Depuis toujours, les habitudes et choix alimentaires sont des marqueurs culturels et sociaux, mais aussi des indicateurs du rapport qu’une société entretient avec son environnement. En 2022, un changement notable est survenu dans le paysage alimentaire taïwanais : pour la première fois, la consommation de viande a surpassé celle des céréales. Cette évolution, confirmée par un rapport récent du ministère de l’Agriculture de Taïwan, soulève des questions non seulement sur les préférences culturelles et les styles de vie, mais également sur les implications environnementales et durables de ce changement.
Une révolution alimentaire à Taïwan : la viande surpasse les céréales
Pour la première fois depuis le début des statistiques sur la consommation alimentaire, les Taïwanais ont consommé davantage de viande que de céréales en 2022. Selon un rapport récent du ministère de l’Agriculture, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 87,5 kg de viande ont été consommés en moyenne par personne, contre 87,4 kg de riz, de blé et d’autres céréales. Cette tendance se trouve également accentuée par une baisse de 1,9 kg de la consommation annuelle de céréales par rapport à l’année précédente.
En outre, en termes d’apport calorique, les Taïwanais consomment plus de calories provenant de la viande que des céréales. En 2022, l’apport calorique quotidien de la viande a atteint 421,80 kilocalories (kcal), dépassant pour la première fois l’apport calorique quotidien du riz, qui est de 416,84 kcal. Ce changement d’habitude alimentaire soulève une série de questions importantes, en particulier pour un public francophone soucieux de questions de durabilité et d’environnement.
Il est crucial de comprendre les facteurs qui ont contribué à cette évolution. Est-ce le résultat d’une meilleure disponibilité de la viande sur le marché taïwanais, ou peut-on attribuer cette tendance à un changement dans le style de vie ou aux préférences culturelles des Taïwanais ? En France, par exemple, il y a une réelle prise de conscience sur la nécessité de réduire la consommation de viande pour des raisons environnementales. La France a même instauré des « lundis sans viande » dans certaines écoles pour encourager les jeunes à opter pour des protéines végétales.
Il est bien connu que l’élevage est l’un des principaux contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre. Selon plusieurs études, la production d’un kilogramme de boeuf nécessite en moyenne 15 000 litres d’eau. Ce changement de régime alimentaire à Taïwan peut donc avoir un impact non négligeable sur les ressources en eau et la qualité de l’air. Est-il possible de satisfaire cette nouvelle demande tout en minimisant l’impact environnemental ?
Favoriser les viandes locales par exemple est une solution bien souvent mise en avant… Car la majorité de la viande bovine consommée à Taïwan est importée (Etats-Unis, Nouvelle Zélande, Corée, Japon, Argentine…). Selon les statistiques du MOA, Taïwan a importé plus de viande bovine des États-Unis l’année dernière, avec plus de 63 000 tonnes de viande bovine américaine fraîche et congelée, ce qui représente une augmentation de près de 10 % par rapport aux 57 300 tonnes de l’année précédente.
La question de savoir si cette évolution est à considérer comme un progrès ou un risque est complexe. D’une part, une augmentation de la consommation de viande pourrait être interprétée comme un signe de prospérité économique. D’autre part, elle soulève des préoccupations environnementales majeures qui ne peuvent être ignorées. Le défi ici est de trouver un équilibre entre les besoins nutritionnels, les préférences culturelles et les impératifs environnementaux.
Le poulet en tête, mais à quel prix environnemental ?
La montée de la consommation de viande à Taïwan met particulièrement en lumière la volaille. Avec une consommation moyenne de 43,12 kg de poulet par personne, cette viande semble avoir la préférence alimentaire taïwanaise. Ce phénomène interpelle d’autant plus dans un contexte global où l’on s’interroge sur l’impact environnemental de nos choix alimentaires.
Il est utile de comprendre les raisons sous-jacentes à cette préférence pour le poulet. Selon Lee Yi-chien (李宜謙), directeur général adjoint du département de l’industrie animale à Taïwan, cette tendance est en partie due à une plus grande attention portée à la santé. En France aussi, la volaille est souvent perçue comme une option plus saine que d’autres viandes, notamment le bœuf et le porc, qui sont plus riches en graisses saturées.
Ainsi il confirme que que ces dernières années, les Taïwanais ont mangé plus de poulet que de porc, principalement en raison de l’essor du sport et de la remise en forme, ce qui a entraîné une augmentation de la consommation de blanc de poulet à faible teneur en calories. Cependant, le souci de la santé individuelle ne doit pas occulter l’impact collectif sur la santé de notre planète.
