui a été acquis de la vie réelle qui les rend vivantes. C’est ce qui rend l’art magique.
Comment les Taïwanais réagissent ils quand tu leur parle de ton projet ?
Les Taïwanais sont très heureux de voir plus d’art sur leur pays. Mes œuvres leur donnent une perspective intéressante pour appréhender leur environnement quotidien, rafraîchissant le regard et révélant de nouvelles profondeurs. Par exemple, une fois, je dessinais dans une gare locale, debout sur le quai avec des gens qui attendaient le train. Un vieil homme s’est approché de moi. Il était très heureux d’avoir l’opportunité d’avoir une conversation en anglais. Parfois, les gens demandent « qu’est-ce que je dessine ici », ce qui m’a d’abord rendu confus, mais ensuite j’ai réalisé que c’est un stéréotype connu qu’un artiste doit dessiner quelque chose de joli ou de renommé. Alors cette fois, le monsieur a voulu comprendre ce que je dessinais ici dans ce lieu banal. Je lui ai montré que j’essayais de capturer toute l’essence de cet endroit. Alors il a regardé autour de lui et s’est exclamé : « Toute ma vie j’ai visité cette gare, mais je jure que je n’ai jamais levé les yeux pour voir tous ces détails, je suis passé machinalement dans le wagon. Mais tu as tout dessiné, tu as vraiment capturé l’endroit comme je ne l’avais jamais vu auparavant, mais maintenant je vois ! ».
Est-ce que tu rencontres des artistes taïwanais et t’influencent ils ?
Tout d’abord, je veux mentionner Krenz, c’est un grand artiste et un professeur fantastique, je continue d’apprendre la technique à ses côtés. J’aime, aussi, beaucoup les oeuvres de M. 張晉霖. Il fait de très belles aquarelles de paysages de Taïwan.
A part le dessin, est-ce qu’il existe d’autres formes d’arts qui piquent ta curiosité et que tu as découvert à Taïwan ?
À Taïwan, il existe de nombreux arts intéressants et à apprécier : la culture traditionnelle aborigène, les défilés de rue et les carnavals. Il y a aussi un incroyable théâtre de marionnettes de Taiwan dans le comté de Yunlin qui est très original et apprécié dans le monde entier. C’est aussi une culture de narration très intéressante basée sur le Kamishibai (forme de théâtre de rue japonais). Mon amie Mme Tang Li-Fang est une figure clé dans la préservation de cette culture, elle voyage et raconte des histoires dans tout Taïwan. Elle a également créé des « maisons d’histoires » où les gens peuvent venir lire et partager leurs propres histoires.
Combien de temps espères tu rester à Taïwan pour réaliser ton projet des 36 Vues de la Tour 101 ?
Je veux rester à Taiwan pour le reste de ma vie. Je vis ici depuis près de six ans et travaille actuellement à l’obtention de la citoyenneté taïwanaise. Le projet « 36 vues sur Taipei 101 » prévoit de se terminer avant l’été 2023. Je prévois également de le publier sous forme de livre illustré.
Et pour finir as-tu d’autres projets que tu souhaiterais réaliser ?
Je travaille sur une histoire, que je réaliserai en bande dessinée. Ce sera une bande dessinée sur un artiste qui voyage, basée sur ma vie :))
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