Taïwan peut-elle compter sur l’Europe face aux incertitudes américaines et aux ambitions chinoises

La situation géopolitique incertaine entre Taïwan et les États-Unis, nourrie par Trump, préoccupe l’Europe et stimule la propagande chinoise.
Emmanuel Macron et Donald Trump - Copyright : AFP

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Les récentes déclarations de Donald Trump sur la guerre en Ukraine sèment le doute bien au-delà de l’Europe. À Taïwan (臺灣), ces propos alimentent la crainte d’un soutien américain incertain en cas de crise avec la Chine. Les tensions entre Washington, Taipei et Pékin s’en trouvent ravivées, laissant l’île dans une position précaire. Tandis que les États-Unis envoient des signaux ambigus, Pékin (北京) pourrait y voir une opportunité, et l’Europe s’interroge sur la meilleure manière de soutenir Taïwan sans provoquer davantage la Chine.

Ambiguïtés américaines : un risque géopolitique pour Taïwan

Les volte-face de Donald Trump sur le dossier ukrainien inquiètent Taipei. Lorsque l’ex-président américain suggère que l’Ukraine « aurait dû éviter la guerre » et traite Volodymyr Zelensky de « dictateur », nombre d’analystes y voient un dangereux précédent pour Taïwan​. Ces déclarations font redouter un revirement soudain de Washington « retirant le tapis sous les pieds » de Taïwan en pleine crise​.

Des experts géopolitiques et alliés sonnent l’alarme : Emmanuel Macron a prévenu que montrer de la faiblesse face à Poutine minerait la crédibilité américaine face à Xi Jinping (習近平)​. De fait, Pékin revendique Taïwan comme faisant partie intégrante de son territoire et n’exclut pas de recourir à la force pour s’en emparer.

L’incertitude à Washington érode la perception de sécurité de Taïwan, malgré les assurances officielles de maintien du statu quo. Certes, l’administration Trump compte aussi des figures faucons hostiles à Pékin, qui affirment recentrer l’attention stratégique américaine sur l’Indopacifique​.

Néanmoins, l’attitude imprévisible de Washington – oscillant entre demandes que Taïwan « paie pour sa défense » et promesses implicites de fermeté – entretient un flou stratégique. Cette ambiguïté accroît le risque géopolitique : Taïwan se demande jusqu’où les États-Unis iront pour la défendre, pendant que la Chine jauge la détermination américaine à ne pas répéter en Asie un scénario de désengagement similaire à l’Ukraine.

Taïwan et l’Europe : diplomatie, économie et héritage militaire

Officiellement, aucun pays européen (hormis le Vatican) ne reconnaît le gouvernement taïwanais depuis que la politique d’une seule Chine s’est imposée dans les années 1970​. Cela n’empêche pas des relations diplomatiques officieuses soutenues : l’Union européenne maintient une ligne formelle pro-Pékin tout en développant une coopération étroite avec Taipei dans de nombreux domaines​.

Dès 2021, le ministre des Affaires étrangères Joseph Wu (吳釗燮) saluait l’avènement d’une « nouvelle ère d’échanges » entre Taïwan et l’Europe​. Des délégations parlementaires européennes de haut rang se sont rendues à Taipei, et des bureaux de représentation mutuels facilitent le dialogue. Sur le plan économique, Taïwan et l’Europe sont des partenaires majeurs avec près de 78 milliards d’€ d’échanges commerciaux annuels​.

L’UE est ainsi le 4ᵉ partenaire commercial de Taïwan, et le premier investisseur étranger sur l’île, en particulier dans les secteurs technologiques et industriels. La coopération s’étend aux semi-conducteurs, où Taïwan est un acteur incontournable – l’Europe importe massivement ses microchips, tandis que des entreprises taïwanaises investissent dans des usines en Europe. Côté militaire, l’histoire des relations euro-taïwanaises est marquée par d’importants contrats d’armement durant la Guerre froide tardive. La France, par exemple, a vendu en 1992 à Taïwan 60 avions Mirage 2000-5 et divers missiles pour 22,8 milliards de francs (≈3,47 milliards d’€)​, après avoir fourni six frégates La Fayette l’année précédente. Ces ventes ont provoqué la fureur de Pékin, conduisant Paris à promettre dès 1994 de ne plus livrer d’armes à Taïwan​.

