Pourquoi Pékin met-il en avant la Seconde Guerre mondiale pour justifier ses revendications sur Taïwan ?

Comment Pékin et Taipei mobilisent la mémoire de 1945 pour influencer le débat stratégique et leurs relations internationales.

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La récente prise de position de Xi Jinping devant Donald Trump relance un discours déjà bien installé dans la rhétorique chinoise : présenter le « retour » de Taïwan à la Chine comme un élément fondateur de l’ordre d’après-guerre. Pékin cherche ainsi à ancrer sa revendication dans une continuité historique supposée. Pourtant, cette lecture sélective de l’histoire se heurte à des contradictions majeures.

Un récit historique en décalage avec les faits

Xi Jinping fait référence à la Seconde Guerre mondiale pour légitimer les prétentions chinoises sur Taïwan. Ce positionnement surprend, car la République populaire de Chine (RPC), fondée en 1949, n’a jamais administré Taïwan. Ainsi, aucun document issu des accords de l’après-guerre ne confie explicitement Taïwan à la RPC, ce qui relativise les affirmations de Pékin.

Historiquement, le territoire moderne de la RPC vient en grande partie de l’héritage de l’empire Qing (1644–1911), et Taïwan n’a été une province Qing que pendant une courte période, de 1885 à 1895. La plupart des régions montagneuses de l’est échappaient même à leur contrôle. En invoquant cette période, Pékin mobilise donc un passé impérial plutôt qu’un cadre juridique issu de 1945.

Le glissement progressif des positions chinoises sur Taïwan

La revendication chinoise n’a pas toujours été stable. Mao Zedong a lui-même envisagé, dans les premières années de la RPC, l’idée d’une Taïwan indépendante. Ce n’est qu’après la fuite du Kuomintang (KMT) vers l’île en 1949 que Pékin commence à présenter Taïwan comme « partie intégrante » de la Chine.

Les premiers discours officiels de la RPC au sein du bloc socialiste ne mentionnaient pas Taïwan comme territoire « à récupérer », preuve de l’évolution narrative. Ce changement reflète surtout la valeur géopolitique de Taïwan dans le Pacifique, un élément que toutes les puissances régionales — Japon compris — ont historiquement tenté de contrôler.

Pékin cherche à incarner le défenseur de « l’ordre international »

Face à l’imprévisibilité de la politique américaine sous Donald Trump, Pékin tente de se présenter comme garant de l’ordre international d’après 1945. Cette posture sert à renforcer la légitimité de ses revendications, notamment sur Taïwan.

La Chine compare son rôle actuel à celui des États-Unis après 1945, en se positionnant comme protectrice d’un « ordre fondé sur des règles ». Cette stratégie reste paradoxale, notamment lorsque certains acteurs politiques américains proches de Trump s’affichent avec des références nostalgiques à l’Allemagne nazie, brouillant le cadre moral que Pékin cherche à exploiter.

Taïwan cherche aussi à reformuler son lien avec la Seconde Guerre mondiale

Le gouvernement de Lai Ching-te a, lui aussi, réactivé la mémoire de la Seconde Guerre mondiale pour se positionner face à Pékin. Taïwan a commémoré cette année le Victory in Europe Day — une initiative inhabituelle pour un pays asiatique. Cette mise en scène visait à associer Taïwan au camp des démocraties victorieuses de la Seconde Guerre mondiale et à renforcer la coopération avec l’Europe, à un moment où la dépendance à Washington paraît incertaine.

Dans le contexte asiatique, la démarche est encore plus complexe : Taïwan faisait partie de l’empire japonais pendant la guerre, et des soldats taïwanais ont combattu sous uniforme nippon, notamment en Asie du Sud-Est. La commémoration permet donc à l’administration Lai d’envoyer un message politique : comme le Japon d’autrefois, une puissance agressive finit toujours par faire face à des conséquences lourdes, une analogie directe avec une hypothétique invasion chinoise.

Une mémoire historique mobilisée de part et d’autre

Ces usages de l’histoire ne se limitent pas au DPP. Des personnalités du KMT, comme Hung Hsiu-chu, ont été critiquées pour avoir participé à des commémorations de la Seconde Guerre mondiale en Chine, malgré la menace que Pékin fait peser sur Taïwan. Ainsi sa présence à un défilé militaire chinois a été perçue à Taïwan comme une forme de caution morale offerte à un régime qui revendique l’île.

L’histoire de la Seconde Guerre mondiale sert donc moins à comprendre le passé qu’à influencer le présent. Taïwan comme la Chine l’utilisent aujourd’hui comme un outil politique, chacun cherchant à bâtir un récit légitimant ses positions stratégiques. La malléabilité de cette mémoire montre combien le passé reste un terrain de bataille diplomatique.

⭐ Points à retenir

  • 🧭 Pékin utilise la Seconde Guerre mondiale pour légitimer ses revendications, en évoquant un « retour » de Taïwan jamais acté juridiquement.
  • 🕰️ La RPC n’a jamais gouverné Taïwan, et ses arguments s’appuient davantage sur l’histoire impériale que sur l’ordre international d’après 1945.
  • 🎯 Le changement de discours chinois après 1949 reflète surtout l’importance géopolitique de Taïwan, plus qu’une continuité historique réelle.
  • 🌍 Le gouvernement Lai mobilise aussi la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, notamment pour renforcer ses liens avec l’Europe et les démocraties.
  • 🔍 La mémoire de la guerre devient un outil politique, utilisée autant par Pékin que par Taipei pour défendre leurs positions contemporaines.

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À propos de l'auteur

  • Luc

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