Histoire de la télévision à Taïwan : d’une salle de classe aux plateformes mondiales

L'histoire de la télévision à Taïwan : des expériences éducatives au service public, câble légal, numérique, TaiwanPlus, TTV, CTS, FTV.
Une télévision dans un foyer taïwanais dans les années 70 - Copyright : Image libre de droit

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La télévision est arrivée tard à Taïwan mais son développement a été rapide. De simples expériences pédagogiques à l’actuel paysage multimédia, ce média a traversé plusieurs étapes : une phase de didactique et d’expérimentation, une période de domination des « trois grandes chaînes » (TTV, CTV, CTS), une libéralisation du câble et l’émergence d’un service public soucieux de diversité culturelle. Aujourd’hui, l’archipel poursuit sa mue numérique et s’adresse à l’international. Cet article retrace chronologiquement cette évolution en s’appuyant sur des sources académiques et journalistiques.

Des débuts pédagogiques et expérimentaux (années 1950–1962)

L’histoire de la télévision taïwanaise commence dans le milieu religieux et éducatif. En 1958, le père catholique Philip Bourret fonde une petite unité de production appelée Kuangchi Program Service (KPS). L’atelier est alors qualifié de « station de télévision sans émetteur » et produit des programmes destinés à la jeunesse et à l’éducation civique. Ainsi KPS tourne des films scientifiques pour enfants et prête ses caméras au gouvernement.

Au même moment, les autorités envisagent l’usage pédagogique du nouveau média. En 1960, le ministère de l’Éducation autorise la création d’un “bureau expérimental de radio-télévision éducative”. Cette structure diffuse des cours à destination des écoles et des adultes, principalement dans le nord du territoire. Les émissions, souvent en noir et blanc, sont limitées en durée et couvrent un rayon restreint. Cette première expérience montre que la télévision peut servir à l’alphabétisation et au renforcement de l’enseignement, même si son audience reste modeste.

La naissance de TTV et l’ère du noir et blanc (1962–1969)

Le 10 octobre 1962, Taïwan inaugure officiellement sa première chaîne hertzienne, Taiwan Television (TTV). Cette date coïncide avec la fête nationale et symbolise la volonté de modernisation du régime. TTV bénéficie de l’aide technique de KPS ; ses premières images utilisent du matériel prêté par la société religieuse. Les programmes – journaux télévisés, variétés, pièces de théâtre – sont produits dans des conditions artisanales. L’audience se développe rapidement dans les villes, mais les campagnes restent souvent sans récepteur.

Les émissions de TTV sont en noir et blanc et s’appuient sur une main‑d’œuvre issue de la radio ou du théâtre. Les premières publicités, appelées « 二黑一白 » (deux noirs et un blanc) en référence à leurs produits phares (dentifrice, boisson gazeuse et chaussures), introduisent une économie télévisuelle naissante. L’État utilise également la télévision comme outil de propagande et de cohésion nationale.

L’arrivée de la couleur et l’ère des « trois » (1969–1993)

En 1969, China Television (CTV) commence à émettre et introduit la couleur dans les foyers taïwanais. Le passage à la couleur n’est pas immédiat : certaines émissions restent en noir et blanc, mais les nouveaux feuilletons quotidiens, comme Jingjing, attirent les spectateurs du prime time et imposent un rythme de production soutenu. CTV diffuse aussi plus de programmes internationaux, offrant une fenêtre sur l’étranger.

Pendant ce temps, la chaîne éducative est réorganisée. En 1971, l’expérimentation pédagogique devient Chinese Television System (CTS). La station garde un mandat éducatif, mais propose des programmes commerciaux pour atteindre un public plus large. La combinaison de TTV, CTV et CTS crée un oligopole surnommé « 老三台 (lao san tai) » ou « les trois anciennes ». Pendant plus de vingt ans, ces chaînes monopoliseront la diffusion terrestre, fournissant des informations contrôlées et un divertissement standardisé. Les émissions varient entre variétés, drames historiques et retransmissions sportives, mais la programmation reste sous la supervision étroite de l’État.

Le câble et la quête du « quatrième réseau » (années 1970–1997)

Dès les années 1970, des réseaux clandestins de câble communautaire apparaissent dans les régions montagneuses mal desservies par la télévision hertzienne. Ces systèmes utilisent des antennes et des câbles improvisés pour améliorer la réception. À la fin des années 1980, des entreprises privées commencent à diffuser des films sur ces réseaux sans licence, donnant naissance à la notion de « quatrième chaîne ».

