En 1938, une tragédie survenue dans un village de la côte est de Taïwan a été transformée par le gouvernement colonial japonais en un puissant outil de propagande. La mort accidentelle d’une jeune fille atayale, Sayon Hayung (莎韻·哈勇), en aidant un instituteur japonais, donna naissance au mythe de la « Cloche de Sayon » (サヨンの鐘). Ce récit, d’abord une simple nouvelle locale, fut amplifié pour incarner les valeurs d’obéissance et de sacrifice de la politique d’assimilation coloniale. Mais derrière cette histoire se cache une mémoire ambivalente, entre héroïsation forcée, souffrance des peuples autochtones et relectures contemporaines.
Un accident tragique devenu récit patriotique
Le 27 septembre 1938, la jeune Sayon, âgée de 17 ans, accompagnait son professeur japonais, Tanaka Masaki, appelé à rejoindre le front chinois. Chargée de transporter ses bagages, elle disparut en traversant un torrent gonflé par un typhon. Quelques jours plus tard, la presse locale, comme le Taiwan Nichinichi Shimpō, relata l’affaire en quelques lignes : « Une jeune fille aborigène tombe à la rivière et disparaît. »
Très vite, le récit changea de dimension. Les autorités coloniales organisèrent une cérémonie de commémoration en son honneur, saluant son « esprit de sacrifice ». En décembre 1938, le gouverneur du Taipei-shū fit graver une cloche commémorative portant l’inscription « 愛國乙女サヨンの鐘 » (Cloche de la jeune patriote Sayon). L’accident devint un modèle d’héroïsme autochtone au service du Japon impérial.
La récupération coloniale et culturelle
Sous le gouverneur Hasegawa Kiyoshi, la figure de Sayon fut utilisée pour illustrer la réussite de la politique de « kōminka » (皇民化, assimilation des peuples colonisés). L’histoire fut chantée, mise en scène et même peinte par des artistes comme Shiomitsu Tōfu. Une chanson populaire, « Sayon no Kane », interprétée par Watanabe Hamako, circula dans tout l’empire (Taïwan, Japon, Mandchourie, Shanghai, Hong Kong). En 1943, le cinéma colonial adapta l’histoire avec Li Xianglan (李香蘭) dans le rôle de Sayon.
L’affaire alla jusqu’aux manuels scolaires : en 1944, les écoliers taïwanais lisaient la leçon intitulée « サヨンの鐘 ». Sayon devint ainsi un symbole officiel, comparable au « garçon du drapeau », autre figure de propagande.
Après-guerre : oubli, réinvention et redécouverte
À la fin de la guerre, la cloche et les monuments furent détruits. Dans les années 1950, le cinéma taïwanais réinterpréta l’histoire avec le film 《紗蓉》, qui effaçait la dimension japonaise pour intégrer une trame chinoise. À partir des années 1990, chercheurs et artistes redécouvrirent le mythe. En 2004, une troupe autochtone mit en scène le spectacle « L’histoire de Sayon ».
En 2007, l’Université nationale de l’éducation de Taipei organisa un colloque international intitulé « Mémoire coloniale et Sayon no Kane », réunissant universitaires taïwanais, japonais, coréens et témoins. Plus récemment, des passionnés de sentiers historiques, comme Lin Ke-xiao, ont retracé l’ancien chemin que Sayon aurait emprunté avant sa disparition.
Mémoire et réinterprétations
Aujourd’hui, l’histoire de la « Cloche de Sayon » interroge la façon dont les puissances coloniales manipulent des destins individuels pour en faire des récits collectifs. Pour certains, elle incarne la douleur des peuples autochtones, contraints de servir une cause qui n’était pas la leur. Pour d’autres, elle représente une mémoire partagée, un fragment d’histoire où l’intime et le politique se croisent.
À Wutai (武塔村, comté de Yilan), un parc commémoratif rappelle encore l’événement, non pas comme un symbole impérial, mais comme une réflexion sur la mémoire, l’histoire et la dignité des peuples autochtones de Taïwan.
✅ À retenir
- 🛎️ Sayon, jeune fille atayale, meurt accidentellement en 1938 en aidant un instituteur japonais.
- 📢 L’accident est transformé en outil de propagande coloniale par le gouvernement japonais.
- 🎬 L’histoire devient chanson, peinture, film et figure scolaire dans les années 1940.
- 🗑️ Après-guerre, les monuments sont détruits, mais l’histoire refait surface dès les années 1990.
- 🌱 Aujourd’hui, Sayon est relue comme symbole de mémoire coloniale et de résistance culturelle.

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