Depuis plus de 16 ans, la vie politique taïwanaise reposait sur une stabilité relative : le Parti démocrate progressiste (DPP) ou le Kuomintang (KMT) détenait systématiquement la majorité au Parlement.
Mais les élections de 2024 ont bouleversé cet équilibre : aucun des deux grands partis n’a obtenu la majorité. Une situation inédite qui a offert une position charnière au Parti du Peuple Taïwanais (TPP), fondé par Ko Wen-je (柯文哲), ancien maire de Taipei.
Le TPP s’était imposé comme “la troisième voie”, prônant une gouvernance efficace et inclusive, loin des clivages idéologiques. Pourtant, en s’alliant récemment au KMT pour former une coalition d’opposition au DPP, le parti semble risquer de perdre son indépendance et son image de force alternative.
Une coalition risquée avec le KMT
Sous la présidence de Huang Kuo-chang (黃國昌), le TPP a renforcé sa coopération avec le KMT — appuyant notamment des réductions budgétaires et des positions communes sur la politique locale. Cette alliance a permis au TPP d’obtenir un poids législatif réel, mais au prix d’un flou croissant de son identité politique.
À l’origine, le parti de Ko Wen-je voulait aborder les défis concrets de Taïwan :
- sécurité énergétique,
- défense nationale,
- conditions économiques du quotidien.
Cette approche pragmatique séduisait les jeunes électeurs urbains, lassés des débats identitaires entre indépendance et réunification.
Mais cette base s’est effritée en 2024, fragilisée par un scandale de corruption impliquant Ko Wen-je et les controverses liées à la tentative de réforme constitutionnelle menée par la coalition KMT-TPP.
Désormais, le TPP peine à maintenir sa posture de parti centriste, pris entre la fidélité à ses idéaux initiaux et la tentation de se fondre dans le camp bleu (pro-KMT).
La question cruciale des relations trans-détroit
Le TPP défend officiellement une ligne de “souveraineté taïwanaise et de paix avec la Chine”, reprochant au DPP sa posture “provocatrice” et au KMT sa trop grande souplesse envers Pékin.
Mais dans les faits, le parti reste flou. La marge de manœuvre sur le dossier sino-taïwanais se réduit, et toute position modérée apparaît vite comme ambiguë ou incohérente.
Le risque est clair :
👉 En s’alignant sur le KMT, le TPP pourrait perdre les électeurs indépendants qui le soutenaient pour son indépendance.
👉 En s’éloignant du KMT, il risquerait d’être marginalisé dans le jeu politique parlementaire.
Ce piège stratégique illustre la difficulté du parti à exister entre deux blocs historiques — et à incarner une “troisième voie” véritablement crédible dans un système dominé par la polarisation.
Une identité à redéfinir avant les élections locales
La situation interne du TPP reste tendue.
Ko Wen-je, bien qu’accusé de corruption, conserve une influence déterminante sur le parti. Pendant ce temps, Huang Kuo-chang pousse à un renforcement du partenariat avec le KMT, notamment en vue des élections locales.
Mais cette stratégie pourrait se retourner contre lui :
- En misant sur des alliances électorales tactiques, le TPP risque d’être absorbé par le KMT.
- En refusant toute coopération, il pourrait perdre son rôle pivot au Parlement et sur le terrain.
S’il veut survivre, le TPP devra retrouver une identité propre, capable de séduire les électeurs indépendants tout en évitant la dilution politique.
Faute de quoi, il pourrait rejoindre la longue liste des “petits partis oubliés” de la politique taïwanaise, à l’image du New Party ou du People’s First Party.
🔎 À retenir
- ⚖️ Le TPP peine à exister entre le DPP et le KMT, risquant de perdre son indépendance politique.
- 🤝 La coalition avec le KMT lui donne du poids, mais fragilise son image de “troisième voie”.
- 🇨🇳 Le flou de sa politique vis-à-vis de la Chine affaiblit sa crédibilité auprès des électeurs.
- 💬 Les affaires de corruption liées à Ko Wen-je entachent son héritage politique.
- 🗳️ Les prochaines élections locales seront décisives pour la survie du parti.
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