Les Waishengren une identité dépassée ?

A fin des années 1940 les réfugiés politiques qui ont suivi le Kuomintang et trouvé refuge à Taiwan sont appelés « waishengren ».
Famille mixte waishengren et benshengren - Copyright : Digital Taiwan

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Les Waishengren (外 省 人), parfois appelés continentaux, sont des migrants arrivés à Taiwan depuis la Chine continentale entre la capitulation japonaise à la fin de la seconde guerre mondiale en 1945, et la retraite du Kuomintang à la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Ils venaient de diverses régions de la Chine continentale et appartenaient à plusieurs classes sociales.

Le terme est souvent opposé à benshengren (本 省 人), qui fait référence aux Hoklo et Hakka à Taiwan arrivés avant 1945 qui avaient vécu sous domination japonaise. Le terme exclut les autres immigrants chinois de souche (par exemple de Malaisie ou de Hong Kong) et les immigrants ultérieurs de Chine continentale.

Comment traduire le terme ?

Les termes waishengren et benshengren posent d’intéressantes difficultés de traduction. La grande majorité de la littérature académique utilise directement les termes waishengren et benshengren. La traduction littérale de waishengren signifie « les gens extra-provinciaux » tandis que la traduction littérale de benshengren signifie « les gens de cette province ». Cependant, ces traductions sont politiquement chargées car elles sont apparues dans le contexte historique d’un Kuomintang au pouvoir qui revendiquait l’intégralité de la Chine.

Une traduction anglaise de waishengren est « continental », bien que certains Waishengren trouvent cette traduction inconfortable car beaucoup d’entre eux ont vécu à Taiwan toute leur vie. Et le terme peut entraîner une confusion possible avec les résidents de la République populaire de Chine. De même, la traduction de benshengren par « taïwanais natif » conduit à une confusion possible avec les peuples autochtones taïwanais.

Qu’est-ce qu’un Waishengren ?

Un Waishengren définit une personne vivant à Taiwan dont la maison ancestrale, qui est transmise par le père, n’était pas à Taiwan. En revanche, un Benshengren était quelqu’un dont la maison ancestrale était à Taiwan. Selon cette définition formelle, une personne née à Taiwan dont la maison ancestrale du père n’est pas à Taiwan est considérée comme un Waishengren. À l’inverse, une personne non née à Taïwan dont la maison ancestrale est à Taïwan est considérée comme un Benshengren. Les foyers ancestraux ont été supprimés des registres officiels (par exemple sur les cartes d’identité, les enregistrements de ménage et les passeports) en 1996 et remplacés par le lieu de naissance. Ce qui a mis fin à la distinction officielle entre waishengren et benshengren puisque de nombreux Waishengren sont nés à Taiwan.

Père et Fils waishengren – Copyright : Digital Taïwan

Aujourd’hui, dans la pratique, le terme fait largement référence aux personnes qui ont émigré de la Chine continentale vers Taïwan à partir de 1945, lorsque la République de Chine a pris le contrôle de Taïwan après la capitulation du Japon à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et jusque dans les années 1950. Les immigrants récents à Taïwan en provenance de Chine ne sont pas considérés comme des waishengren, mais constituent une catégorie sociale distincte. En raison des mariages mixtes importants entre les familles waishengren et benshengren, il est difficile de définir précisément la distinction dans les nouvelles générations.

Démographie des Waishengren

En raison de la nature chaotique de la retraite du Kuomintang à Taiwan, le nombre exact de Waishengren est inconnu. Les estimations varient quant au nombre de Waishengren qui ont migré. La plupart des estimations varient entre 950 000 et 2 millions. 1,2 million étant le chiffre le plus souvent cité à Taiwan. Les archives récemment déclassifiées comptabilisent une population de 1 024 233 immigrants chinois continentaux à Taiwan et dans les zones militaires de Kinmen-Matsu au 16 septembre 1956.

