Estelle Perrault : « Vivons chacune de nos émotions sans jamais essayer de les réprimer. »

Rencontrez Estelle Perrault, chanteuse de jazz franco-taïwanaise et son style de jazz unique, qui rappelle les grandes voix des années 50.
Copyright : Eva Madonia

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Aujourd’hui Insidetaiwan.net vous fait découvrir Estelle Perrault, chanteuse de jazz franco taïwanaise et notre véritable coup de cœur musical. Elevée entre la France et Taïwan, elle mêle ses influences culturelles dans un style de jazz unique, rappelant les grandes voix des années 50 comme Shirley Horn. Partez avec nous à la rencontre d’une voix envoûtante et magique !

Bonjour Estelle, pourrais-tu te présenter pour les lecteurs d’Insidetaiwan.net ?

Bonjour à tous les lecteurs d’Insidetaiwan, je suis Estelle Perrault ou 婷雅 à Taiwan. Je suis musicienne et je pratique le chant. je me suis établie à Paris pour l’instant car c’est une ville relativement riche de sa scène musicale, où le jazz y est effervescent. Mais j’ai toujours eu le goût de l’aventure, une envie d’explorer différents horizons en même temps. J’aime vivre un peu partout c’est difficile de rester dans un seul pays, car il y a tellement de merveilles à découvrir dans le monde.

Cover album – Copyright : Ewa cieszkowska

Peux-tu nous parler de ton enfance entre Taïwan et la France ?

Mon enfance a été un voyage constant entre deux mondes, Kaohsiung à Taiwan et Enghien-les-Bains, Paris en France. Mes parents étant restés chacun dans leur pays d’origine, ça m’a offert la chance d’avoir 2 « chez moi ».

Pour être positive, cette dualité a façonné ma vision du monde et a profondément influencé ma trajectoire personnelle et professionnelle. C’était une expérience enrichissante de pouvoir naviguer entre ces deux cultures, bien que c’était toujours déchirant d’être éloignée de nos proches, où que nous soyons ma petite soeur et moi.

Nous étions scolarisées en France mais mon père étant souvent à l’étranger à cause de sa profession, nous étions presque livrées à nous memes. J’ai toujours remarqué que j’étais plus timide ici qu’à Taiwan, où mon assurance était plus palpable probablement parce que j’y étais plus proche de ma famille.

The Very Thought Of You – Ray Noble – Estelle Perrault

Quels souvenirs de musique as-tu de ton enfance ?

En toute sincérité, mes souvenirs musicaux d’enfance sont plutôt limités. L’envie de chanter a certainement été transmise par les femmes de ma famille Taiwanaise, ma mère, ma tante, ma grand mère, nous étions de grandes fan de Whitney Houston.

Puis au lycée que la musique a pris une nouvelle dimension dans ma vie, j’ai commencé à prendre gout à la danse en étant très exposée à la musique afro-caribéenne. J’y ai pris un goût prononcé. La musique est devenue bien plus qu’un simple accompagnement ; c’était un refuge, une source de stabilité face à toutes les difficultés que je rencontrais.

L’envie de chanter a certainement été transmise par les femmes de ma famille Taiwanaise, ma mère, ma tante, ma grand mère, nous étions de grandes fan de Whitney Houston.

Estelle Perrault

Quelles ont été tes premières expériences de chanteuse ?

Le Jazz n’était pas très répandu là où j’étais à Taiwan, mais les passionnés se sont rapidement trouvés.

J’ai rencontré quelques musiciens à Tainan, notamment un pianiste de jazz qui avait étudié en Australie. Nous avons fait quelques sessions ensemble, et il m’a offert quelques opportunités de scène, puis les gens de mon entourage qui savaient que je me mettais au chant se sont aussi empressé de me proposer des scènes car c’était rare une métisse qui pouvait chanter en Taïwanais. Sans expérience professionnelle préalable, je me suis lancée. Ce n’était pas facile, voire éprouvant, mais cette période a été extrêmement formatrice pour moi.

Quand et comment as-tu découvert le Jazz ?