Depuis, les pays européens se sont abstenus de toute coopération militaire formelle avec Taipei. Néanmoins, l’île bénéficie d’un soutien occidental croissant en matière de formation, d’échanges stratégiques et de visites navales symboliques dans le détroit de Taïwan, reflétant l’importance accordée par l’Europe au maintien de la paix dans la région indo-pacifique.

Propagande chinoise et renforcement taïwanais face aux tensions

Pékin exploite activement ces tensions pour façonner l’opinion publique à son avantage en Asie et au-delà. Les volte-face américaines alimentent la propagande chinoise, qui martèle que les États-Unis sont un partenaire peu fiable – hier Kaboul, aujourd’hui Kiev, et pourquoi pas Taipei demain. Des analystes notent que la Chine ne manquera pas de diffuser le message d’un allié américain prêt à abandonner Taïwan en cas de conflit, afin de saper la volonté de résistance de l’île​.

Les médias d’État chinois et les armées de trolls sur les réseaux sociaux accentuent chaque doute émis à Washington pour éroder la confiance des Taïwanais envers leur protection internationale. Parallèlement, Pékin cherche à influencer les pays voisins (Asie du Sud-Est, Pacifique) en soulignant l’instabilité de l’engagement américain, espérant les détacher du giron de Washington. Consciente de ce contexte menaçant, Taïwan intensifie sa propre stratégie de survie. L’île double ses efforts pour renforcer ses alliances internationales et sa capacité d’auto-défense. Sous la présidence de Tsai Ing-wen (蔡英文), le budget de la défense a bondi de 80 %, atteignant un niveau record de 625,9 milliards de NTD en 2024 (environ 18,5 milliards d’€)​.

Taipei a commandé des armements sophistiqués – dont 66 nouveaux chasseurs F-16V pour 8 milliards de $ (≈7,8 milliards d’€) – et rallongé la conscription militaire obligatoire de 4 mois à 1 an pour accroître ses effectifs. Taïwan mise sur une stratégie asymétrique, développant des missiles anti-navires, des défenses côtières et des cybercapacités pour dissuader Pékin. Sur le plan diplomatique, l’île multiplie les initiatives pour élargir son réseau de soutien : dialogues de sécurité renforcés avec le Japon, coopération accrue avec l’Australie (澳大利亚), l’Inde et les autres démocraties asiatiques, sans oublier une ouverture vers l’Europe. Taïpei intensifie les échanges avec des nations partageant les mêmes valeurs, afin d’éviter une dépendance excessive envers Washington​.

Des partenariats innovants émergent, comme avec le Royaume-Uni sur la cybersécurité et la lutte contre la désinformation​, fléaux que la Chine utilise pour déstabiliser la population taïwanaise. En envoyant des délégations à l’étranger et en accueillant des parlementaires occidentaux, Taïwan cherche à ancrer sa cause sur la scène internationale. Cette diplomatie proactive, couplée au renforcement militaire interne, vise à envoyer un message clair : malgré les incertitudes américaines, Taïwan ne restera pas passif. L’île fortifie son bouclier et élargit son cercle d’amis pour dissuader Pékin de toute aventure, affirmant sa détermination à protéger sa souveraineté et son modèle démocratique.

📌 Ce qu’il faut retenir

⚠️ Incertitude américaine : Les revirements de Trump sur l’Ukraine jettent le doute sur la fiabilité du soutien des États-Unis à Taïwan

🤝 Liens Europe–Taïwan : Taïwan et l’Europe multiplient les coopérations diplomatiques, économiques et technologiques.

🐉 Propagande chinoise : Beijing exploite chaque signe de désengagement occidental pour persuader les Taïwanais

🛡️ Riposte de Taïwan : Taïwan renforce massivement sa défense (budget militaire en forte hausse, armements modernes, conscription rallongée) et active sa diplomatie (alliances avec démocraties asiatiques, rapprochement avec l’Europe)


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