En effet impact environnemental de la production de volaille ne peut être négligé. Si l’élevage de poulets génère moins de gaz à effet de serre que celui du bœuf, il demeure une source significative d’émissions. De plus, la production à grande échelle de volaille peut entraîner des problèmes liés à l’utilisation de l’eau et à la pollution. En France, ces questions environnementales ont conduit à une réflexion sur des pratiques d’élevage plus durables et à une réduction de la consommation de viande dans certains milieux. Est-il envisageable d’importer des pratiques agricoles plus durables à Taïwan pour répondre à cette augmentation de la demande en volaille ?
Cette hausse de la consommation de volaille à Taïwan se pose en contraste avec une mouvance mondiale vers une alimentation plus végétale, dictée en partie par des préoccupations environnementales. Il serait donc judicieux de réfléchir à des alternatives durables à la volaille. Des options comme le tofu, les légumineuses et même des substituts de viande à base de plantes gagnent du terrain en France. Une adoption similaire de ces alternatives à Taïwan, où le tofu est déjà un élément culinaire bien établi, est elle possible ?
L’évolution des autres habitudes alimentaires et les alternatives durables
Alors que la consommation de viande augmente à Taïwan, d’autres changements alimentaires sont également à l’œuvre. Le recul de la consommation de riz à 42,98 kg par personne et l’essor des tubercules, avec une consommation de 30,1 kg par personne, sont particulièrement notables.
La baisse de la consommation de riz peut être considérée comme un indicateur de changement culturel et peut-être même écologique. La production de riz nécessite beaucoup d’eau et peut contribuer à la dégradation des sols, notamment dans les pratiques agricoles intensives. Ainsi en France, on constate une diminution de la consommation de certains types de viande au profit de céréales moins gourmandes en ressources, comme le quinoa ou les lentilles. Est-ce que la baisse de la consommation de riz à Taïwan pourrait également être interprétée comme une ouverture vers des céréales plus durables ?
L’augmentation de la consommation de tubercules comme les ignames et les patates douces est un fait certain. Lin Chuan-chi (林傳琦), chef du groupe de travail spécial sur les céréales du MOA, a expliqué que l’une des raisons de l’augmentation de la consommation de patates douces est la popularité croissante des patates douces rôties et des frites dans les magasins de proximité et les fast-foods. Les patates douces sont également largement utilisées dans les pâtisseries et les boissons à base de thé, ce qui contribue à l’augmentation de leur consommation
L’Agence de l’agriculture et de l’alimentation encourage cette tendance en favorisant la vente de produits à base d’igname notamment. Les tubercules sont généralement moins exigeants en termes de ressources que les céréales et pourraient constituer une alternative plus écologique. En France, l’adoption de régimes plus centrés sur les légumes, les fruits (la campagne comme 5 fruits et légumes par jour…) et les protéines végétales est encouragée par des campagnes publiques. Les tubercules pourraient ils jouer un rôle similaire à Taïwan, à l’instar des légumineuses en France ?
Ainsi la promotion des produits à base d’igname dans les commerces de proximité et les restaurants à Taïwan suggère une acceptation croissante de ces aliments. La diversification alimentaire peut avoir des effets bénéfiques sur la santé, tout en étant écologiquement responsable. En France, l’engouement pour des sources de protéines alternatives comme les algues, les insectes et même les substituts de viande à base de plantes montre qu’il est possible de concilier ces deux aspects. Taïwan, avec sa riche biodiversité et ses traditions culinaires, a certainement le potentiel pour développer des alternatives durables et nutritives.
En conclusion
Les changements dans les habitudes alimentaires à Taïwan, notamment la baisse de la consommation de riz et la montée en popularité des tubercules et de la viande, offrent une opportunité de réflexion sur des choix alimentaires plus durables. À l’heure où les questions de changement climatique et de durabilité sont au cœur des préoccupations mondiales, un dialogue franco-taïwanais sur ces enjeux pourrait enrichir les deux cultures. Les tendances actuelles à Taïwan ne sont pas simplement un reflet de préférences gustatives ou de modes de vie, mais également un indicateur de l’évolution d’une société face aux défis environnementaux. Il est donc impératif de considérer ces évolutions dans un contexte plus large et de promouvoir des alternatives alimentaires qui soient à la fois saines et respectueuses de notre planète.
Pour en apprendre plus sur les questions sociétales et sociales qui parcourent la société taïwanaise n’hésitez pas à suivre notre rubrique Regards sur Taïwan.
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