Il existe plusieurs sous-groupes de waishengren en fonction de la façon dont ils ont migré. Environ 26% des waishengren (des civils essentiellement) sont arrivés avant la retraite militaire du KMT. Ce groupe était composé des élites chinoises, comme des responsables gouvernementaux, des hommes d’affaires et des intellectuels, ainsi que des travailleurs migrants du Fujian. Une autre catégorie importante était celle des militaires et de leurs familles, ainsi que des soldats qui avaient été enrôlés de force par le Kuomintang. Une autre catégorie est constituée de réfugiés, qui ont été évacués à la hâte lors de la retraite du Kuomintang. Enfin d’autres, comme Ma Ying-jeou, sont arrivés dans les années qui ont suivi la retraite.

Environ 40% des Waishengren se sont installés dans la région de Taipei. 25% se sont installés à Kaohsiung, Keelung, Taichung et Tainan. Les autres s’étant éparpillés dans le reste de l’île.

Histoire et Société

Historiquement, les élites waishengren accaparaient les postes les plus importants du pouvoir, pendant la loi martiale à Taiwan. Ceci, ainsi que la corruption qui s’est produite sous le gouvernement militaire de Chen Yi immédiatement après la capitulation japonaise en 1945 et l’incident 228 qui a suivi, a donné naissance à un fort ressentiment parmi les Benshengren. Et a été l’une des principales causes du mouvement d’indépendance de Taiwan. Bien qu’elles ne dominent plus le gouvernement, les élites waishengren constituent toujours une grande partie des employés gouvernementaux et des élites militaires.

Waishengren rencontrant des Benshengren – Copyright : Digital Taiwan

D’autre part, de nombreux soldats et réfugiés arrivés avec le Kuomintang sont venus sans leurs familles. Se trouvant démunis dans un pays étranger, certains d’entre eux se sont tournés vers la violence ou même le suicide. À la fin des années 50, le taux de criminalité des Waishengren étaient supérieurs à ceux des Benshengren. Les crimes violents commis par les vagabonds waishengren ont provoqué la peur et la colère parmi les Benshengren, et le gouvernement a souvent eu recours aux exécutions publiques pour apaiser la population. En particulier dans les cas extrêmes et médiatisés tels que le vol à main armée, le harcèlement sexuel ou le meurtre. L’afflux des Waishengren pauvres a également exercé une pression énorme sur le logement et a entraîné la construction illégale d’un grand nombre de bidonvilles à Taipei. Enfin les élites waishengren, grâce à leurs connections et leurs appuis politiques, pouvaient obtenir les propriétés autrefois détenues par des Japonais, parfois aux dépens de Benshengren qui étaient alors expulsés de leurs résidences.

À partir des années 1970, la domination nationaliste chinoise sur le gouvernement a commencé à reculer. En effet la prospérité économique permettait la mobilité sociale pour ceux qui en était exclu auparavant.  Enfin Les mariages mixtes et une nouvelle génération élevée dans le même environnement ont largement brouillé la distinction entre waishengren et benshengren.

Les Nouveaux Taïwanais

À la fin des années 1990, le concept de « nouveaux taïwanais » est devenu populaire à la fois parmi les partisans de l’indépendance de Taiwan et de l’unification chinoise afin de défendre une proposition plus tolérante que waishengren. Cependant, il est rapidement devenu évident que la notion de nouveau taïwanais signifiait différentes choses pour les partisans de l’indépendance et de l’unification.

Pour les partisans de l’indépendance, le concept de nouveau taïwanais impliquait que les waishengren devaient s’assimiler à une identité taïwanaise distincte de l’identité chinoise. En revanche, les partisans de l’unification chinoise semblaient croire que tous les Taïwanais (pas seulement les W aishengren) devraient restaurer une identité taïwanaise auparavant marginalisée sans contrarier une identité chinoise plus large. Au début du 21e siècle, de plus en plus de Waishengren se considèrent comme des Taïwanais et socialement distincts des habitants actuels de la Chine continentale.

Lee Teng-hui a travaillé pour le rapprochement entre chinois et taïwanais – Copyright : The New lens

La distinction entre Waishengren et Benshengren a pendant longtemps cristallisé et défini les relations entre les différents groupes de la société taïwanaise. Aujourd’hui le sentiment nationaliste taïwanais, la reconnaissance des identités autochtones, le reflux du sentiment d’appartenance à la Chine continentale ont effacé peu à peu les distinctions entre les deux groupes. La présidence de Lee Teng-hui a également fait beaucoup pour l’ascension sociale des Benshengren.

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À propos de l'auteur

  • Luc

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