Dans le même temps, l’opposition démocrate et certains milieux culturels critiquent le monopole des trois chaînes et exigent l’ouverture du marché aux langues locales, notamment le taïwanais (hokkien). Ces revendications culminent avec l’adoption de la Cable Television Act en 1993. La loi légalise les réseaux câblés, divise Taïwan en 51 districts et autorise jusqu’à cinq opérateurs par district. Plus de 500 sociétés, souvent issues de l’illégalité, doivent se regrouper pour obtenir une licence. Les investissements sont lourds (au moins 200 millions de NT$), mais l’expansion est spectaculaire : la proportion de foyers raccordés au câble passe de 15 % à 63 % en quatre ans.

Parallèlement, la pression politique aboutit à l’autorisation d’une quatrième chaîne hertzienne. En 1995, après une compétition serrée, la licence est accordée à Formosa Television (FTV), soutenue par des entrepreneurs et des militants progressistes. FTV commence à émettre en 1997 et devient la première chaîne généraliste privée en dehors du cadre des trois chaînes historiques. Elle diffuse davantage de programmes en taïwanais et contribue à la diversification des contenus.

Le service public et la diversification linguistique (1997–2019)

Alors que le paysage médiatique change, le gouvernement cherche à créer un service public indépendant. En 1997, le parlement adopte la Public Television Act et établit la Public Television Service (PTS). La Fondation PTS est constituée le 1ᵉʳ juillet 1998 avec pour mission de produire des programmes éducatifs, culturels et citoyens.

Le service public ne se limite pas au mandarin. En juillet 2003, PTS lance Hakka TV, une chaîne principalement en langue hakka, afin de revitaliser cette culture minoritaire. Deux ans plus tard, le 1ᵉʳ juillet 2005, est inaugurée Taiwan Indigenous Television (TITV), dédiée aux peuples autochtones. Le président Chen Shui-bian présente cette station comme la première chaîne autochtone d’Asie, chargée de promouvoir les douze groupes aborigènes et leurs langues.

En 2006, l’État regroupe CTS et ces chaînes dans un groupe audiovisuel public, le Taiwan Broadcasting System (TBS). Ce rapprochement vise à rationaliser les ressources tout en préservant l’indépendance éditoriale. Enfin, le 6 juillet 2019, PTS lance PTS Taigi (13ᵉ chaîne), entièrement consacrée au taïwanais hokkien. Cette chaîne propose informations, divertissements et sports en langue locale, renforçant la place du hokkien dans l’espace public.

La transition numérique et la révolution des écrans (2004–2014)

Taïwan aborde le virage numérique au début du XXIᵉ siècle. Dès le 1ᵉʳ juillet 2004, des émissions numériques expérimentales débutent via le réseau hertzien. Le 1ᵉʳ février 2008, PTS teste la haute définition (HiHD), et les chaînes publiques commencent à diffuser en HD. En parallèle, le gouvernement planifie l’extinction de l’analogique.

Cette transition se déroule en quatre phases entre mai et juin 2012 : les cinq chaînes hertziennes (TTV, CTV, CTS, FTV et PTS) arrêtent progressivement leurs émetteurs analogiques. Le 30 juin 2012, Taïwan devient l’un des premiers pays d’Asie à éteindre l’analogique sur tout le territoire. Les foyers doivent s’équiper de décodeurs ou de téléviseurs compatibles. Pour la télévision câblée, la Commission nationale des communications (NCC) vise une conversion totale au numérique d’ici 2014, puis 2017.

Cette période marque aussi l’irruption des plateformes en ligne. Les chaînes traditionnelles diffusent leurs contenus sur YouTube et créent des services à la demande. Le marché du câble, saturé et souvent jugé cher, commence à décliner en raison de la concurrence des services de streaming.

Défis contemporains et ouverture au monde (2019–Maintenant)

À partir de la fin des années 2010, les habitudes de consommation changent radicalement. Le nombre d’abonnés au câble, qui atteignait 5,26 millions en 2017, descend à 4,59 millions au deuxième trimestre 2023. Cette chute traduit la migration vers les offres en ligne et souligne l’importance d’une réforme tarifaire.

Face à ces défis, Taïwan lance des initiatives pour renforcer sa visibilité et ses valeurs démocratiques à l’international. En octobre 2022, la plateforme TaiwanPlus devient également une chaîne de télévision. Gérée par PTS et financée par l’État, elle diffuse 24 heures sur 24 des journaux et des programmes en anglais sur la culture, l’histoire et la vie quotidienne taïwanaises. Ce projet vise à contrer la diplomatie médiatique chinoise et à offrir un point de vue taïwanais sur les affaires régionales.

Le paysage audiovisuel taïwanais continue ainsi de naviguer entre diversité locale et ouverture globale. Les réformes se poursuivent pour garantir l’indépendance des médias, soutenir les langues minoritaires et s’adapter à la révolution numérique.

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À propos de l'auteur

  • Luc

    Fondateur du webzine francophone Insidetaiwan.net
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