Après le bac que j’ai pris la décision de m’installer à Taiwan, le besoin d’être près de ma famille était fort. J’ai choisi d’étudier le droit à la Cheng Gong University de Tainan. Une fois de plus, je me suis détachée de tous mes amis en France pour m’installer dans un nouvel endroit où je ne connaissais personne. Pendant cette période, les albums d’Ella Fitzgerald, Joe Pass et Wes Montgomery tournaient en boucle dans mes oreilles. J’étais déjà très tourmentée si jeune alors le Jazz me laissait l’espace de me laisser aller à mes émotions trop mélancoliques pour une fille de 18 ans.

Qu’est-ce que tu aimes dans le Jazz ?

Je pense que je viens de deux cultures où l’individualité n’est pas tant mise en valeur. C’est une vision très personnelle, sans vouloir être critique ou négative, c’est ainsi que je l’ai vécu. Tant la culture taïwanaise que française sont pour moi assez conformistes et très soucieuses du qu’en dira-t-on. La place de la femme est également moindre, du moins dans les milieux dans lesquels j’ai évolué.

Alors, le jazz, je dirais que c’est vraiment une musique qui m’a donné l’impression d’avoir une place pour exister et d’exister comme je le souhaite. Trouver ma voix, la mienne et non celle d’une autre personne, ni celle qu’on attend de moi, a été crucial. Cela peut sembler un peu abstrait, mais il y a aussi beaucoup de symbolique. Le droit à l’erreur, le respect de l’héritage, la recherche du soi et de l’individualité, ce sont toutes ces choses que l’on vit dans cette musique à travers ce qu’on appelle l’improvisation, le rythme, l’harmonie. Puis il y a cette profonde sensation de nostalgie et de rêve que cette musique fait vivre. La possibilité d’entendre plusieurs instruments acoustiques communiquer entre eux de manière si réelle et si précise, c’est vraiment la création d’une vie à chaque fois qu’on joue cette musique.

Le jazz, je dirais que c’est vraiment une musique qui m’a donné l’impression d’avoir une place pour exister et d’exister comme je le souhaite…

Estelle Perrault

Quels artistes de jazz t’inspirent le plus, et pourquoi ?

Mon inspiration musicale provient d’une multitude d’artistes.

Du côté des vocalistes, Lorez Alexandria occupe une place particulière dans mon cœur, son placement rythmique et la sincérité de son phrasé m’envoûtent à chaque écoute. Carmen McRae, avec son interprétation unique et authentique, est une source d’admiration constante, tout comme Sarah Vaughan, qui incarne pour moi la quintessence de la technique vocale classique.

Parmi les pianistes, il y a Bobby Timmons qui se distingue par son jeu très « soulful » et gospel. Thelonious Monk, un maître incontesté, ma toujours captivé par son sens du rythme. J’ai aussi énormément écouté Bud Powell, Barry Harris.

Du côté des soufflants, Clifford Brown (sa créativité dans ses mélodies). Plus contemporain bien que parti trop tot : Roy Hargrove. Puis, la liste est vaste, mais je ne saurais oublier de mentionner mes collègues musiciens de la scène française et new-yorkaise, tels qu’Alain Jean Marie, Rob Clearfield, Matt Chalk, Hermon Mehari, qui ont été d’immenses sources d’inspiration et parfois des mentors essentiels à mon parcours musical.

Comment tes racines influencent-elles ton parcours musical ?

Un élément marquant de mon parcours réside dans le fait que, contrairement à beaucoup de mes collègues/pairs qui ont grandi entourés de musiciens et/ou de musique, le développement de mon oreille musicale n’a pas été aussi naturel pour moi. Cette prise de conscience tardive m a parfois rendu très anxieuse de ne pas pouvoir rattraper le niveau, mais ca fait partie de mon parcours.

Mes parents n’étaient pas ensemble, ce qui nous obligeait à voyager fréquemment entre les deux côtés. Cependant, même d’un coté ou de l’autre, on ne passait que peu de temps avec eux. La stabilité et la cohérence c’étaient des notions très étrangères pour nous. Nous étions constamment ballottés d’un endroit à un autre. Faire de la musique semblait souvent réservé aux enfants dont la vie était plus structurée, plus « normale ».

La musique est devenue pour moi le pilier stable et réel qui a comblé un vide. C’est pourquoi j’ai été si attirée par elle. La musique est ainsi devenue pour moi bien plus qu’une simple expression artistique. Elle a représenté un ancrage, un point de stabilité. C’est cette quête de stabilité qui m’a naturellement orienté vers la musique et notamment vers le Jazz comme discipline.

La musique est devenue pour moi le pilier stable et réel qui a comblé un vide

Estelle Perrault

Comment ta musique a-t-elle évolué depuis tes débuts ?

J’ai beaucoup interprété les standards de Jazz et je continue à le faire, il y a tellement de marge d’interprétation. Ayant eu la chance d’avoir été mandatée pour créer mon précédent album et celui en cours, j’ai été amenée à écrire ma propre musique, je dirais qu’elle est plutôt d’un registre pop avec des inflexions jazz.

Peux-tu nous parler de ton processus de création musicale ?

Je me drogue et j’écris ce qui me vient à l’esprit les 5 premières minutes. Je plaisante, bien sûr 🙂 En réalité c’est très différent d’un morceau à l’autre, je compose seule mais aussi souvent avec d’autres musiciens. J’amène une idée, des accords, une mélodies, parfois plus que d’autres vont compléter et vice versa.

Quels sont tes souvenirs les plus forts de ta jeune mais déjà impressionnante carrière ?

Ma rencontre avec Alain Jean-Marie ce pianiste dont je suis fan que j’ai toujours écouté chez moi et qui s’est retrouvé devant moi un jour au piano à m’accompagner. Puis chaque collaboration avec des musiciens extrêmement talentueux que j’admire.

De quoi es-tu le plus fière actuellement ?

Je suis fière de pouvoir me donner les moyens de poursuivre cette discipline et de toujours être disposée à apprendre plus et grandir.

As-tu des projets à venir qui t’excitent particulièrement ?

L’un d’entre eux oui, j’ai enregistré un album en octobre sur lequel nous continuons de travailler, avec le pianiste américain Rob Clearfield qui en est le directeur artistique.

Quel message souhaites-tu transmettre à travers ta musique ?

Rien est figé dans la vie. Le changement est constant. Vivons chacune de nos émotions sans jamais essayer de les réprimer.

Quels conseils donnerais-tu aux jeunes artistes qui souhaitent explorer le jazz ?

Écoutez, relevez, écoutez, relevez, soyez humbles, ne vous laissez pas impressionner par n’importe qui 🙂

Quels sont tes plus grands rêves et ambitions en tant que chanteuse de jazz ?

Réussir à inspirer d’autres à découvrir cette merveilleuse musique, réussir à transmettre des émotions, et importer cette culture musicale pour qu’elle soit encore plus répandue à Taiwan.

Pour finir quels sont tes 3 endroits préférés à Taïwan ?

N’importe quel spot montagneux à Taïwan, Hehuanshan par exemple. Mon bien aimé Kaohsiung Harbour et bien sûr ma grandma’s place 🙂 !

A Sleeping Bee (feat. Alain Jean-Marie, Clément Daldosso & David Paycha)

Pour écouter Estelle Perrault en live à Taïwan :

Estelle Perrault sera en tournée à Taiwan fin décembre début janvier.

  • Le 30/12/2023 et le 31/12/2023 au Marsalis Jazz Club à Kaohsiung
  • Le 05 et 06 janvier 2024, dans un autre lieu à Kaohsiung à définir,
  • Le 09/01 au Yuppy Bookstore à Taipei.

Connectez vous à ses réseaux sociaux pour confirmer ces dates !

Et pour écouter son album :

Son compte Hyppedit avec les différents liens sur les différentes plateformes musicales comme Spotify, Deezer, Itunes…

Enfin le site Internet d’Estelle Perrault pour suivre son actualité.


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À propos de l'auteur

  • Luc

    Fondateur du webzine francophone Insidetaiwan.net Consultant en développement international 🚀des entreprises en Asie du Sud-Est #Taiwan #Tourisme #Société #Culture #Business #Histoire #Foodie

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